L’hebdomadaire Pèlerin (Bayard) revient sur le parcours à succès du trio chantant « Les Prêtres » alors que leur tournée se poursuit (le site: http://www.les-pretres.fr) à partir du 29 octobre. Le hors série (6,50 € sur le site www.boutiquebayard.com/pelerin), haut en couleurs, donne l’occasion de resituer leur entreprise dans la ligne de celles et ceux qui ont été, à leur époque, en quelque sorte les « stars de Dieu ». Voici un bref inventaire qui m’a été confié, avant concerts. A cette occasion, je fais appel à témoins. N’hésitez pas à compléter cette liste et à raconter vos souvenirs de concerts mémorables. Sans oublier de signaler les petits nouveaux (et nouvelles) qui vous ont touchés!
« A tout seigneur tout honneur. Le Père Aimé Duval (1918-1984) a été le premier, dans les années 1950, à faire entrer durablement la chanson religieuse dans les hits-parades profanes, à l’heure où le show-bizz brillait de tous ses feux. Dès son premier 45 tours (« Seigneur mon ami ») le jésuite motard, missionnaire auprès des jeunes, impose son style épuré, sa sincérité et son sourire. Le guitariste et l’ami des humbles ne se présente pas d’abord comme un prédicateur mais comme celui qui parle à d’autres humains de ce qui les touche. On se presse à ses concerts où, seul sur scène, il dialogue avec le public, avec ferveur. L’industrie du disque ne boude pas longtemps cet artiste atypique en soutane. Georges Brassens lui-même, dans sa chanson « Les trompettes de la renommée , ne manquera pas de saluer» le Père Duval, celui qu’il appelle non sans malice « la calotte chantante ». Brassens, « l’énergumène » tutoie volontiers le jésuite et passe à la télé en sa compagnie. Pour mesurer la popularité du Père Duval il suffit de rappeler ses quelque 3 000 concerts en 44 pays. Le fils des Vosges et de la Compagnie de Jésus aura attiré les foules à Berlin, à Londres, aux Etats-Unis, à Paris. Jusque dans les pays derrière le rideau de fer, comme on disait à l’époque. Ses disques –au nombre de14- se vendent toujours goûtés par des fans d’hier et d’aujourd’hui.
Dans le sillage du jésuite chantant c’est une inconnue, Sœur Sourire, venue d’un couvent belge qui, en 1963, fait chanter la planète sur un rythme sautillant, dans une chanson évoquant le fondateur de la famille dominicaine. Son tube « Dominique », ce « routier pauvre et chantant.. En tous chemins, en tous lieux, il ne parl’ que du Bon Dieu » ouvre à Sœur Luc Gabriel en religion ( Jeanine Deckers dans le civil) les portes du panthéon des meilleurs ventes. Outre Atlantique. « Dominique » surclasse durant quelques semaines les romances d’Elvis Presley. La suite du destin de la religieuse laisse résonner d’autres accents, plus dramatiques. Le cinéma s’est emparé de cette vie peu commune, avec deux films dont celui mettant en scène le personnage de « La nonne chantante » ((The Singing Nun).
Dans le sillage de ces pionniers arrivés sans l’avoir programmé, en haut de l’affiche, chaque congrégation ordre, ou presque, a compté un ou une de ces troubadours de Dieu quittant leurs couvents pour les studios et les scènes. A l’image du dominicain Maurice Cocagnac, dont les textes ont inspiré Graeme Alwright, adaptateur en français du répertoire de Leonard Cohen. Dans l’ordre de Saint François, Didier Mouque mena durant une vingtaine d’années une carrière de chanteur. L’histoire de ces religieux chanteurs s’écrit toujours, de Guy de Fatto (prêtre du Prado), musicien de jazz qui fut un des premiers à adapter des gospels, à Gaëtan de Courrèges au sein du groupe Crëche et de nombreuses autres formations. Guy de Fatto, familier de Boris Vian, inventa un style musical où le swing se fait prière.
La relève est notamment incarnée par Pierre Eliane, père Carme, qui après six albums de chansons au sein de divers groupes, dont celui du Nancéen Charlélie Couture, se consacre, depuis son engagement, à la poésie mystique de Jean de la Croix ou de Thérèse de Lisieux. De son côté, sœur Marie-Keyrouz, religieuse de la congrégation des sœurs basiliennes chouérites, Libanaise, fait merveille, au rayon classique, de sa voix lyrique, pour faire connaître le chant sacré d’Orient et d’Occident, en tous lieux. La France ne résume pas le tout de ce florilège. Le succès du trio irlandais The Priets qui a directement inspiré Les Prêtres, en témoigne.
La musique de variétés n’est pas le seul registre possible. Il en est encore qui affichent des chiffres de ventes défiant la crise chronique du disque. Et qui, pour cela, n’ont pas besoin de quitter leurs chapelles et leurs cloîtres. L’Abbaye de Solesmes ouvrit la voie. Les grandes maisons de disques ont surfé ensuite à partir des années 1980 sur le regain d’intérêt pour le chant grégorien. Le premier essai fut un coup de maître : une major vendit plusieurs millions de disques dans le monde à partir d’une compilation issue des enregistrements des moines de Silos en Espagne . Des cisterciens autrichiens ont suivi , offrant leur « Music for paradise » aux contemporains soumis au fond sonore des villes. Dernièrement, les Bénédictines d’un monastère près d’Avignon, promues sous le titre Les Sœurs et choisies au terme d’un concours réunissant plus de 70 communautés, ont rejoint les rangs de leurs aînés. Aujourd’hui, Les Prêtres ont rejoint cette lignée riche et variée et les voix du Seigneur n’ont assurément pas fini de se faire entendre.. »
Robert Migliorini
* Rappelons les scores de deux autres « vedettes » ayant eu les faveurs, à dix ans d’intervalle, des maisons de disques . il s’agit des Papes Jean-Paul II (Abba Pater) et de Benoît XVI pour le disque « Music from the Vatican : Alma mater ».
Extrait du Hors-série Pèlerin « Les Prêtres, nouvelles stars de Dieu », septembre 2011.
A voir sur le site de l’INA : la rencontre Brassens-Duval en 1960 :http://www.ina.fr/media/entretiens/video/I00014749/rencontre-georges-brassens-et-le-pere-duval.fr.html
A lire: « L’enfant qui jouait avec la lune » (éditions Salvator). 10ème édition du témoignage du Père Duval. http://www.editions-salvator.com/A-20109-l-enfant-qui-jouait-avec-la-lune-nouvelle-edition-.aspx
Laisser un commentaire