Avec Frédéric BRUN, écrivain, « Sous le ciel de Paris, les oiseaux du Bon Dieu »

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Frédéric Brun est le fils du parolier Jean Dréjac (1921-2003), auteur compositeur qui écrivit notamment des succès comme « Ah! Le petit vin blanc », « Sous le ciel de Paris » et des chansons pour de nombreux artistes dont Edith Piaf (« L’homme à la moto ») , Yves Montand, Marcel Amont, Serge Reggiani, Michel Legrand. Ecrivain et éditeur de musique Frédéric Brun (voir le site de la maison des écrivains)a évoqué cette figure paternelle dans  « Le Roman de Jean » (Stock) et collaboré à l’ouvrage collectif « Jean Dréjac, comme elle est longue à mourir ma jeunesse » (Christian Pirot ). Il est un des auteurs de l’ouvrage collectif à paraître en septembre, toujours chez Pirot, « Les grands interprètes ».
« Une prière pour Nacha » le dernier volet de sa trilogie familiale commencée avec « Perla » (Stock) vient d’être distinguée par le Prix des Ecrivains Croyants (www.ecrivainscroyants.fr).  Frédéric Brun inaugure les questionnaires du Cabaret du Bon Dieu.
– Quelles sont les chansons, anciennes ou récentes,  évoquant Dieu que vous avez entendues  et appréciées?
J’ai récemment écrit un chapitre sur Édith Piaf qui évoque les nombreuses citations de Dieu dans ses chansons. Cela fut pour moi l’occasion d’entendre et d’apprécier à nouveau des chansons comme Monsieur Saint Pierre, Les Trois Cloches ou Mon Dieu. Edith Piaf avait un rapport mystique avec son public. Lorsque son récital débutait, un silence religieux s’installait dans la salle et sa voix montait soudain comme dans une cathédrale. Au-delà de sa démarche artistique et de sa foi chrétienne, elle a voulu élargir sa conception de Dieu, en adhérant à l’ordre des Rose-Croix. Pour célébrer cette adhésion mon père lui a écrit une chanson qui continue à me marquer : Soudain une Vallée.
– Selon vous, Dieu aime-t-il les chansons ?
Selon moi, la chanson populaire au sens noble du terme permet de réunir les gens, de les relier chaleureusement et même parfois de les élever lorsque les mots sont beaux, poétiques et touchants. Pour toutes ces raisons, Dieu doit donc aimer la chanson, mais apprécie-t-il toutes les chansons ? C’est une question que nous pourrions nous poser…
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
J’aimerais bien le savoir ! En revanche en écoutant In Paradisum du requiem de Fauré, nous sommes dèjà un peu au paradis sur terre. Pour un paradis plus mélancolique, j’écouterai le Concerto pour piano n°23 de Mozart, Au matin du Peer Gynt de Grieg ou les Nocturnes de Chopin. Au Paradis ou aux Champs-Élysées de la mythologie grecque, on entend sûrement de la harpe. Michel Legrand vient d’enregistrer ses plus belles mélodies avec la harpiste Catherine Michel. En écoutant cet album intitulé Symphonic, nous avons aussi un peu l’impression d’être au paradis.
–         Que chantent les anges  musiciens ?
 Assurément In Paradisum du requiem de Fauré mais faut-il vraiment choisir une musique ? Sur tous les tableaux du monde, ils interprètent si bien l’harmonie du silence…
–         –  Si la prière était une chanson laquelle choisiriez-vous ?
 La prière est si personnelle. Il me semble difficile de la faire avec les mots d’un autre. J’ai conçu mon dernier livre comme une prière. Je crois qu’il faut se recueillir avec sa sensibilité, dans l’intimité, avec ses propres mots et ses propres pensées. Sinon, plutôt qu’une chanson, je choisirai un chant grégorien qui est une belle passerelle entre le monde profane et le monde divin.
 
– Qu’aimeriez-vous chanter à Dieu en le rencontrant ?
Je n’arrive pas à m’imaginer dans une telle situation. En plus, je chante vraiment trop mal…Aux portes du paradis, je préférerais lire Les Hymnes à la nuit de Novalis.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les chansons qui sont vos préférées ?
 Avec le temps de Léo Ferré, Göttingen de Barbara, Dansez sur moi de Claude Nougaro, La Quête de Jacques Brel, Rupture de Serge Reggiani. Je place au-dessus de tout les poèmes de Louis Aragon qui ont été mis en musique : Que Serais-je sans toi, Est-ce ainsi que les hommes vivent et Il n’y a pas d’amour heureux. J’apprécie tout particulièrement certaines chansons des artistes internationaux comme les Tindersticks, les Nits, Scott Walker, The Divine Comedy, Perry Blake, les mélodies éternelles de Paul Mc Cartney ou John Lennon. Imagine est une belle aspiration à un monde meilleur.
Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
 Pour des raisons personnelles Sous le ciel de Paris. Chaque fois que je l’entends, j’ai l’impression d’entendre la bande son de la vie de mon père qui nous a hélas quittés en 2003. Dans l’un de ses couplets, il est possible d’ailleurs d’entendre : « Sous le ciel de Paris, les oiseaux du Bon Dieu, viennent du monde entier, pour bavarder entre eux » !
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Le Céleste s’entend d’après moi en premier lieu dans la musique classique. Je suis impressionné par la force du Sacre du Printemps de Stravinsky, les symphonies de Beethoven et de Berlioz, la sobriété des œuvres de Bach, la mélancolie de celles de Schubert. Dans un univers plus contemporain, je suis vraiment séduit par le compositeur Craig Armstrong, ses albums personnels et ses musiques de films, ainsi que par le compositeur des longs-métrages d’Almodovar, Alberto Iglesias.
 
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une chanson, laquelle était-ce ?
 Un air Klezmer dans la rue Miodowa lors d’un voyage récent à Cracovie. Je n’en connais pas le nom, mais comme la plupart des mélodies Klezmer, il  s’agissait d’un air entraînant et émouvant qui semblait venir de la nuit des temps.
 
– Si Dieu était une chanson laquelle serait-ce ?
J’ai du mal à concevoir que Dieu puisse être une chanson. Pour ma conception de Dieu, Spinoza à un certain stade de mon questionnement a été très important et m’a apporté des réponses essentielles. Il existe selon lui une force divine au-delà des rites et des traditions. Dieu est infini, il est partout. Pour accéder au divin, il faut selon ses écrits, vivre avec une certaine forme de béatitude. L’accès au divin peut se faire de différentes manières, avec la peinture, la musique et la poésie. Il y a tant de grâce dans les tableaux de Caspar David Friedrich ou de Chagall. J’en ai d’ailleurs choisi quelques-uns pour illustrer mes romans. Je suis en train de lire La vie de Liszt est un roman. Nous pourrions terminer ce questionnaire avec une phrase de cet écrit : « Le beau est ce qui exprime le mieux la relation divine existant entre les aspects du monde. En d’autres termes plus une œuvre d’art présente l’infinité du monde de Dieu, plus elle est  belle ». Une œuvre d’art ne peut représenter que des détails de cette infinité.

Une réponse à “Avec Frédéric BRUN, écrivain, « Sous le ciel de Paris, les oiseaux du Bon Dieu »”

  1. […] Dieu, les paroles et la musique Frédéric Brun, prix des Ecrivains croyants 2010 avec Une prière pour Nacha (Stock) et fils du parolier Jean Dréjac, a répondu aux questions de Robert Migliorini pour le blog Au cabaret du bon Dieu. Extraits de l’article « Sous le ciel de Paris, les oiseaux du Bon Dieu ». […]

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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