l’invité du blog: Jean de Saint-Chéron. essayiste. Vient de publier « Blaise Pascal.Voilà ce que c’est que la foi ». 15 textes présentés et commentés. Éditions Salvator.
Directeur du cabinet du Recteur de la Catho de Paris, chroniqueur hebdomadaire au journal La Croix, responsable de rubrique chez Magnificat et contributeur régulier dans la presse (Le Figaro, Radio Notre-Dame, KTO, RCF), Jean de Saint-Chéron a 36 ans. Il est l’auteur de l’essai décapant Les bons chrétiens, paru aux éditions Salvator en septembre 2021. En 2023 « Éloge d’une guerrière« , Thérèse de Lieux, aux éditions Grasset. Un portrait fidèle, spirituel, intime..
Il vient de signer dans LA CROIX du 19 juin 2023 une chronique « Grandeur et misère de Pascal ». Le jour où a été rendue publique la lettre apostolique du Pape François, à l’occasion du quatrième centenaire de la naissance du philosophe.
sur KTO dans l’émission l’esprit des lettres:
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–Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées ?
–Jean de Saint-Chéron: J’aime beaucoup le motet de Bach Komm, Jesu komm (BWV 229). Mais il me semble que toute beauté authentique parle de Dieu – qu’une œuvre soi explicitement religieuse ou non.
–Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
C’est écrit dans la Bible ! (les chœurs des anges à Noël, dans l’Apocalypse…)
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
J’espère y être admis un jour pour savoir. Mais rassurez-vous c’est forcément beau.
–Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Cela dépend beaucoup des jours.
–Que chantent les anges musiciens ?
La gloire de Dieu. C’est-à-dire l’amour qui n’a pas de fin.
–Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Le grand Salve.
– Qu’aimeriez- vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Question trop difficile.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte ?
(Dans le désordre, et la liste est non exhaustive)
George Harrisson – The Ballad of Sir Frankie Crisp
Jacques Brel – Mathilde, Ne me quitte pas, Jojo…
The Stone Roses – I Wanna be adored
Field Mice – Sensitive
Stockholm Monsters – Partyline
Nelson Cavaquinho – Juizo Final
Elvis Presley – Long Black Limousine
Phoenix – One Time Too Many
Sébastien Tellier – L’Amour et la Violence
The Supremes – Where did our love go
NTM – That’s my people
U-God – Pleasure or pain
Pulp – Death II
Claudia Mori – Non Succedera Piu
The Beatles – à peu près tout
The Strokes – à peu près tout
Daft Punk – à peu près tout
Bee Gees – à peu près tout
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
God Only Knows des Beach boys
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Il faut se référer à la liste ci-dessus. Mais manquent David Bowie, Marvin Gaye, New Order, et puis Bach, Mozart, Schubert… C’est impossible de tout dire.
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Elégie (op. 24) de Fauré
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Je sèche… Il faut demander à la petite Thérèse.
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A lire dans LA CROIX:
Jean de Saint-Cheron : « Blaise Pascal parle de l’homme avec un réalisme inégalé »
Entretien
Jean de Saint-Cheron Essayiste, chroniqueur pour La Croix
Ce 19 juin 2023 marque le 400e anniversaire de la naissance de Blaise Pascal. Entretien avec Jean de Saint-Cheron (1), qui fait paraître un livre en hommage à la vie et à la pensée de cet intellectuel et croyant exceptionnel.
- Recueilli par Christel Juquois,
- le 16/06/2023 à 20:53
Pour le 400e anniversaire de la naissance de Blaise Pasce, Jean de Saint-Chéron, auteur de Blaise Pascal. Voilà ce que c’est que la foi, revient sur l’évolution de la pensée du philosophe du XVIIe siècle.
Outre l’anniversaire de la naissance de Blaise Pascal, qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?
Jean de Saint-Cheron : J’éprouve une grande amitié pour Pascal, dont l’œuvre est inépuisable. J’avais envie de célébrer dignement son 400e anniversaire. J’ai donc écrit une introduction à sa vie et à sa pensée, avec un commentaire de 15 textes majeurs, parce que même s’il est très célèbre, il est peu et mal compris.
Tout le monde le cite : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point », « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre »… Mais ces citations sont sorties de leur contexte et chacun les interprète à sa guise… J’ai voulu restituer la cohérence de sa pensée. Pour moi, il est indémodable, toujours d’actualité, de nos jours comme il y a cent ou deux cents ans, parce qu’il parle de l’homme avec un réalisme inégalé.
Quel est le cœur de sa pensée ?
- de S.-C. : C’est difficile de répondre brièvement : Pascal est tout à la fois un philosophe, un mathématicien, un inventeur, un théologien… qui a mis sa grande intelligence au service de la défense du christianisme et de l’explicitation de la foi. La foi n’est pas dissociable de sa réflexion, elle est au cœur de sa recherche de la vérité. Toutes ses Pensées en sont l’illustration éclatante. Il part du constat que nous cherchons tous la vérité et le bonheur, mais que nous échouons à y parvenir par nos propres moyens.
De quelle vérité parle-t-il ?
- de S.-C. : Pascal n’est pas relativiste. Il parle de la vérité qui est une et unique, même si nous ne parvenons pas à l’exprimer de manière univoque parce qu’elle nous échappe. En témoigne l’échec de la philosophie, qui ne propose pas de discours unifié : chaque point de vue philosophique peut être contredit.
Pascal va donc chercher à comprendre l’incapacité des philosophes à s’accorder entre eux (l’homme est-il grand ou misérable ?). Et ce qu’il découvre, de manière très claire et même très radicale, c’est qu’en dehors du Christ, l’homme est incapable d’atteindre la vérité.
Pourquoi associe-t-il la vérité au bonheur et à la charité, comme vous l’écrivez dans votre livre ?
- de S.-C. : Connaître Dieu, c’est connaître la vérité et le bonheur. Le bonheur, la vie éternelle et la connaissance de Dieu sont une seule et même chose. La charité, c’est l’amour, c’est Dieu lui-même. « La vérité hors de la charité n’est pas Dieu », dit Pascal. Il n’y a pas de vérité divine en dehors de l’amour, qui est le strict synonyme du mot charité. La charité, c’est l’amour divin, le plus grand qui soit, c’est l’amour de celui qui donne sa vie pour les autres, comme l’a fait le Christ.
Pascal était un penseur qui avait une très haute idée de la raison humaine. Peut-on dire qu’il a su concilier foi et raison ?
- de S.-C. : Il n’y a aucune opposition ni contradiction, chez lui, entre la foi et la raison. Tenir pour certaines, à cause de la foi, des choses contraires à la vérité scientifique serait ridicule à ses yeux. L’un des grands exercices de Pascal sera de montrer non seulement que la foi est raisonnable, mais qu’elle nous emmène plus loin que la raison seule : elle nous permet d’avoir les yeux de la foi, et de voir la vérité dans l’ordre du cœur, qui est l’ordre de la charité. Or cela est un don de Dieu.
Mais l’homme peut incliner sa volonté en demandant à la recevoir. Le discours de la foi chrétienne parle de l’homme de manière réaliste, avec la doctrine du péché originel, notamment. Et seule la foi peut conduire l’homme là où sa seule raison ne peut pas le mener : au bonheur. L’homme le plus intelligent du monde, s’il n’aime pas, ne peut pas être heureux.
Diriez-vous que c’est un mystique ?
- de S.-C. : L’aventure de Pascal est d’abord intellectuelle. Certains ont cherché à faire de la « nuit de feu », sa conversion dans la nuit du 23 novembre 1654, un tournant radical dans sa vie, au cours duquel il aurait renoncé à l’usage de la raison pour se tourner vers la piété et la relation sensible avec Dieu. En réalité, il a poursuivi ses recherches en mathématiques (même s’il les a progressivement réduites et abandonnées à la toute fin de sa vie), et n’a jamais cessé d’élaborer des concepts. Il serait très réducteur de laisser entendre que la foi de Pascal est seulement un sentiment mystique qui l’aurait saisi. Foi et raison ne sont pas contradictoires, au contraire.
L’événement de sa conversion est l’aboutissement d’une aventure intellectuelle, qui l’amène au choix volontaire d’« incliner son cœur » dans le sens de la connaissance de Dieu. Cette inclinaison, c’est le geste de la liberté humaine qui reçoit la grâce de Dieu. S’il a eu une vie mystique, c’est au sens le plus noble du terme : une connaissance personnelle de Dieu, qui n’est pas séparable de son aventure intellectuelle.
Le janséniste qu’il était peut-il encore parler à nos contemporains ?
- de S.-C. : Selon moi, à la fin de sa vie, il n’était plus janséniste. Il a soutenu ses amis de Port-Royal parce qu’il avait le sens de l’honneur et parce qu’il s’opposait fermement aux jésuites dont il trouvait la casuistique hypocrite et laxiste, voire dangereuse théologiquement. De plus, les jésuites étaient du côté du pouvoir royal absolutiste, que contestaient Pascal et les gens de Port-Royal.
Pour moi il parle à nos contemporains parce qu’il ne croit pas que l’on puisse convaincre les athées en leur présentant des preuves, scientifiques ou métaphysiques, de l’existence de Dieu. Il sait que la foi est donnée par grâce. Il est capable de parler aux erreurs du monde sans Dieu, aux erreurs de l’homme enfermé dans son orgueil, dans sa paresse, dans ses passions…
Il montre que la foi est infiniment plus raisonnable que le refus de croire de ceux qui, bien souvent, ont peur que la religion soit vraie : cela les empêcherait de continuer à mener leur existence égoïste. Par ailleurs, son intelligence mathématique et scientifique prodigieuse témoigne que la foi ne contredit jamais la raison mais, au contraire, qu’elle l’éclaire. Et puis c’est un écrivain dont la langue est moderne, vive et drôle, délicieux à lire aujourd’hui.
(1) Chroniqueur à La Croix, auteur de Blaise Pascal. Voilà ce que c’est que la foi, Salvator, 216 p., 17,90 €.
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