L’invité du blog: François-Dominique Forquin, dominicain, aumônier national des Équipes du Rosaire depuis 2018.
A lire: François-Dominique Forquin, Comblés de grâce, Les Éditions du Cerf, 2021.
Né en 1978, le frère François-Dominique Forquin est entré dans l’Ordre Dominicain en 2002. Depuis cette date, hormis une année passée au Sénégal, il est venu sans discontinuer chaque année au pèlerinage du Rosaire et à même été directeur de la section régionale de Centre France (Clermont-Ferrand) entre 2010 et 2011. Au sein de la grande famille du Rosaire, le frère François-Dominique Forquin est depuis septembre 2018 aumônier national des Équipes du Rosaire, dont les membres sont présents en grand nombre chaque année à Lourdes.
(Présentation sur le site du pèlerinage du Rosaire).
secretariat.national@equipes-rosaire.org
A lire chaque mois sur le site du mensuel Prions en Église la chronique: Le Rosaire, un chapelet de questions.
https://www.prionseneglise.fr/
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–Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées ?
–François-Dominique Forquin: j’aime beaucoup le Miserere d’Allegri, c’est une musique psalmodique, puisque c’est une déclamation du psaume 50 et quoi mieux qu’un psaume pour évoquer la présence de Dieu à l’homme ? Surtout, dans ce psaume, il s’agit de chanter un Dieu qui a pour nom « miséricorde », amour surabondant quel que soit ce que nous avons fait ou que les autres nous ont fait.
–Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Bien sûr ! Après le drame de Caïn et Abel, alors que, dans les générations qui suivent, l’humanité sera tentée de reproduire la violence originelle entre les nouveaux Abels, nomades et les nouveaux Caïns, sédentaires, Dieu fait alors surgir une troisième voie : ceux qui descendront de Youbal, « père de ceux qui jouent de la flûte et de la cithare » (Gn 4, 21). La génération des musiciens, et plus largement des artistes, était née ! Ce qu’ils produisent n’est pas directement consommable comme le bétail des troupeaux ou les fruits de la terre que fournissent éleveurs nomades et cultivateurs sédentaires, c’est-à-dire descendants d’Abel comme de Caïn ; non, ce que produisent les artistes et singulièrement les musiciens, ce n’est pas un produit de consommation courante, mais des vibrations qui permettent à l’humanité de vivre à l’unisson et d’entrer en communion. Aimer la musique, à la suite du Bon Dieu, c’est appartenir à cette descendance-là, celle qui travaille à la communion entre les hommes pour les faire vibrer et les rassembler dans l’unité.
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Une polyphonie de voix qui toutes sont rassemblées dans l’unité. Le premier instrument qui sert à faire de la musique, c’est la voix humaine, y a-t-il plus bel instrument que des voix humaines qui s’accordent pour chanter ensemble ?
–Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Une musique comme celle des poèmes de Péguy. Après tout, il y a de la musicalité dans la poésie ! En l’occurrence, il s’agit d’une poésie répétitive et en même temps toujours nouvelle, un peu comme lorsque l’on est face à l’océan et que l’on entend les vagues de la mer s’échouer sans cesse sur le sable ou sur les rochers : dans leur va-et-vient infini, chacune a un son propre et unique. C’est peut-être aussi une manière de dire une musique comme on égraine un Rosaire…comme je suis aumônier national des Équipes du Rosaire…il y a sans doute un peu de déformation professionnelle là dessous !
–Que chantent les anges musiciens ?
Je crois ce que nous dit saint Luc et que nous venons d’entendre à Noël : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ! » (Lc 2, 14) Quoi de plus beau qu’une musique qui unit la terre et le ciel ? La musique ne sert-elle pas essentiellement à cela : à servir la plus belle des rencontres, celle du ciel et de la terre ? Quand une musique nous fait vibrer, c’est comme si la voix des anges nous parvenait et que la terre et le ciel communiquaient.
En même temps, je me plais à penser qu’ils chantent « Hallelujah » de Léonard Cohen ! C’est plutôt rassurant, car dans ce cas, les anges nous disent que même quand on a pris froid et que la voix est cassée et éraillée, elle monte quand même jusqu’au ciel !
Il se pourrait bien qu’on y entende aussi du Étienne Daho : « Le premier jour du reste de ta vie… » Mais aussi du Jazz à la Adolphe Deutsch, qui, comme dans le film « Certains l’aiment chaud » de Billy Wilder fait passer, sans transition aucune, du salon funéraire au cabaret !
–Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
A l’instar de ce que je viens de dire à l’avant dernière question, une musique à la fois toujours pareille et en même temps toujours différente, comme un boléro et qui donne envie de danser qui plus est !
– Qu’aimeriez- vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Mais oui, mais oui, l’école est finie !
Donne-moi ta main et prends la mienne
La cloche a sonné, ça signifie
La rue est à nous que la joie vienne
Mais oui mais oui l’école est finie
Nous irons danser ce soir peut-être
Ou bien chahuter tous entre amis
Rien que d’y penser j’en perds la tête
Mais oui mais oui l’école est finie
J’ai bientôt dix-sept ans un cœur tout neuf
Et des yeux d’ange
Toi tu en as dix-huit mais tu en fais dix-neuf
C’est ça la chance
On s’amusera quoi qu’il advienne
Nous pourrons parler de notre vie
Laissons au tableau tous nos problèmes.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte ?
« Le printemps de Vivaldi » pour l’invitation à danser.
« La Sarabande » de Haendel pour aller de la pesanteur à la grâce.
« Le premier jour du reste de ta vie » d’Etienne Daho pour le refrain qui n’en est pas un.
« Le beau Danube bleu » de Strauss pour l’invitation au voyage et un peu de « marche de Radetzki » mais pas trop…juste pour le chant des clarinettes.
« Il jouait du piano debout » de Michel Berger pour l’invitation à la liberté.
Des airs de piano à la Max Steiner et émanant tout droit du Rick’s Café Américain du film Casablanca…pour « arrêter les suspects habituels ».
L’ouverture du film « Le grand bleu » pour avoir l’impression de parler avec les dauphins…et parce que quand on est sur une Île…il y a beaucoup de bleu autour.
La B.O de « Ne le dis à personne » de M pour la douceur des souvenirs encore bien vivants.
Et puis, pour le saxophoniste que je suis, du jazz à gogo (Amstrong, Ellington, Davis, Bechet, …) …il paraît même que « certains l’aiment chaud ! »
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
« Paroles et paroles et paroles » (Dalida-Delon) …j’ai parfois le sentiment qu’on baigne dans ce refrain…tant de discours sans jamais vraiment passer aux actes…et c’est un prêcheur qui dit ça !
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Vivaldi, Haendel, Rameau pour les classiques…
Goldman pour la musique…
Vianney pour la poésie…
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
“Merci pour ça” de Vianney.
Les gens qu’on ne regarde pas
Sont des trésors oubliés
Y avait tant de choses en toi
Et peu de gens pour les aimer
[…]
Les gens qu’on ne regarde pas
Sont des livres jamais lus
Moi j’ai vu au fond de toi
Un vieux roman qui m’a plu
Ça me fait penser à l’expérience des bibliothèques de rue où j’ai la chance de plonger régulièrement grâce à un ami impliqué dans cette action d’ATD-Quart Monde. Je le cite : “A la bibliothèque de rue, nous lisons des livres aux enfants, mais les plus beaux livres, ce sont les enfants !”
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
J’espère ne pas la connaître déjà !
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