L’invitée du blog: Agnès Desmazières. Théologienne. Historienne. Enseignante (maîtresse de conférence) au Centre Sèvres, à Paris. A publié, notamment, « L’heure des laïcs« , aux éditions Salvator (2021). membre de l’équipe nationale pour le Synode;
La présentation sur le site du Centre Sèvres: https://centresevres.com/enseignant/agnes-desmazieres/
Sur KTO: https://www.ktotv.com/video/00373467/la-synodalite-dans-leglise-sans-langue-de-buis
Tribune parue dans le quotidien LA CROIX (22 février 2021)
Pour l’avenir de l’Église, la participation des laïcs au prochain Synode
Vatican II avait été l’occasion d’une contribution significative de laïcs, hommes et femmes, aux travaux conciliaires, en particulier pour penser le dialogue de l’Église avec le monde. Le thème du prochain Synode des évêques, « Pour une Église synodale : communion, participation et mission », incite à une participation renouvelée des laïcs. Le pape François a insisté dessus à diverses reprises récemment et l’a marqué avec force en ouvrant les ministères institués aux femmes.
Une Église synodale est en effet une Église où tous les fidèles, qui jouissent d’une égale dignité, cheminent ensemble, en communion les uns avec les autres. Chacun est invité, selon sa vocation propre, à participer activement et effectivement à la mission commune de l’Église. Comme disciple-missionnaire, chacun est appelé à annoncer l’Évangile là où il est et, par là même, à être coresponsable de la destinée de l’Église, en chemin.
Dès lors, il apparaît crucial pour l’avenir de l’Église, secouée par les crises, que la participation des laïcs au prochain Synode soit marquée par une certaine effectivité, dans le respect de la nature même de l’institution synodale, Synode « des évêques ». La récente nomination d’une religieuse comme sous-secrétaire au Synode des évêques, avec droit de vote, laisse espérer que des laïcs, hommes et femmes, puissent avoir également le droit de vote au prochain Synode. L’exercice de la coresponsabilité des laïcs s’enracine dans leur dignité de baptisé. Toutes les vocations sont nécessaires à l’Église, participent du plan de Dieu et sont destinées à s’épanouir en relation – non pas dans une logique de concurrence ou de quête d’espace de pouvoir, mais au service de l’Église et de l’humanité.
L’effectivité d’une telle coresponsabilité, signalée par l’accès de laïcs au droit de vote, est rendue particulièrement urgente du fait à la fois de la crise actuelle des abus sexuels et de la situation de pandémie. Ce sont le plus souvent les laïcs qui ont dénoncé, de manière prophétique, les abus dans l’Église. Leur mission d’interpellation au concile, traditionnelle dans la vie de l’Église, comme l’a très justement relevé par le passé Yves Congar (2), est plus que jamais d’actualité. La situation de pandémie a également mis davantage au jour combien les laïcs sont des missionnaires de proximité auprès de leurs frères et sœurs en humanité en souffrance.
Le chemin synodal, qui est écoute commune de l’Esprit, peut être commencé dès maintenant. Sans attendre la rencontre de Rome d’octobre 2022, il est nécessaire que, au niveau local, une réflexion s’amorce : comment vivre davantage de la synodalité dans nos paroisses et nos diocèses, dans nos mouvements (3) ? Expérimenter la coresponsabilité en Église, c’est aussi témoigner de notre foi auprès de nos contemporains.
(1) Auteure de L’Heure des laïcs. Proximité et coresponsabilité, Salvator, 2021.
(2) Yves Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, Paris, Cerf, 1954, p. 337.
(3) Joseph Komonchak, Theological Perspectives on the Exercice of Synodality, in Lorenzo Baldisseri ed., A cinquant’anni dall’Apostolica Sollicitudo : Il Sinodo dei Vescovi al servizio di una Chiesa sinodale, Vatican, Libreria editrice vaticana, 2016, p. 355.
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–Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
– Agnès Desmazières: Je suis particulièrement sensible au cadre dans lequel je les ai entendues, à l’accord entre les lieux et la musique que j’entends. Il y a les musiques que j’entends dans les églises, les chants que je peux chanter moi-même dans l’assemblée ou dans une chorale. Je garde ainsi un souvenir particulièrement ému des Vêpres de la Vierge de Monteverdi entendues à l’abbaye de La Chaise-Dieu, ou de l’Ave Verum Corpus chanté dans une chorale de mariage. Pour moi, Dieu se fait en particulier présent par la voix : Dieu se fait proche, il me parle, même si je ne comprends pas les paroles des Vêpres de Monteverdi ou des cantates de Bach.
–Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Oui, certainement ! Car il nous aime, il aime ce que nous sommes. Il nous a créé avec une voix, avec des doigts, une bouche, des pieds pour jouer de la musique. Et nous lui rendons hommage en le faisant ! Dieu est heureux de nous voir heureux, de nous voir fructifier nos dons. La musique nous rapproche aussi si souvent de lui. Comment ne pourrait-il pas s’en réjouir ?
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
La musique de nos voix, la musique des voix des saints et saintes, chacun et chacune ayant sa propre voix qui s’harmonise avec les autres en une louange commune, le « cantique nouveau » de l’Apocalypse (Ap 14, 3). Musiciens ou non, nous pourrons tous nous associer à cette louange, qui est aussi action de grâce pour ce don de la voix. J’ose m’imaginer que les saints se donnant la main dans une ronde, dépeints par fra Angelico, se parlent en chantant.
–Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Je dirais que toutes les musiques peuvent, en un sens, inviter à la prière, car elles expriment nos émotions. A l’image des psaumes : dans les psaumes, toutes les émotions sont assumées : la peur, la colère, la joie, la tristesse, le dégoût de la vie même… Il est important que la musique exprime toute cette diversité. Sans doute, est-ce que je cherche d’abord dans la musique la joie et la paix. La rencontre avec Dieu est faite de paix et de joie. L’on entre dans la prière en commençant par faire silence. Je privilégierais par exemple les musiques méditatives, le son du piano. L’orgue a quelque chose de particulier du fait qu’il est intimement lié à la liturgie. Écouter de l’orgue porte quasi instinctivement à la prière. J’aime entendre de l’orgue dans les minutes qui précèdent la célébration eucharistique.
–Que chantent les anges musiciens ?
Mystère. Le mystère fait du bien. Cela attise la curiosité… et aussi l’imagination. Me reviennent les représentations du jugement dernier – celles de fra Angelico, bien sûr, et de Michel Ange à la chapelle Sixtine : des anges à la trompette. Je pense donc au chant de la trompette, en particulier de celle de Maurice André jouant Telemann dans les églises romanes de Bourgogne, qu’il affectionnait tant. Mais, les anges trompettistes pourraient être accompagnés d’anges pianistes, saxophonistes… tous chantant « Gloire à Dieu » !
–Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
« The Lord Bless You and Keep You » (“Le Seigneur vous bénit et vous garde »). Un magnifique refrain de John Rutter, un compositeur anglais extraordinaire, dont les musiques accompagnent si souvent les célébrations liturgique dans les pays de langue anglaise… mais aussi à la paroisse universitaire anglophone de Leuven (Belgique), où je me suis familiarisée pour la première fois avec le répertoire de langue anglaise. Ces mélodies, ces chants continuent de m’accompagner aujourd’hui en France.
– Qu’aimeriez- vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
« Alleluia » ! Que dire d’autre en sa présence ? Je serai sans doute d’abord silencieuse. Cela sera l’émerveillement, émerveillement de la rencontre tant attendue. J’aurai sans doute prévu tout un tas de choses à lui dire, mais ce sera certainement d’abord le silence de la gratitude et de l’émerveillement. « Alleluia » sera une manière de dire « Merci » dans un profond hommage.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
Choix difficile : comme il est dur de se dépouiller…
Bohemian Rapsody (Queen)
Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band – la chanson et l’album ! (Beatles)
Le concert à Central Park de Simon and Garfunkel (j’aurais aimé y être !)
Cabo verde de Cesaria Evora
La passion selon saint Matthieu de Bach sous la direction de Philippe Herreweghe
Nisi Dominus et Stabat Mater de Vivaldi, en particulier dans les interprétations de Gérard Lesne et aussi de Tim Mead
Les Rapsodies hongroises et Mazeppa de Liszt sous la direction de Karajan
La symphonie du nouveau monde de Dvorak
Un peu de musique américaine (souvenir de mes séjours en Californie) : West Side Story de Leonard Berstein
Bénédiction de Dieu dans la solitude de Liszt dans la récente interprétation de Marie-Laure Boulanger (une amie qui me tiendra compagnie sur mon île déserte !)
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
« Je veux voir Dieu ». Il décrit bien notre destinée : dans notre petitesse, nous sommes appelés à voir Dieu un jour. Quelle joie incomparable cela sera de voir Dieu ! Pourquoi nous inquiéterions-nous ? « Je veux voir Dieu », c’est aussi le titre d’un ouvrage marquant du carme Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus – que le pape François a d’ailleurs offert en cadeau de Noël à la Curie, il y a quelques années… Un « classique » à redécouvrir !
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Bach, Bach et Bach. Bach m’accompagne depuis toute petite : mon premier magnétophone m’avait été offert avec une cassette de cantates de Bach. Depuis, je n’ai pas quitté Bach sur la musique duquel j’aime à travailler. L’on se sent en bonne compagnie avec lui : il ne vous distrait pas de votre travail, mais est présent dans la discrétion. Sa musique élève l’âme, pousse à regarder vers le haut, à se tenir dans l’espérance.
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
J’ai éprouvé ma plus grande émotion musicale en écoutant José Van Dam dans l’Elie de Mendelssohn au Teatro del Maggio Musicale de Florence. J’ai une affection particulière pour cette salle où s’exprime une grande ferveur populaire, encore décuplée lors des représentations des plus célèbres opéras italiens !
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
La « cantate imaginaire », imaginée par la merveilleuse contralto et cheffe d’orchestre Nathalie Stutzmann et qui recueille diverses pièces de Bach. Un magnifique concentré d’émotions, de délicatesse, de force, de joie… Un ensemble d’une grande intensité qui fait goûter Dieu. Dieu aime que nous fassions appel à notre imagination pour le rejoindre !
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A écouter sur le réseau Rcf: https://rcf.fr/articles/vie-spirituelle/et-si-etre-laic-etait-aussi-une-vocation
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