Laurent VOULZY en concerts dans les églises en 2019.
25 Avril – Basilique De Koekelberg / Bruxelles
26 Avril – La Collégiale / Dinant
27 Avril – Eglise Saint Joseph / La Louvière
28 Avril – Eglise Saint Julien / Ath
22 Mai – Eglise Saint Eustache / Paris
23 Mai – Eglise Saint Maurice / Lille
26 Mai – Eglise Saint Vaast / Béthune
Laurent VOULZY a donné un grand entretien au mensuel PANORAMA (Bayard-Presse) dans le numéro d’avril 2018. En voici quelques extraits. Avec l’aimable autorisation de PANORAMA.http://www.panorama.fr/magazine
http://www.panorama.fr/magazine
-François-Xavier MAIGRE et ROBERT MIGLIORINI: cette nostalgie pour le passé, en particulier pour le Moyen Âge, comment l’expliquez-vous ?
Quand j’avais 8 ou 10 ans, ma mère m’a offert un château fort. Ce jouet a été une révélation pour moi. Dès lors, je me suis beaucoup intéressé à l’histoire et au Moyen Âge. J’avais environ 14 ans quand j’ai lu la première partie du Roman de la Rose, écrit par Guillaume de Lorris au XIIIe siècle. Ce texte illisible et génial m’a captivé. Au Moyen Âge, le Ciel occupait une place importante, sans doute plus qu’aujourd’hui. De là, je me suis pris de passion pour l’art gothique. Cet intérêt n’a jamais faibli, au point que j’envisage, à la demande d’une éditrice, d’écrire un livre sur le rapport que j’entretiens avec les cathédrales.
-Comme le suggère l’une vos plus belles chansons, Caché derrière, on vous sent avide de soulever le voile des apparences.
Cela me vient de loin. En 1980, j’ai fait des rêves qui m’ont beaucoup marqué. Pour ne pas les oublier, j’ai eu l’idée de les noter. J’étais intrigué. Aujourd’hui encore, je continue de consigner mes rêves. Les rêves sont une chose mystérieuse que l’on connaît bien mal. Au début, je n’osais pas trop en parler. Je ne suis pas sûr d’adhérer aux théories de Freud, de Jung ou de Lacan au sujet des rêves. Mais une chose est sûre : les rêves sont des messages. En étant attentifs à nos profondeurs, on peut en approcher le mystère.
-Le bouddhisme a joué aussi un rôle important dans votre cheminement spirituel. Qu’est-ce qui vous inspire dans cette philosophie ?
Les bouddhistes expliquent peut-être plus clairement que d’autres comment accéder au bonheur et en quoi cette quête est importante. Je suis sensible à la loi de cause à effet enseignée par le bouddhisme : le bien que l’on accomplit et nos bonnes pensées rejaillissent sur nous. Le bouddhisme décrit aussi les conséquences de la colère ou de la jalousie sur notre santé. Je ne sais pas si tout cela est vrai, mais à un certain moment de ma vie, cela m’a paru évident. Il me semble qu’il y a là une très grande profondeur. De même, les méditations du dalaï-lama sur la vacuité m’ont beaucoup touché. Quand je le lis, j’ai l’impression qu’il s’adresse à moi personnellement, d’une façon très concrète, compréhensible. Cet appel à vivre en paix rejoint quelque chose d’essentiel en moi.
-On sait pourtant que le dalaï-lama se méfie des conversions au bouddhisme, et qu’il encourage les Occidentaux à retrouver leurs racines chrétiennes.
J’ai lu cela, en effet. Vous voulez devenir bouddhiste ? Très bien, répond le dalaï-lama, mais si ce n’est pas votre religion d’origine, vous pouvez apprendre à méditer dans votre propre tradition. J’ai suivi son conseil, en choisissant des images d’inspiration chrétienne pour entrer en méditation. Et plus j’avançais dans cette quête, plus je m’apercevais que le décorum chrétien me parlait davantage. Entrer dans une cathédrale, ou même dans une petite église, y entendre les chants, la résonance des pierres, cela me trans-forme. C’est plus moi, cela m’attire et me ressemble. J’ai reçu l’intuition très nette que ma démarche serait plus fructueuse si je m’attachais à mes racines. Et c’est ainsi que j’ai commencé à me plonger, peu à peu, dans les auteurs chrétiens : Hildegarde de Bingen, sainte Thérèse d’Avila, saint Augustin…
-Comment s’articulent votre attirance pour le bouddhisme et votre attachement pour le christianisme ?
Quand Benoît XVI est venu en France, il y a dix ans, on pouvait lire ces paroles de Jésus dans les rues de Paris : « Aime ton ennemi. » À sa manière, Bouddha disait la même chose. J’observe de nombreuses similitudes dans leurs enseignements. La compassion. L’amour. Dès que l’on creuse un peu, cela saute aux yeux. Les mystiques, par-delà leurs traditions, se rejoignent souvent. L’un d’eux, dont le nom m’échappe, énonce cette réflexion saisissante : « Dieu est tellement proche de nous qu’on ne le voit pas. » Cela pourrait bien être vrai. À un certain moment, mon exploration m’a ramené à la mystique chrétienne. Je m’y sens chez moi. Quand j’entends des copains fustiger les incohérences de l’Église, je leur réponds qu’il ne faut pas confondre les hommes et les paroles de Jésus. Il y en aura toujours pour servir son message, et d’autres pour le trafiquer. Face aux situations de la vie, j’essaye de me poser cette question toute simple : qu’aurait fait Jésus ? C’est tout ce qui m’importe.
-Avez-vous transmis cette exigence à vos quatre fils ?
Nous en discutons parfois, mais c’est difficile à apprécier. Ils font leur route. Le plus jeune, du haut de ses 15 ans, y est peut-être plus sensible que ses aînés. Il a été baptisé et vit en Angleterre avec sa mère, qui est elle-même une catholique fervente.
-Vos propres questionnements ont donné naissance à une chanson marquante, « Jésus », sortie en 2001. On ne se lasse pas de vous entendre en raconter la genèse !
Cette chanson est indissociable de ma rencontre, à la fin des années 1980, avec le père Joseph Wresinski et les bénévoles d’ATD Quart Monde. « Écrivez-nous une chanson », me demanda un jour le père Wresinski, que j’avais croisé sur un plateau. Sur le moment, j’étais réticent, peu enclin à apparaître comme un porte-drapeau. Lui me fixait droit dans les yeux, en me tenant la main : « Je vous demande d’écrire cette chanson. » Il ajouta que deux mots sont importants pour les personnes touchées par la misère : l’espoir et la dignité. « Allez-y. Je vous écrirai. » Quinze jours après, j’ai reçu une lettre de sa part. Je n’y ai jamais répondu. Un an plus tard, en 1988, le père Wresinski est mort. Je m’en suis voulu… Jusqu’au jour où je rencontre l’abbé Pierre au cours d’une émission télé. Je lui raconte cette histoire. Il observe un long silence puis conclut avec autorité : « Joseph Wresinski était mon ami. Il vous a demandé une chanson ? Faites-la ! »
-Et c’est là que Souchon entre en scène…
Avec Alain, au moment de Pâques, nous nous retrouvons dans sa maison en Bretagne, pour écrire les chansons de l’album « Avril », qui sortira en 2001. « T’as une idée de chanson ? », me demande-t-il. « Rien… Éventuellement, il y a une commande que je dois écrire depuis longtemps, à la demande du père Wresinski. » Je lui parle des gens touchés par la misère, de l’engagement d’ATD Quart Monde à leurs côtés. « Bon, reprend Alain, et tu as un début de musique ? » Je lui joue un bout d’arpège. Il commence à griffonner les paroles, tandis que j’enregistre la guitare, avec des sons de violon. Au bout de trois quarts d’heure, le premier couplet est écrit. Alain se lève et commence à chanter : « Même sourire d’enfant, même air qu’on respire en même temps… » Et puis, soudain, je sens de la glace sur moi. D’un seul coup, je suis gelé. Des larmes me coulent le long des joues. Ça dure une minute à peine. « Alors ? », me demande-t-il. Je lui réponds que c’est très bien. « Mais il faut que je te dise un truc : quand tu as chanté, à un moment, j’ai senti de la glace sur moi. » Alain, qui n’est pourtant pas tellement porté sur le mysticisme, s’exclame : « Moi aussi ! »
-Cela semble à peine croyable…
Pour moi, c’est le père Joseph Wresinski qui nous faisait signe : « Mon petit bonhomme, ça fait quand même un paquet de temps que je te l’ai demandée, cette chanson ! C’est pas trop tôt ! » J’y ai même senti une note d’humour. Rien que de vous le raconter, j’en ai la chair de poule. Des chansons, avec Alain, nous en avons écrit des tas ensemble, mais jamais nous n’avions ressenti cela. Il était deux heures du matin. Nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre, émus et impressionnés.
-Pendant deux ans, vous avez même participé aux universités populaires du quart-monde avec ATD. En quoi cela consistait-il ?
Ce sont des réunions dans une cave, avec des gens en proie à une grande misère sociale. Je m’y suis rendu en tant qu’auditeur, invité par François, un membre d’ATD, après la mort du père Wresinski. « Maintenant, Laurent, il faut aller voir les familles », m’a-t-il lancé au bout d’un certain temps. Au départ, j’ai hésité. Qui étais-je pour aller trouver les plus démunis ? N’était-ce pas indécent de ma part ? J’ai fini par accepter de le suivre auprès des familles. Toutes nous accueillaient avec générosité, une nappe dressée sur la table, en nous offrant des biscuits petits-beurre et du mousseux. Ces personnes extraordinaires m’ont bouleversé. Je ressortais de chez elles à la fois humble et grandi. C’est un drôle de sentiment. On se sent petit face à la misère. Ces gens-là m’ont appris qu’on peut vivre malgré tout. Cette révélation a changé ma vie.
-Il paraît que vous rêvez d’écrire une messe. Cette rumeur est-elle exacte ?
Ce rêve m’habite depuis longtemps. J’ai commencé à travailler sur deux morceaux. Mais avant d’aller plus loin, j’ai ressenti le besoin de mieux connaître la liturgie. J’aime m’attarder dans les églises de Paris, que ce soit Notre-Dame-des-Victoires, Saint-Germain-l’Auxerrois ou Saint-Eustache. C’est dans cette dernière que j’ai pu rencontrer un chef de chœur particulièrement compétent, qui m’a initié aux règles de ce répertoire. Sur Internet, j’ai commencé à me documenter, à écouter des messes, pour comprendre comment articuler le Kyrie, le Gloria… J’ai une idée très précise de ce que je veux entendre. J’imagine deux chœurs, qui se répondent en araméen, en latin, en français et en anglais, avec des influences occidentales et orientales. Mais, pour l’heure, ce chantier est en suspens. Je me suis laissé happer par ma pièce musicale sur Jeanne d’Arc, qui devrait être prête dans un an ou deux. Cette héroïne me fascine.
-Vos propres prières, à quoi ressemblent-elles ?
À un moment de silence, tout simple, où je prends ma respiration avant de commencer la journée. C’est un temps de méditation qui m’aide à me recentrer.
-À qui s’adressent-elles ?
Mes prières s’adressent généralement à Jésus. La « prière du cœur » est l’une de celles que je préfère : « Seigneur Jésus, aie pitié de moi. » Je prie aussi la Vierge et les saints, sans oublier des prières de mon invention, que je répète depuis de longues années. J’en profite pour confier des personnes qui me sont chères. Et je demande la force d’écarter le plus possible les mauvaises pensées, les mauvaises paroles et les mauvais actes tout au long de la journée.
-Cette confiance n’est-elle jamais déçue par la réalité du monde ?
Permettez-moi de vous répondre par une anecdote. Un jour, alors que j’écoutais Radio Notre-Dame, une dame appelle à l’antenne pour poser une question à l’évêque qui animait l’émission : « Comment Dieu peut-il laisser tant d’horreurs se produire ? » L’évêque lui a fait cette réponse qui m’a beaucoup plu : « Dieu n’arrête ni les maladies ni les bombes. Le plus grand cadeau que Dieu a fait à l’humanité, c’est la liberté. » J’aime aussi cette réflexion de l’abbé Pierre : « Dieu n’est pas le Tout-Puissant dominateur, c’est le Tout-Puissant captif, captif des libertés qu’il crée à la cime du monde pour que le monde puisse culminer dans l’amour. »
-Pour vous, qui est Jésus ?
Jésus était probablement quelqu’un d’extra-ordinaire. Dans ma chanson, j’ai eu peur d’avoir été un peu dur avec lui. L’un de mes amis m’a fait remarquer que plusieurs saints, et non des moindres, s’étaient eux-mêmes révoltés contre le silence de Dieu et que Jésus lui-même s’était senti abandonné sur la Croix. Cette humanité du Christ me touche même si elle me dépasse.
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