Soeur Véronique MARGRON. Provinciale des dominicaines de la Présentation, professeur à la Faculté de théologie de l’Université catholique de l’Ouest à Angers. Auteur de nombreux ouvrages.
Cette semaine sur l’antenne de France Culture. Du lundi 3 octobre 2016 au vendredi de 20h à 20h30. A VOIX NUE – Coordination Béline Dolat
Véronique Margron, une dominicaine à l’écoute des fragilités humaines
Par Michel Pomarède – réalisation : Rafik Zenine
Le site
http://www.franceculture.fr/emissions/voix-nue/veronique-margron-une-dominicaine-lecoute-des-fragilites-humaines-15-une-jeune
Présentation de la série.
Théologienne, enseignante en éthique, religieuse dominicaine, Véronique Margron est une moraliste qui ne fait pas la morale. Même quand elle aborde le mariage pour tous, la procréation médicalement assistée, l’euthanasie ou les scandales de pédophilie dans l’église. Une femme libre.
Théologienne, enseignante en éthique, religieuse dominicaine, élue en 2013 provinciale de sa congrégation, Véronique Margron a été la première femme en France à avoir dirigé une université de Théologie, en l’occurrence celle d’Angers dont elle a été le doyen entre 2004 et 2010.
C’est une femme libre dans sa parole et dans ses engagements : elle reçoit des victimes d’abus sexuels, anime des groupes de paroles avec des personnels médicaux chargés de soins palliatifs ou intervient dans des associations gays et lesbiennes pour aborder l’homophobie mais aussi le sens de la vie ou la quête d’une éthique sexuelle.
Née à Dakar en 1957… Baptisée et confirmée « comme tout le monde », elle n’a aucun atome crochu avec la religion qui ne fait pas partie des valeurs de la famille. Lycéenne, elle révise ses leçons au café où elle regarde les gens et passe son temps à « écouter plus qu’à discuter ». …Après le lycée, direction Tours pour faire psycho, parce que pour la bachelière littéraire qui aime la philo, « c’est dans l’air du temps ». Ses rêves pour plus tard ? « Comprendre les gens ». Un dimanche, elle part faire des photocopies, elle pousse la porte d’un local et rencontre pour la première fois des sœurs dominicaines. Elle ne le sait pas encore, mais elle vient de découvrir une nouvelle famille…(La 1ère émission)
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– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
–Soeur Véronique Margron: Les leçons de Tenèbres Marc Antoine Charpentier
Vêpres aux Jésuites, M A Charpentier
Les leçons de Tenèbres, Couperin
Magnificat et Motets, De B de Ribera
Allegri Miserere…
– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Dieu ne peut qu’aimer ce qui fait du bien à la vie de l’humain, à son âme. Ce qui relie la beauté, y compris celle de la plainte, à la capacité créatrice de l’humain…
–Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Celles qui ont fait du bien durant la vie de chacun. Celles qui ont accompagné ses peines, ses bonheurs, sa quête. Celles qui ont favorisé en soi l’écoute.
– Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Celles qui apportent du silence en soi. Et celles qui nous relient à tant d’autres. Avant tout les Psaumes mais aussi de nombreuses hymnes de la CFC (Commission francophone cistercienne) .
– Que chantent les anges musiciens ?
Les Psaumes. Leur amour de Dieu. Leur bienveillance et attention pour les humains…
–Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Au moment de répondre : ô Solitude d’Henry Purcell par Alfred Deller
– Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Le désir d’avoir chercher à l’aimer durant cette vie…Ou était-il quand tant de personnes souffraient ?
Tant et tant et tant de questions…
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
ô Solitude Purcell
Oratorio de Pâques de J. S. Bach
- S. Bach par Anne Queffelec
Allegri Miserere
Suites pour violoncelle solo , JS Bach
Pergolesi, Marian Vespers
Palestrina…
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Suites pour violencelle de J.S Bach. Mais peut-être autant la lente et souvent douloureuse parole d’une confiance donnée.
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Celle, unique pour chacun, qui raconte son histoire d’amour et de fidélité avec l’humanité.
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A lire dans LA CROIX
Soeur Véronique Margron, théologienne, présente son parcours sur France Culture, du 3 au 7 octobre. / William Alix/Ciric
Au fil des émissions, qui suivent une progression chronologique, elle revient sur son enfance solitaire et rêveuse, ses études de psychologie et ses premières années professionnelles comme éducatrice dans un foyer pour jeunes délinquants. On découvre ensuite les chemins de sa vocation religieuse et sa rencontre avec les Dominicaines à Tours. « Il y avait quelque chose qui me touchait chez ces femmes dans leur façon d’être cordiales, leur liberté, leur recherche de ce qui est juste », se souvient-elle. Puis on la suit, jeune novice et jeune théologienne jusqu’à son arrivée à la tête de la faculté de théologie de l’Université catholique d’Angers, où elle deviendra la première femme doyen d’une faculté de théologie en France en 2004.
> À lire sur Orbi & Urbi : Sœur Véronique Margron élue provinciale des dominicaines de la Présentation
L’éthique au cœur de son engagement
Le format de l’émission – peu de questions, une large place donnée aux propos de l’invitée – convient bien à l’évocation d’un parcours de vie. Un parcours ici marqué par l’honnêteté, la responsabilité et un sens certain de la complexité de la vie et des questions éthiques, plus particulièrement évoquées dans les deux dernières émissions, à travers les soins palliatifs, l’euthanasie, l’éthique sexuelle et le scandale de la pédophilie dans l’Église.
L’auditeur est ainsi le témoin d’une existence qui gagne progressivement en intensité, sans jamais rechercher l’exceptionnel. Les questions de Michel Pomarède permettent d’embrasser l’essentiel de cette trajectoire personnelle en la rendant accessible à tout un chacun. La religieuse prend d’ailleurs soin de mettre des mots compréhensibles par tous sur sa vocation religieuse et sur sa pratique de la théologie morale.
L’éthique chrétienne attentive aux situations
Dans le récit de cette vie, il est beaucoup question d’amitiés, d’engagement de soi, de joie et de fraternité. L’éthique chrétienne y apparaît non grandiloquente mais attentive aux visages et aux situations concrètes. « En éthique, j’ai tendance à croire surtout au minuscule », résume joliment Véronique Margron, qui évoque « les petites choses » de l’ordre de la « bienveillance et de la bienfaisance » qui peuvent éclairer les situations les plus dramatiques.
Elle se fait ainsi l’ambassadrice crédible d’une conviction qui reste parfois difficile à entendre aux marges de l’Église : « la vie chrétienne peut proposer quelque chose comme un art de vivre, qui laisse toute sa place à la vie singulière. »
> Lire aussi : Véronique Margron, théologienne : « La détestation de l’autre sape la société »
(1) « À voix nue » invite Véronique Margron, du lundi 3 octobre au vendredi 7 octobre 2016 à 20 heures, sur France Culture.
A lire dans LA CROIX
Provinciale des dominicaines de la Présentation et professeur à la Faculté de théologie de l’Université catholique de l’Ouest à Angers
Son appartement, sous les combles du rectorat de l’Université catholique de l’Ouest, ressemble un peu à une vigie au-dessus de la mer ardoise des toits angevins. Véronique Margron n’est pourtant pas de ceux qui observent le monde de loin, reclus dans leur tour d’ivoire.
Depuis le début des discussions sur le « mariage pour tous », la religieuse dominicaine reçoit les appels de nombreux chrétiens homosexuels qui lui confient leur « grande solitude dans ce débat où ils n’ont, pour l’immense majorité d’entre eux, rien demandé à personne ». Chargée du pôle éthique de la « Catho », cette théologienne moraliste, qui fut la première femme à avoir été doyenne d’une faculté de théologie (de 2004 à 2010), ne compte pas non plus ses heures passées à expliquer aux journalistes de tous bords la façon dont l’Église catholique se situe face à cet épineux sujet. Sans cacher, toutefois, sa perplexité face aux « réductions idéologiques, de tous côtés ».
« Dire que nous aimons ce monde »
« L’Église devrait laisser entendre une pluralité de positions, avance-t-elle. Je crains que ce débat n’approfondisse l’incompréhension de la société. Il faut pouvoir continuer à dire que nous aimons ce monde dans lequel nous vivons, sans renoncer à une parole de vérité. » Exigeante, cette ligne de crête est emblématique du chemin que Véronique Margron trace depuis près de trente ans dans le champ de l’éthique, attentive à la justesse des mots, comme à la complexité des questions humaines.
Un regard « attentif aux marges »
Son attention pour les plus vulnérables s’enracine dans sa propre histoire. Née à Dakar, Véronique Margron perd très tôt son père. Sa mère l’élève seule avec son frère, et vit douloureusement la vocation de sa fille. Véronique Margron, qui a grandi dans un milieu agnostique, n’avait jamais songé à entrer au couvent avant de croiser la route des dominicaines de la Présentation, à Orléans. La jeune fille, qui a entrepris des études de psychologie et passé les concours du ministère de la justice, va mener de front son travail auprès des jeunes délinquants et ses études de théologie. Elle ressent « de manière aiguë » le décalage entre ces deux univers. Premier grand écart dont elle conservera toujours un regard « attentif aux marges ».
Sa parole libre et nuancée, parfois à contre-courant, Véronique Margron l’a forgée au contact de tous ceux qu’elle accompagne. Pour beaucoup, des victimes d’abus sexuels, mais aussi des personnes homosexuelles, et plus largement des laïcs et des religieux aux parcours de vie souvent brisés, d’un peu partout en France. Une écoute attentive, un regard bienveillant sur les fragilités humaines, une présence enveloppante et distante à la fois : cette femme marquée par la psychanalyse, dont la thèse de doctorat portait sur le sentiment de solitude, invite chacun à inventer son propre chemin.
Une qualité d’écoute
L’accompagnement est pour elle « vital », un lieu de vérité où se vérifie la qualité d’écoute, « premier devoir », à ses yeux, du théologien moraliste : « On ne peut prononcer de parole publique exigeante sur certains sujets sensibles, sans accepter en retour d’écouter ceux qui ont besoin d’être soutenus sur ces mêmes sujets. » Question de cohérence. Héritage, aussi, de Xavier Thévenot. La photo du théologien français mort en 2004, qui fut son maître et son ami pendant vingt ans, trône sur le buffet. « Nous avons passé des heures à discuter de la souffrance. Je tiens de lui ma manière d’écouter. Essayer de ne pas blesser, sans verser dans la complaisance. »
Y parvient-elle toujours, sans se laisser envahir ? Véronique Margron reconnaît que cette vie à cent à l’heure, où elle se donne sans compter son temps ni son énergie, l’a usée. Elle évoque pudiquement des « problèmes de santé ». La religieuse, par ailleurs conseillère de la province de sa congrégation, vit seule depuis plusieurs années. « Quand le poids des soucis est trop lourd, ma communauté me manque, car je n’ai pas de vis-à-vis immédiat pour dédramatiser, mais vu la vie que je mène, je ne sais si je pourrais faire autrement… » Pour souffler, elle confie aimer se plonger dans la foule qui fait ses courses dans le centre-ville, pour se sentir « normale », une femme parmi d’autres.
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Son inspiration : « Face aux mutations, au service du bien commun »
Professeur de théologie morale, Véronique Margron est aussi chargée du pôle éthique de l’Université catholique de l’Ouest. « Il incarne d’une certaine manière le lien entre les bouleversements sociaux et le monde de la recherche universitaire, explique-t-elle. Être une université catholique, cela me semble avant tout consister à s’interroger sur la manière dont nous sommes au service d’un bien commun qui dépasse notre seule institution. Comment les mutations, les progrès de notre société sont-ils, ou non, au service de l’humain, à commencer par le plus vulnérable ? C’est cette question nodale qu’il faut ensuite diffracter. » Cette responsabilité transversale lui demande notamment de « sensibiliser aux enjeux éthiques les chercheurs de toutes les disciplines de l’université ».
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