L’invité du blog: Théophile Désarmeaux.
« Théophile Désarmeaux, religieux jésuite, poursuit sa formation à Toulouse, après cinq années d’études de philosophie et de théologie à Paris. Il se découvre en ce moment une passion pour le foot de rue, à condition de ne jouer qu’avec des enfants. Il aime faire le marché et la cuisine. Sa dernière lecture marquante : un petit livre sur Dante, du jésuite Auguste Valensin.
Originaire des Landes est entré chez les jésuites en 2017. Il est passionné par la philosophie politique, l’ecclésiologie et le lien entre nature humaine et vie spirituelle. En 2024, il a accompagné le pèlerinage “Camino ignaciano”, un itinéraire spirituel de deux semaines en Espagne, guidant des jeunes de 25 à 35 ans sur les pas de saint Ignace vers une conversion personnelle.
Il participe le samedi 8 novembre à 12h 30 à l’Accor Arena Paris- Bercy à une table-ronde dans le cadre du Congrès Mission.
A lire son article dans Christus »Créer un cantique nouveau« .
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–Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
–Théophile Désarmeaux: Il y a quelques années, quand j’étais encore aux études à Paris, j’ai eu la grande chance de chanter dans une chorale de bon niveau, au répertoire éclectique et toujours très original. Cette année-là, pour le programme d’hiver, nous préparions plusieurs pièces de musique sacrée du compositeur estonien Arvo Pärt. J’ai été particulièrement subjugué par une pièce intitulée « Which Was the Son of… », qui chante la généalogie du Christ selon la version ascendante de St Luc (Lc 3,23-38). La succession de noms inconnus aux sonorités étrangères, égrénés les uns à la suite des autres selon un même motif immuable, nous entraîne de génération en génération à rebours de l’histoire jusqu’aux temps mythiques et immémoriaux de la Genèse où l’homme marchait au jardin en compagnie de Dieu et s’entretenait familièrement avec lui. Adam, « fils de Dieu », n’est d’ailleurs que le dernier (ou premier) maillon de la longue chaîne humaine qui fait refluer les pères vers l’Origine sans origine, reliant Dieu le Fils à Dieu le Père à travers toutes les vicissitudes de la chair et de l’histoire. C’est pour moi une hymne saisissante à l’incarnation, que j’ai eue dans la peau pendant des mois et des mois, et qui continue de nourrir ma prière.
–Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Dieu « est » musique.
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
… les harmoniques secrètes d’un silence saturé de la présence de Dieu.
–Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
La prière n’est pas dans ce qui est écrit sur la page, mais dans le souffle de celui ou celle qui aspire à Dieu. Du moment qu’une musique, quelle qu’elle soit, est portée par ce souffle, elle peut à son tour porter à la prière.
–Que chantent les anges musiciens ?
A mon avis ? Ils improvisent. Je ne peux pas imaginer le ciel autrement que comme une « jam session » où les anges et les saints se relaient sans fin.
–Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Sans doute « La prière » de Georges Brassens.
– Qu’aimeriez- vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Le « cordero de Dios » (« agneau de Dieu ») de la « Misa criolla » d’Ariel Ramirez, qui dit, infiniment mieux que je ne saurais l’exprimer par mes propres moyens, ma contrition pour tout le mal dont j’ai été complice et auquel je n’ai pas su faire rempart, mais surtout ma vive confiance que son amour est sans borne et qu’il m’accordera de trouver auprès de lui la paix.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
Question difficile ! Sur une île déserte, y a-t-il encore de la place pour des musiques qui donnent à entendre la détresse humaine ? Un « paradis terrestre » où l’on ne se soucierait plus de la souffrance des hommes ne serait-il pas un mensonge hypocrite ? Mon premier mouvement serait de ne penser qu’à moi et de ne choisir que des musiques qui m’exaltent ou me portent à la danse. Mais si j’étais seul sur une île déserte, je voudrais aussi pouvoir me rappeler la voix de mes frères et sœurs humains, chargée de toutes leurs peines et de tous leurs espoirs.
Cela dit, voici ma liste :
1- la mise en musique du « Cantique des Cantiques » par le P. Joseph Gélineau, jésuite et musicien que je n’ai pas connu, mais que j’aurais beaucoup aimé connaître. Malheureusement cette pièce est introuvable sur internet, et est de facto une perle rare réservée aux « happy few » qui en possèdent un exemplaire sur CD. Mais si je ne devais en emporter qu’un, ce serait celui-là !
2- « Summertime », interprété par Billie Holiday
3- « Sodade » de Cesaria Evora
4- « Candela » de Buena Vista Social Club
5- « Blue skies », interprété par Ella Fitzgerald
6- le « Beatus vir » de Monteverdi
7- le « Stabat Mater » de Vivaldi, interprété par Andreas Scholl
8- le « Dominus dixit » de Haendel, dans la version de John Eliot Gardiner
9- le concerto pour piano n°3 de Beethoven, interprété par Daniel Barenboim
10- la valse n°7 de Chopin, en version orchestrale, comme dans « Les fleurs de la petite Ida », qui ont ensorcelé mon enfance…
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Parmi les très beaux refrains composés par Guillaume Lohest pour la « Communion de La Viale », refrains que j’aime et qui me portent à la prière, il y en a un auquel je reviens toujours sans jamais me lasser : « Mon âme à l’Éternel soupire,/ elle l’attend et le poursuit,/ non moins que l’aube se désire/ de ceux qui font garde la nuit. »
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Parmi les grands compositeurs, j’aime l’espièglerie miraculeuse de Mozart, la tourmente de Beethoven, l’infinie subtilité de Chopin. Du côté des interprètes, j’aime ceux dont on entend qu’ils déversent tout le tumulte et le drame de leur vie dans leur musique. J’ai une vénération particulière pour Jacques Brel, qui pour moi est à la chanson française ce qu’Antoine de Saint-Exupéry est à la littérature.
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
En découvrant tout récemment le répertoire adulte et engagé d’Anne Sylvestre, dont je connaissais par cœur les « fabulettes » quand j’étais petit. J’ai été par exemple vraiment bouleversé par sa chanson « Douce maison », que je vous invite vivement à découvrir si vous ne connaissez pas !
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Sans hésiter : « Dites-moi les anges », un poème du jésuite Didier Rimaud, mis en musique par l’excellente Maguy Gérentet. C’est un dialogue entre Dieu et ses anges : celui-ci les interroge sur les préparatifs de la venue au monde de son Fils, ceux-là l’interrogent en retour sur la Passion qui se profile à l’horizon, qu’ils ne peuvent pour l’instant pas comprendre, puisque Dieu ne s’est pas encore manifesté tel qu’il est en vérité…


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