Sylvie GERMAIN, écrivain. « Au paradis, on y entend un silence polyphonique. Peut-être… »

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Sylvie Germain. Romancière.

Sylvie Germain vient de publier  en 2019 « Le vent reprend ses tours » (Éditions Albin Michel).  Sylvie Germain raconte l’amitié insolite d’un jeune garçon et d’un artiste de rue roumain, libre et fantaisiste. Un roman sur la naissance à soi. (Voir article d’Élodie Maurot dans LA CROIX du 9 mai 2019). « Récit d’une mise au monde, Le Vent reprend ses tours est un roman initiatique à la structure déconcertante, composé de plusieurs allers et retours dans le temps, comme si on ne naissait à soi qu’en prenant et reprenant sans fin les chemins du passé et de la mémoire. »

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« Moïse prenait la Tente et la plantait hors du camp, à bonne distance. On l’appelait : tente de la Rencontre, et tout homme qui voulait consulter le Seigneur devait sortir du camp pour gagner la tente de la Rencontre. » Sylvie Germain cite cet extrait de la Bible (Livre de l’Exode, chapitre 33, verset 7) pour présenter son récent essai « Rendez-vous nomades » (Albin-Michel, 196 p., 15,20 €) .  La romancière, essayiste, biographe  y explore sa relation à Dieu. Le fruit d’une longue recherche depuis que l’étudiante, qui a grandi dans une famille catholique,   avait disserté  sur une célèbre phrase de Dostoïevski: « Si Dieu n’existe pas, tout est-il permis? »
Son « Ce que je cherche » est riche d’intuitions et de réflexions. Rendez-vous, né d’une expérience  et fort des mots des autres, notamment les poètes.   A la suite de  Rilke dans un poème de son « Livre des images »:  « Que c’est cela est petit avec quoi nous luttons, ce qui lutte avec nous, comme cela est grand ».
La Croix en a parlé récemment alors que   l’ oeuvre de Sylvie Germain a été saluée par le  Grand Prix de Littérature décerné par la Société des Gens de Lettres.
« Sylvie Germain interroge sa relation à Dieu
Une belle invitation au lecteur à questionner son héritage chrétien
Comme beaucoup d’hommes et de femmes de sa génération, Sylvie Germain a reçu en héritage la Bible, « lieu de rendez-vous toujours renouvelé avec la part tout autre de soi-même, la part d’inconnu, d’insoupçonné du temps, du monde, de la vie » , mais aussi la tradition catholique, qui a imprégné dès l’enfance sa sensibilité, sa pensée, et mis à sa disposition, d’autorité, « un cadre psychique » où sont venues se poser les premières questions : d’où je viens ? pourquoi suis-je au monde ? c’est quoi la mort ?
À l’adolescence, raconte-t-elle, ce cadre s’est mis à craquer. Tout fut à reconsidérer : sa façon de penser, ses certitudes, et même le sens du signe « si familier de la croix » . Le ciel s’est alors révélé d’autant plus nu qu’« on ne naît pas impunément au mitan du XX e  siècle ». Certains, qui avaient reçu le même héritage, ont refusé d’affronter les questions posées et ont préféré faire comme s’il ne s’était rien passé. D’autres ont, à l’inverse, tout rejeté en bloc.
Formée à la philosophie, Sylvie Germain a, elle, choisi « l’in-tranquilité » du questionnement, l’in-quiétude de la pensée. Avec patience et passion, elle n’a cessé depuis de se confronter aux doutes, aux incertitudes.
Ce travail de pensée lui permet aujourd’hui d’ausculter quelques « mots scrupules » devenus communs mais qui posent problème tant ils peuvent être sujets de malentendus. Croyance(s) et foi. Dieu. Grandeur… Chemin faisant, elle cite saint Augustin : « Si elle n’est pas pensée, la foi n’est rien » ; Simone Weil : « Mais il n’y a, à mes yeux, de grandeur que dans la douceur » ; Marguerite Porete : « La parfaite liberté ne connaît pas de pourquoi » …
S’ensuit une méditation sur le travail du romancier qui écrit « à la marelle » , c’est-à-dire qui accepte d’aller d’étonnement en question, quant à « tout ce qui concerne l’humain ». « Écrire, avance-t-elle, est une façon, parmi d’autres, d’essayer de se tenir davantage en veille, en éveil, en travail, et ainsi d’accéder, parfois, à un peu d’insoupçonné, d’assister à de minuscules apocalypses. »
À sa suite, le lecteur, croyant ou non, se sent porté à se mettre à l’écoute du monde, mais aussi de cette voix fugitive (bruit, souffle, murmure, cri, chant, appel…) qui monte en lui il ne sait d’où. À habiter pleinement chaque lieu, chaque instant, chaque mot. À regarder, jusque dans le vide. Ouvert à tout infime ailleurs qui surgit dans la vie, quitte à être saisi de vertige.  »
Martine de Sauto
RENDEZ-VOUS, du 27 au 30 septembre 2012: les Rencontres de Chaminadour, à Guéret (Creuse) ont pour invitée d’honneur de leur 7ème édition Sylvie Germain. Le site: http://www.chaminadour.com/
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Sylvie Germain répond au questionnaire du blog de LA CROIX.
Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes,  évoquant Dieu que vous avez entendues  et appréciées?
Sylvie GERMAIN:  ce n’est pas Dieu, qu’évoquent les musiques religieuses, mais la relation des hommes à Dieu : leur attente, leur désir de Lui, leur appel et leur écoute, leurs craintes et leurs espoirs – leur confiance et leur espérance. Le chant grégorien, et Bach, les chants orthodoxes, certains chants juifs, musulmans, évoquent merveilleusement cet appel lancé dans l’infini. Et des chants d’autres traditions religieuses aussi bien (bouddhisme…)

Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
A quel titre pourrais-je me prononcer sur « les goûts » de Dieu ?
Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Un silence polyphonique, peut-être.
Que chantent les anges  musiciens ?
Des mélodies dont nous n’avons aucune idée, certainement.
Si la prière était une chanson, une musique,  laquelle choisiriez-vous ?
Un chant d’oiseau, une plainte de loup, ou un souffle de vent, selon.
Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Un silence qui sonne juste.
Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
My Lady Carey’s Dompe (air anonyme anglais du 16ème siècle  pour clavecin)
 
Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Bach, Haendel, Schubert, Rachmaninov, Mahler, Chostakovitch, Pärt,

Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Le bruit d’un ruisseau, du vent dans un arbre, de l’océan ; les sons errant dans l’immensité de l’univers…
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A écouter:  http://www.franceculture.fr/emission-les-racines-du-ciel-un-chemin-de-foi-avec-sylvie-germain-2012-09-09
Sur le site de la librairie Mollat: http://www.wat.tv/video/sylvie-germain-rendez-vous-54d75_2iynl_.html
Sur le site de l’émission « For Intérieur » (France Culture): http://www.franceculture.fr/emission-for-interieur-sylvie-germain-diffusion-exceptionnelle-dimanche-23-janvier-de-21h-a-22h-2011

2 réponses à “Sylvie GERMAIN, écrivain. « Au paradis, on y entend un silence polyphonique. Peut-être… »”

  1. Avatar de Carl+Larmonier,
    Carl+Larmonier,

    Ce que j’aime bien chez Sylvie Germain c’est qu’au delà de la dimension spirituelle qui est omniprésente dans le Livre de la nuit et Nuit-d’ambre que je termine, il y a une omniprésence aussi de la nature qui prend une dimension cosmique,microcosme et macrocosme sont liés; de plus au niveau de la narration on peut aller vers le conte pour enfants,tout cela devient enchanteur.Enfin c’est un enchantement, c’est même un chant car dans enchantement il y a chant.
    ps : De plus je l’ai découvert par sa biographie sur Etty Hillesum,que je ne peux que conseiller.
    Carl Larmonier ( abonné de La Croix )

  2. Avatar de Carl+Larmonier
    Carl+Larmonier

    Je voulais rajouter par rapport à mon commentaire d’hier que c’était comme une évidence que Sylvie Germain fasse la biographie d’Etty Hillesum, du fait qu’il y a plus d’une similitude entre les deux du point de vue du fond comme de la forme, comme le fait de partir sur une description de la nature pour finir sur une description d’ « humain » (donc souvent une étude de caractère, des petites études comme des tranches de vie de la nature humaine )
    ps : Conseil de lecture – Une vie bouleversée d’Etty Hillesum ( que l’on trouve assez facilement en poche ).
    Carl+Larmonier (abonné de La Croix)

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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