P.François LESTANG. Prêtre. Enseignant. Bibliste. Auteur de « Ce que dit la Bible sur…le chant ».
François Lestang, prêtre, est docteur en Écriture sainte. Il enseigne l’exégèse et l’hébreu biblique à la faculté de théologie de l’Université catholique de Lyon et à l’Institut de théologie des Dombes. Il est l’auteur notamment de « Ce que dit la Bible sur… la nuit » et, en 2015, « Ce que dit la Bible sur…le chant ». Aux éditions Nouvelle Cité. 128 p., 13 €.
Mélomane il nous invite à un concert à entonner un chant nouveau. Dans un entretien à Nouvelle Cité, François Lestang a expliqué avoir écrit cet ouvrage suite à la suggestion de son frère, non croyant, qui chante dans un groupe de rock et partant du constat que dans l’Église catholique on chante beaucoup. En étudiant ce que la Bible dit du chant, l’auteur a découvert, à sa grande surprise, que le chant n’est pas aussi présent dans les textes que ce qu’il pouvait imaginer. « Le chant dan la Bible », explique-t-il, »n’advient que lorsque nous avons expérimenté Dieu, c’est-à-dire une fois que nous avons été guéris, sauvés, libérés ou encore ressuscités. Au fond, c’est Dieu lui-même qui nous permet de chanter…Autre particularité essentielle, nous ne chansons que l’amour, la joie, Dieu, la résurrection. C’est un déploiement de joie. La tristesse, quant à elle, ne se chante pas, elle est souvent sans paroles. Enfin, le chant dans la Bible a souvent une dimension prophétique, étant tourné vers la nouveauté de Dieu. »…Comme l’écrit saint Augustin (Sermon 336, 1,6) « Celui qui chante une louange, non seulement chante, mais aime aussi celui qu’il chante ».
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– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
–P.François LESTANG: Dans mon itinéraire de conversion, voici une vingtaine d’années, la Passion selon saint Matthieu de Jean-Sebastien Bach a été très importante, et notamment deux aria : « Aus Liebe will mein Heiland sterben », inséré entre les appels à la crucifixion, et « Mache dich, mein Herze rein ». Dans la Passion selon saint Jean, toujours de Bach, j’aime particulièrement l’aria « Es ist vollbracht », qui vient juste après la mort de Jésus. J’aime aussi, comme beaucoup, le Stabat Mater de Pergolese, et le Requiem de Fauré.
Dans ma communauté, le chant est une composante essentielle de notre prière, liturgique ou charismatique. Si je ne devais en retenir que trois, il y aurait probablement « Jésus prince de paix » (Chemin Neuf), « Je veux n’être qu’à toi » (Exo) et le « Veni Sancte Spiritus » de l’Emmanuel ; mais le répertoire est tellement vaste…
Du côté de la chanson française, je n’ai pas de choc récent, même si j’apprécie Benjamin Biolay, et suis resté fidèle à Anne Sylvestre, qui pose un regard décalé sur Dieu dans nombre de ses chansons, comme « La faute à Eve » ; il faudrait rajouter « La tendresse », redécouverte par la voix de Berry ; en anglais, il y aurait le Halleluia de Leonard Cohen, repris par Jeff Buckley et bien d’autres.
– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
La musique et la danse ! Le terme technique employé par les théologiens pour évoquer les relations entre personnes divines est « périchorèse », ce qui évoque une danse, comme celle de Matisse ou comme le » Noli me tangere » de Fra Angelico, où Jésus semble inviter Marie-Madeleine à se lever et à danser avec lui. Dieu est parole, Dieu est souffle, Dieu est symphonie. Dans un roman pour enfants que j’aime beaucoup, « le neveu du magicien », de C.S. Lewis, le monde de Narnia est créé non par une parole, mais par un chant. Même si la Bible parle peu du chant des anges, je crois en un Dieu d’harmonie et de beauté, devant lequel louange polyphonique et adoration silencieuse ont toute leur place
–Au paradis quelles musiques entend-on ?
Si l’Apocalypse parle des « harpes de Dieu », que Paul évoque « la trompette de l’archange », on peut supposer que tous les instruments ont leur place dans la louange céleste ; mais quant au répertoire, je crois qu’il est à la fois neuf et vieux, comme ce scribe disciple du Royaume dont parle saint Matthieu, capable de tirer son trésor de ce qui est ancien et de ce qui est nouveau. Je suis en effet frappé par l’invitation répétée dans la Bible à « chanter un chant nouveau » ; je crois donc que l’improvisation, comme dans le jazz, aura vraiment sa place dans la musique du paradis, et que toutes les musiques peuvent être transfigurées pour dire Dieu et dire l’homme, sans exclusive aucune.
– Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Difficile question. Il me semble que toute musique, qu’elle soit joyeuse ou triste, vive ou lente, peut accompagner une prière, elle-même de louange, d’adoration ou d’intercession. C’est plutôt par le choix des mots mis sur ces musiques que le chant invitera à la prière ou en détournera.
– Que chantent les anges musiciens ?
Saint Paul évoque « les langues des anges » à propos du « chant en langue » (1 Cor 12-14) ; j’aime bien penser que les anges chantent librement, sans qu’il y ait de parole prévue d’avance ou de répertoire fixe, en une improvisation symphonique, pour se réjouir de la gloire du Dieu amour. On pourrait penser aux développements de l’alléluia dans le chant grégorien.
–Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Pourquoi pas « All is full of Love » de Bjork, ou le psaume 42 mis en musique par Mendelssohn « Wie der Hirsch schreit nach frischem Wasser », si je ne reviens pas à l’ « Ave verum corpus » de Mozart ou aux sonates pour flute et basse continue de Bach.
– Qu’aimeriez-vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Pour exprimer ma joie d’être vivant et d’avoir été tellement aimé par Lui, je commencerais peut-être par l’ « Alléluia magnificat » (Chemin Neuf), avant d’improviser comme il me sera donné.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
Quand on a une discothèque de plusieurs centaines d’albums, c’est vraiment difficile. Si c’était aujourd’hui, voilà un palmarès arbitraire, qui se compose d’albums plus que de chansons ; mais il faudrait en ajouter, encore et encore…
1) La Passion selon saint Matthieu (Bach)
2) Kind of blue (Miles Davis)
3) La Flute enchantée (Mozart)
4) Ella & Louis, (Ella Fitzgerald & Louis Armstrong)
5) Paris n’est pas d’ici (Marina)
6) D’amour et de mots (Anne Sylvestre)
7) Nebraska (Bruce Springsteen)
8) La Passion selon saint Jean (Bach)
9) Les sonates pour piano seul (Beethoven)
10) The Joshua Tree (U2)
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Désolé, ce n’est pas dans le domaine de la chanson française ! Ce serait probablement « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » (Béatitudes).
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
On l’a compris, je reste dans le trio habituel Bach-Mozart-Beethoven, même si Schubert et Brahms font partie de ma discothèque. En chanson française, j’écoute avec plaisir Brel et Barbara, Alain Souchon et Benjamin Biolay.
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Certains chants ou cantiques récents de ma communauté m’ont vraiment touché, comme « Marche avec nous », ou « Réveille, réveillez le monde », choisi pour le rassemblement des jeunes religieux à Rome en septembre 2015. Dans des titres plus anciens, en chanson française, il y aurait « ton héritage », de Benjamin Biolay, « Le bonheur » de Berry, « Rose » et « L’enfant qui pleure au fond du puits » d’Anne Sylvestre ou « Dis, quand reviendras-tu » de Barbara ; mais ce n’est pas récent !
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Je répondrai par une pirouette, en reprenant un standard de la musique populaire américaine : « Nothing compares to you » (rien ne se compare à Toi). Car il est au-delà (et au-dedans) de tous nos chants, lui qui fait toutes choses nouvelles.
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Sur le site de l’éditeur: http://www.nouvellecite.fr/auteur/francois-lestang/
Sur le réseau Rcf: https://rcf.fr/actualite/francois-lestang-et-la-fraternite-dans-les-actes-des-apotres
Mon commentaire Merci Yann pour votre ouverture du coeur
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