Carmel de Magyarszék, « Les anges musiciens descendus sur terre »

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L’invitée du blog:
Soeur  Veronika est professeur de chant et chef de choeur de métier et de formation. Carmélite au sein du choeur des moniales de Magyarszék dans le diocèse de  Pécs (Hongrie).  C’est elle qui chante les secondes dans un précieux CD qui vient d’être distingué par le prix musique spirituelle La Procure/Le Pèlerin pour 2012-2013.
« Marie, Fleur du Carmel », choeur du Carmel de tous les saints » (label Jade) offre un programme à dominante grégorienne et de musiques traditionnelles. « Le choix a été dicté par les possibilités réelles des trois solistes. Nous avons choisi des antiennes et répons que nous chantons au cours de la liturgie en latin et en hongrois » explique une des soeurs dans un texte de présentation du label. Où il est précisé encore que cette jeune communauté de Carmélites offre une liturgie de qualité exceptionnelle. Leurs voix s’imposent à la première écoute par leur chant.
Le Carmel de Magyarszék est situé dans une région de moyennes montagnes dans le sud de la Hongrie. Il compte une vingtaine de soeurs.  Il y a six ans la communauté a fondé, à son tour, près de Tirgu-Mures,  en Roumanie. Le Carmel illustre la renaissance de la vie religieuse après les années d’épreuve sous le régime communiste.
Fondé en 1936 le Carmel de Pécs avait connu une croissance très rapide jusqu’à l’arrestation des religieuses en 1950 et leur dispersion six mois plus tard. En 1991  les soeurs de Pécs ont pu reprendre l’habit religieux et la vie communautaire. Renforcée par  deux soeurs françaises venues des Carmels de Plappeville (Moselle)  et de Frileuse (Essonne) la jeune communauté a préparé alors son déménagement. Le Carmel de Pécs avait été construit près de l’église de « Tous les saints », située alors hors des murs de la ville. L’environnement avait changé depuis la fondation. Les Carmélites trouvèrent une nouvelle implantation en 2002, à 1,5 km du village de Magyarszék, à une dizaine de kilomètres de Pécs. La communauté vit de son travail au sein notamment d’ un atelier d’hosties et  par l’édition de livres de spiritualité carmélitaine et de CD. La vidéo présentée sur le site de La Procure à Paris (ci-dessous), retrace le parcours insolite et finalement chanceux de ces musiques envoyées par hasard aux responsables parisiens du label Jade  depuis les collines de Magyarszék.
« Nous chantons intégralement la liturgie,  l’Office divin et l’Eucharistie » explique encore une des soeurs. « En Hongrie tout le monde chante ou presque…Chanter la liturgie permet de la revêtir de beauté ou tout du moins de s’y efforcer…Cependant nous ne sommes pas un choeur professionnel, et nous veillons à ce que la liturgie demeure avant tout une prière ». La présence de deux soeurs professeurs de chant et spécialistes du grégorien a permis à la communauté de s’orienter vers ce répertoire. Un long travail de recherche des sources des musiques du Carmel depuis les origines accompagne ces chants. Sans oublier les chants religieux hongrois qui ont été transmis au fil des siècles. Une liturgie propre en lien avec celle de l’Ordre est en cours d’écriture. Laissez vous conduire par ce « Flos Carmeli » (Fleur du Carmel) qui exprime leur ferveur mariale renouvelée.  Emmanuelle Giuliani (La Croix) a donné le ton pour présenter ce CD:  « Une vingtaine de voix sans apprêts mais d’une parfaite musicalité – les couleurs aiguës sont particulièrement fruitées – tissent une guirlande de courtes pièces vocales en hommage à la Vierge Marie, tantôt recueillies, tantôt plus expansives. ».
Soeur Veronika a répondu au questionnaire du blog de La Croix.
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– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées ?
–  Soeur Veronika: dès que j’en ai eu connaissance, le chant grégorien a eu sur moi beaucoup d’influence, d’abord comme fruit défendu : au temps du communisme, il était interdit de l’étudier et de le chanter. Puis quand l’un ou l’autre enregistrement de chant grégorien nous est parvenu, ils m’ont ouvert le monde du paradis. La seule chose qui pouvait me rendre encore plus heureuse était de chanter moi-même cette musique dont le fondement même est la louange de Dieu. Le chant à plusieurs voix du Haut Moyen-Age, la polyphonie de la Renaissance m’ont aussi profondément touchée. Puis les préludes pour orgue et piano de Bach, de toutes petites mélodies de Mozart, miracle de très courtes unités musicales. La musique indicible et pourtant transcendante de Bartók, par exemple, le Concert III pour piano ; l’oratorio « Jeanne d’Arc » de Honegger ; la dernière partie de l’opéra de Poulenc « Dialogues de Carmélites » ; le choeur de Kodály « Jésus et les vendeurs du Temple »… et je pourrais continuer.
Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Beaucoup ! Quand Il a eu terminé le grand oeuvre de la Création, le septième jour, il a écouté de la musique, la musique des sphères peut-être alors ou celle des anges. Ensuite, le huitième jour, dans son immense amour pour les hommes, Il a dit : « Mes anges, descendez sur terre et emportez avec vous tous les instruments de musique céleste, apprenez aux hommes à chanter, à jouer de la musique, pour que leur coeur se réjouisse ! » et il en fut ainsi. Et Dieu vit – ou plutôt entendit – que tout ce qu’il avait créé était très bon.
Au paradis, quelles musiques entend-on ?
La musique du Paradis est libre et heureuse louange de Dieu.
– Quelles sont les musiques qui selon vous invitent à la prière ?
Beaucoup de sortes de musiques peuvent conduire à la prière. Tout dépend de la résonance qu’elles éveillent dans l’âme. En ce qui me concerne, seule la musique pure et authentique m’incite à prier. Par exemple une mélodie grégorienne comme celle de Christus factus est nobis obediens… ou bien le Sanctus de la messe en si bémol de Bach.
Que chantent les anges musiciens entre eux ?
Devant Dieu, dit-on, du Bach, et entre eux, du Mozart.
Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Je crois que je choisirai l’Angelus des « Csangó » (voir pièce jointe : Les « Csangó » sont des Hongrois de Roumanie qui habitent aux confins de la province de Moldavie). C’est à peine une mélodie qui sourd juste assez de la parole, pour que le son illumine la prière.
Qu’aimeriez-vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
L’Agnus Dei de la Messe en Si bémol de Bach  et un Alleluia grégorien festif.
Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées ? Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte ?
De Bach  six sonates pour violoncelle seul, la Passion selon Saint Jean, la Passion selon Saint Matthieu.
De Mozart la « Flûte enchantée », KV 550 : la « grande » symphonie en la bémol, l’Ave Verum, le Requiem.
De Kodály : Psalmus Hungaricus, Jésus et les vendeurs du Temple.
Quel est le refrain qui vous a le plus marquée ?
« Que tout homme soit un frère » de l’hymne à la Joie de Bethoveen.
Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Bach, Mozart, Liszt, Bartók, Kodály, Sz. Richter, G. Gould, Nicolas Perényi, Paul Kardos.
La dernière fois où vous avez été émue en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
A l’occasion d’un concours de chant folklorique intitulé « Le paon descend », une étudiante a chanté un chant csangó-hongrois. Avant elle une jeune de 16 ans vêtue d’une magnifique tenue folklorique, immobile comme une statue, totalement concentrée sur la mélodie, avait chanté un autre chant folklorique. Alors j’ai senti qu’il est possible d’espérer.
Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Une seule note, infiniment intense et pourtant infiniment douce, qui embrasserait en elle-même toute la musique du ciel et de la terre. Et si Dieu était un chant, Il serait un chant d’enfant.
*****
Sur le site du label: http://www.jade-music.net/jade/2011/10/marie-fleur-du-carmel-ch%C5%93ur-des-moniales-de-p%C3%A9cs.html
Le site de la fédération des Carmélites: http://www.carmel.asso.fr/Federations-des-Carmelites,545.html
Sur le blog de La Procure, Paris: http://www.blog-laprocure.com/vie-de-la-librairie/evenements/prix-de-musique-spirituelle/

2 réponses à “Carmel de Magyarszék, « Les anges musiciens descendus sur terre »”

  1. Avatar de pascal guillot
    pascal guillot

    comme il fait bon lire des propos qui invitent à une écoute verticale de la musique !
    on lit ici que sous le régime communisme la pratique et l’enseignement du chant grégorien étaient interdits. Doit-on s’interroger si, depuis les interprétations populistes-bisounours de Vatican II, il n’y a pas un peu de ça en terrain français ?
    La crise musicale que traverse le catholicisme français, la vie quasi nulle des chorales, maîtrises… et l’absence d’une transmission du patrimoine laissent dubitatifs.

  2. Avatar de chuffart lucas
    chuffart lucas

    Robert au cabaret,
    C’et un bon titre !
    Lucas.

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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