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LONGS MÉTRAGES
2015 MARGUERITE
Sélection officielle en compétition au Festival de Venise 2015.
4 récompenses aux César 2016, meilleure actrice, meilleur son, meilleurs costumes, meilleurs décors.
2012 SUPERSTAR
Sélection officielle en compétition au Festival de Venise 2012.
2009 À L’ORIGINE
10 nominations aux César 2010 dont meilleur réalisateur, meilleur film, meilleur scénario original.
Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2009.
2006 QUAND J’ÉTAIS CHANTEUR
6 nominations aux César 2007 dont meilleur film, meilleur scénario original.
Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2006.
2005 UNE AVENTURE
2003 LES CORPS IMPATIENTS
Nominations aux César du meilleur espoir féminin pour Laura Smet, et du meilleur espoir masculin pour Nicolas Duvauchelle.
COURTS-MÉTRAGES
1998 L’INTERVIEW
Palme d’or du court-métrage.
César du meilleur court-métrage.
1996 DIALOGUE AU SOMMET
Nomination au César du meilleur court-métrage.
1995 J’AIME BEAUCOUP CE QUE VOUS FAITES
1994 TERRE SAINTE
1993 LE CONDAMNÉ
(Dossier de presse)
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Votre film aborde la question de la foi par le biais des apparitions mariales. Pourquoi ce choix ?
Xavier Giannoli : Ce n’est pas le premier film où je traite de religion. À L’origine est le premier mot de l’Ancien Testament, même s’il racontait l’histoire d’un escroc qui construisait un bout d’autoroute. Chacun de mes films porte la trace de mon éducation chrétienne, quelque chose qui a à voir avec la nécessité et le doute. C’est pourquoi je me suis arrêté, il y a deux ans, sur un article relatif à une enquête canonique sur un phénomène surnaturel – je crois qu’il s’agissait de Medjugorje – et à l’attente d’une décision du pape François. Parce que je suis un cinéaste et non un théologien ou un historien, j’y ai vu avant tout un sujet de film.
Qu’y a-t-il de cinématographique dans cette histoire ?
X. G. : L’enjeu d’une enquête canonique sur un phénomène supposé surnaturel, c’est de remettre des conclusions aux autorités ecclésiastiques qui leur permettent de trancher sur une manifestation de l’existence de Dieu. La confrontation de l’enquête sur une apparition mariale dans ce qu’elle a de plus concret et de plus journalistique avec le grand Mystère, ça c’est une situation de cinéma !
Pourtant vous n’apportez ni réponse, ni jugement sur ces phénomènes…
X. G. : Le doute ne devait pas être une limite mais une aventure. C’est la dignité du cinéaste de ne pas stigmatiser, de n’être ni dans le confort de la moquerie ni dans la facilité de l’exaltation. Ce qui m’intéressait c’était d’aller à la rencontre d’une réalité, à travers une enquête documentaire et que, dans cette réalité, apparaisse l’intuition d’une transcendance.
Est-ce que tout cela repose sur un mensonge, sur une vérité, est-ce que cela relève simplement d’une vérité humaine ? Je pars avec tout ça pour faire le film. Et la première phrase que j’écris est de Kierkegaard : « Souvent la foi voyage incognito ».
En plein débat sur la laïcité, aborder un tel sujet n’est-il pas risqué ?
X. G. : La question des religions est trop souvent réduite à des considérations politiques et sociales, ou alors au fanatisme. La vulgarité, notamment médiatique, de ces débats par rapport à la noblesse du sujet créait en moi un manque. Je voulais m’en réapproprier la part intime, le traiter à hauteur d’hommes avec exigence mais sans complaisance. J’avais aussi envie de savoir où j’en étais par rapport à la foi. Et puis j’aime les paris impossibles. Tous mes personnages sont au fond dépassés par leur histoire.
Chacun, à sa façon, n’est-il pas un imposteur ?
X. G. : Ce n’est pas l’imposture qui m’intéresse mais la quête de vérité. La question est : à quoi peut-on encore croire ? Sur le plan politique, religieux, et même amoureux. Mon éducation chrétienne m’a laissé un désir de pureté et l’impression de vivre dans un monde moralement corrompu. Même si le personnage de François Cluzet dans À L’origine est un salaud, même si Marguerite est folle, ils sont purs. Ce sont ceux qui les considèrent comme des imposteurs qui apparaissent corrompus.
Quel est votre rapport personnel à la foi ?
X. G. : Mes parents sont pratiquants. J’ai reçu une éducation chrétienne, je servais la messe, j’ai été scout. Tout ça était très important pour moi. Au même moment, j’ai découvert le cinéma. Quand j’allais au catéchisme, on parlait de la mort, de choses qui résonnaient en moi d’autant plus fort que je voyais des films qui m’en parlaient. Tout se mélangeait.
Xavier Giannoli ou la religion du cinéma
Je n’ai pas le souvenir d’avoir douté à ce moment-là, ni d’un moment où je me suis dit : « c’est fini » même si je n’étais plus pratiquant. À 20 ans, j’ai vécu un drame personnel mais ça n’a jamais vraiment été fini. Pascal dit : « Dieu travaille ceux qui le cherchent. » Quand je me souviens de cette époque, je n’ai en tout cas aucun souvenir d’insouciance, d’un rapport à la religion heureux ou épanouissant. Je me disais « Qu’est-ce que c’est que ce monde ? Est-ce qu’il y a quelque chose ou pas ? »
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’institution ?
X. G. : L’institution n’est pas idolâtre. La découverte du monde des enquêtes canoniques et de leur rigueur me l’a montré. La phrase que j’ai soumise à des amis prêtres et qui autorise le film, c’est : « L’Église préférera toujours prendre le risque de passer à côté d’un véritable phénomène plutôt que de reconnaître une imposture ». L’aide et la lecture des ouvrages de Joachim Bouflet, un historien des religions, ont été capitales. Il y a dans tout cela une beauté, un élan vers quelque chose qui, depuis l’enfance, m’a intéressé et, en même temps, de la tricherie, du fric… Ceux qui gravitent autour des apparitions mariales peuvent aller jusqu’à l’exaltation. La foi est aussi faite de cela.
Le film s’ouvre sur une explosion de Daech, se referme dans un camp de réfugiés syriens. Avez-vous voulu transmettre un message universel à travers les deux figures d’Anna et de Mériem ?
X. G. : Le nom d’Anna a des résonances juives, Mériem est musulmane. Je voulais rappeler que ces religions sont sœurs, là où il n’est aujourd’hui question que d’affrontements. Cette dimension politique traverse le film. J’espère qu’il dépasse ce point de départ chrétien et s’approche du sacré humain.
J’ai lu les textes formidables de Jean-Claude Guillebaud et les écrits de René Girard. Si notre société réagit avec compassion au sort des migrants, c’est bien que les valeurs du christianisme ont triomphé. Ce qui m’amuse, c’est que certains puissent voir les catholiques comme des conservateurs, alors que la plus grande révolution progressiste de l’histoire de l’humanité a été la révolution chrétienne : avoir mis la victime au centre de la société. Ce qui a donné, des siècles plus tard, cette Une de Courrier international : « le pape, le dernier gaucho ». C’est fascinant.
N’avez-vous pas peur que le sujet du film rebute les non croyants ?
X. G. : J’ai voulu avant tout filmer une enquête avec du suspense, et surtout pas un pensum ! Va-t-on savoir si Anna ment ou non ? Or, la vraie question est : faut-il une réponse ? La lecture d’Emmanuel Carrère m’a beaucoup inspiré, et cette phrase du Royaume : « Je ne sais pas ». Il n’y a pas de réponse, mais il ne faut pas que ce soit déceptif. Il faut que cette absence de réponse ouvre sur le grand Mystère et sur ce qu’est une foi moderne, libre et éclairée.
En modifiant votre rapport à la foi, ce film vous a-t-il transformé ?
X. G. : Oui, les lignes ont bougé. Je n’avais pas besoin de révélation, mais je pense avoir apaisé un tumulte adolescent, car la souffrance était toujours là. Un évêque à qui je demandais s’il aurait peur avant de mourir m’a répondu cette phrase admirable : « J’espère que je ne me suis pas trompé ». Cette phrase m’a bouleversé. J’ai compris que la foi est plus intéressante, plus complexe, plus ouverte.
Si quelque chose reste en moi, c’est l’évidence qu’il ne faut pas limiter le christianisme à un humanisme et à une générosité humanitaire idiote. Pas plus qu’il ne faut le réduire à une présence qui vous regarde, vous juge et vous opprime. Cela peut être épanouissant et heureux.
Recueilli par Céline Hoyeau et Céline Rouden
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