Sébastien Bertrand, l’Orient du « maraîchin » musicien qui vient des deux bords de la mer

Publié le

L’affiche ne laisse aucun doute sur ce spectacle: « Chemin de la belle étoile : émouvant, magnifique et doux ». La présentation du récit de Sébastien Bertrand dans « La Croix » (voir ci-dessous le texte de Jean-Claude Raspiengeas) plaide avec force pour cette entreprise au final peu commune. Sébastien le « maraîchin » à la peau mat et au cheveu frisé, vendéen né à Beyrouth, accordéoniste collecteur de musiques traditionnelles, s’y raconte. En paroles et en musiques et chansons douces. L’instrument choisi n’est d’ailleurs pas innocent. L’accordéon à l’aise pour conduire un pas de danse en une joyeuse farandole sait aussi traduire les sentiments les plus mélancoliques aux couleurs de l’intime et du drame.
Sébastien le bambin connu d’abord sous le nom d’emprunt de Vincent Bouchara (comme bonne nouvelle) a commencé alors un périple géographique, mental et tout simplement humain. De l’Orient à la France de ses parents adoptifs . Avec un retour au pays et la plongée dans les archives de sa destinée propre. On pourrait craindre une certaine impudeur à parler ainsi des blessures d’un enfant adopté au regard faussement naïf et au sourire de rigueur. Il n’en est rien. Tout dans cette heure musicale et conteuse parle d’amour, de respect, de transmission et d’échange. Le récit peut à l’occasion prendre aux tripes celles et ceux qui ont vécu le même parcours. Il ne faut pas le nier. Pourtant,  Sébastien Bertrand rapproche les rives et déjoue les frontières. « Je viens des deux bords de la mer » lance-t-il pour mieux saisir son identité fragile et confiante à la fois. La musique tient une grande place dans ce chemin de lumière, ce pèlerinage en espoir, sinon en espérance. Il joue avec ce récit le rôle de passeur auprès d’un large public.
Bien sûr, Vincent-Sébastien à l’âge adulte ne plonge pas sans conséquences dans sa mémoire d’enfant de l’amour oublié puis transplanté en d’étrangères coutumes. L’absence se fait parfois cruelle mais l’artiste le confie : il ne sera plus jamais seul grâce à son accordéon et la vie sourit à ceux qui acceptent aussi la part de mystère qui est en eux.  Le spectacle s’ouvre sur les mots de Sœur Josèphe à l’orphelinat Saint Vincent, au Liban. L’occasion de demander à Sébastien Bertrand ce qu’il ressent de Dieu, incarné dans cet Orient que nous connaissons bien.
Sébastien Bertrand: en préambule et ce malgré mon éducation religieuse et mon attachement aux sœurs de la communauté de St Vincent de Paul de Beyrouth, j’ai aujourd’hui du mal à affirmer une croyance en Dieu ! Une croyance ? assurément. Besoin de repères ? assurément aussi. Une projection vers des espaces autres que ceux qui nous entoure ? aussi. C’est donc chargé de toutes mes questions, mes doutes, mes ambiguïtés, mes attirances et mes hésitations que je réponds à ce questionnaire…
– Quelles sont les chansons, anciennes ou récentes,   évoquant Dieu que vous avez entendu  et apprécié ?
Sébastien BERTRAND : j’aime beaucoup les chansons traditionnelles sur le thème de La Guilanu – au Gui l’An Neuf – où les plus pauvres chantent le soir de la Saint Sylvestre aux portes des plus riches et demandent des œufs, de la farine, une volaille…Plus largement que Dieu ces chansons évoquent déjà cette idée du partage et du regard sur l’autre… -Selon vous, Dieu aime-t-il les chansons ? Si l’on considère qu’il nous traverse et que Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne dieu alors : oui.
.- Au paradis quelles musiques y entend-on ?Celles des cœurs et des histoires vécues !
Que chantent les anges musiciens ?
En les imaginant aujourd’hui je pense qu’ils pourraient chanter la liberté ! car elle est pour moi le premier fondement de la construction de soi – dans ce monde qui va vite ! être libre de corps et d’esprit permet de choisir, de se confronter, d’apprendre, de circuler, de comprendre et même parfois de se tromper ! sans risque, sans peur ! Alors oui, qu’ils chantent la liberté, celles des hommes et des femmes…
– Si la prière était une chanson laquelle choisiriez-vous ?
« Tout est là ! » de Gabriel YACOUB – De la Nature des Choses.
Extrait :
Tout est là qu’on se le dise
Et qu’on ne cherche pas plus loin
Le bonheur est ici a porté de main,
À l’intérieur de nos cœurs, au fond du jardin,
À l’intérieur de nos cœurs, au fond du jardin…
– Qu’aimeriez vous chanter à Dieu en le rencontrant ?
Mon histoire de vie avec mes peines, mes joies, mes bonheurs, mes déceptions…
-Quelles sont dans votre discothèque personnelle les chansons qui sont vos préférées. Les dix chansons à emporter sur une île déserte?
L’île déserte est pour moi synonyme de solitude…Du coup pas de chanson…mais le silence qui résonne, qui oblige à entendre ce qui semble ne rien émettre comme sonorité, qui oblige à entendre notre musique intérieure…
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
– Moi j’ai un accordéon,
J’ai plus peur des dragonsMême si je sais qu’ils ont la nuit
Mes démons sont démunis
Ce petit refrain est extrait du spectacle « Chemin de la belle Etoile » que j’ai co-écrit avec Yannick JAULIN. Il m’a marqué car il est en prise directe avec un moment de mon histoire où j’ai commencé à regarder, à me regarder, à me comprendre.
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Les plus grands pour moi ce sont ces gens, rencontrés avec mon père, ces gens de la terre qui devant le micro, sans retenue ont livré face au collecteur, l’ethnologue, leur culture, leur savoir…juste pour partager et transmettre ! Ils sont anonymes mais tellement proche de nous qu’on a l’impression de les connaître et de les comprendre immédiatement !
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une chanson, laquelle était-ce ?
« Tu m’aimes-tu ? » par Richard Desjardin en public à Nantes (Loire-Atlantique) – Je connaissais la chanson mais de l’entendre là dans cette salle, à ce moment-là de ma vie ! intense !
Si Dieu était une chanson laquelle serait-ce ?
« Ne me quitte pas » – chantée par Nina SIMONE
*******
Chemin de la belle étoile
Sébastien Bertrand narration – chant – accordéons diatoniques – Yannick Jaulin dramaturgie – écriture
Spectacle – disque – livre Bilingue français / arabe – édition Les Ateliers du Cèdre – L’oiseau indigo diffusion
préfacé par Catherine Dolto. Tournée 2011– 15 décembre : Marseille (13) – Théâtre Eolienne – 16 décembre : Carquefou (44 )7 janvier : Ancenis (44) – 24 janvier : Quétigny- 3- 11-12 février : Chant’appart (85) – 7 février : Challans (séance scolaire dans l’auditorium du Lycée Truffaut) – 17 mars : Chant’appart (85) – 22 mars : Plessé (44) – 23 mars: Saint Gorgon (56) – 24 mars : Massérac (44) – 17 avril: St Brévin les Pins (44) – 5 mai : Saint Hilaire de Riez (85) 7 juin : Vitré (35)  d’autres dates à venir sur www.cahpa.fr
Bande annonce du spectacle: http://www.dailymotion.com/video/xgpn74_sebastien-bertrand-chemin-de-la-belle-etoile-entretien_music
Paru dans LA CROIX du 24/9/2011

24/9/2011
PASSION(S)
« Pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Un soir, à Nantes, Yannick Jaulin sort de scène. Il vient de jouer dans Forêts, la pièce de Wouajdi Mouawad, Libanais d’origine. Sur son téléphone, un long message s’affiche. L’un de ses amis, Sébastien Bertrand, était dans la salle. Accordéoniste et colporteur des musiques traditionnelles de la Vendée, collecteur avec son père de la mémoire populaire, il lui révèle qu’il est né à Beyrouth, sous un nom d’emprunt : Vincent Bouchara. Abandonné, il a été adopté à l’âge de 9 mois. « Mais, tu vois, on m’a tellement aimé depuis que je ne croyais pas avoir besoin d’aller regarder là où c’est noir, mais maintenant je sais que je dois le faire… »
Enfant, il a suivi ce père vendéen, dans les fermes, pour recueillir des mots perdus, des paroles oubliées, des refrains délaissés. « Moi, je croyais que la vie c’était comme ça, qu’on allait voir des vieux pour les écouter chanter. » Sébastien Bertrand s’est fondu dans le paysage. Musicien, engagé dans le développement culturel local, il a aussi vendu des maisons. Il s’est parfois imaginé en Libanais prospère, régnant sur son petit monde, cigare à la bouche. Il est aussi arrivé, dans le bocage, que l’on demande à ce « maraîchin » d’où il venait avec sa tête frisée et son teint mat… À 7 ans, accroché aux bretelles de son accordéon, il a su qu’il ne serait « plus jamais seul ». Il a longtemps repoussé les ombres noires de son « dedans mal éclairé ». Le trou noir des origines s’est étendu. Ni mémoire d’avant, ni rêves de maintenant. Il a « perdu les clés des souterrains ». Les songes ne troublent jamais son sommeil.
À 35 ans, Sébastien Bertrand décide de retourner dans son pays natal, à la recherche des traces improbables que le passé aurait pu laisser. À l’orphelinat Saint-Vincent, Sœur Josèphe retrouve son dossier. Le moment est venu de plonger dans ses « marais », d’affronter ses « dragons ». Il découvre, là-bas, que « les choses existent quand on les met à la lumière ».
Yannick Jaulin, conteur fraternel, l’a aidé à accoucher de son histoire, l’a accompagné à Beyrouth, la terre de la grande secousse. Ensemble, ils ont monté un spectacle émouvant, magnifique et doux : Chemin de la belle étoile, qui tourne dans le monde entier. Prolongé maintenant par un disque et un livre, en édition bilingue, en arabe du Liban et en français.
À Beyrouth, Vincent Bouchara s’adresse à sa mère, introuvable : « Tu m’as laissé avec ce mystère. Pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Chemin de la belle étoile, de Yannick Jaulin et Sébastien Bertrand. Un CD et un livre aux Éditions Les Ateliers du Cèdre – 10 €. Spectacle en tournée : retrouvez les dates et lieux sur www.cahpa.fr
RASPIENGEAS Jean-Claude

Une réponse à “Sébastien Bertrand, l’Orient du « maraîchin » musicien qui vient des deux bords de la mer”

  1. Avatar de Odile Ossul-Foëssel
    Odile Ossul-Foëssel

    Magnifique ! ! je n’avais jamais entendu parler de vous.. la musique ne m’émotionne pas, mais qu’est-ce que j’aimerais entendre ce que vous faites . . .
    Je suis une vieille mama, née presque en Vendée, et vivant en bordelais.
    Que notre Seigneur vous accompagne et vous protège de Son grand Amour.
    Odile

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

    Lire la suite

À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

Les derniers commentaires

Articles des plus populaires