Gaëtan est un artiste complet : auteur, compositeur, interprète, arrangeur, metteur en scène… Ses nombreux talents, il les met au service de tous à travers ses disques, ses spectacles et son atelier musical. Son ambition ? Réconcilier l’Homme avec son corps et son âme, concilier l’art et la foi.
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Ce matin là au royaume des Cieux, un grand chanteur français.
Ce matin-là -c’était la veille de la fête des saints innocents- saint Pierre était occupé à régler le cas litigieux d’un type arrivé avec une fournée de défunts coronavirés tendance Omicron. L’homme était au moins aussi anti-Vax qu’il était anti-Vatican II, et le premier pape secouait ses clés avec perplexité. C’est alors qu’un de ses adjoints, qui avait un fort accent africain, le tira par la manche et lui dit (je cite) : « Un grand chanteur français vient d’arriver, patron. Je l’ai reconnu : il a chanté à Trechville quand j’étais petit ! » -« Treichville ? dit Saint Pierre, c’est où Treichville ? » – « Ben, dans la banlieue populaire d’Abidjan, répondit l’assistant un peu vexé de cette ignorance. Il était très célèbre chez nous… et dans le monde entier aussi ! C’était toujours plein plein plein, et c’était la fête ! » Saint Pierre marmonna dans sa barbe : « Hou là là, c’est l’hécatombe chez les chanteurs français, depuis quelques temps ! ». Il lui revenait à l’esprit que, en 2017, il avait dû accueillir en grande pompe un rocker, sous prétexte qu’il avait terminé son circuit de funérailles nationales à La Madeleine, alors que ce n’était pas précisément un pilier de sacristie. « L’Église de France a-t-elle tant besoin d’un lifting qu’elle recycle aujourd’hui ce qu’elle flinguait hier : le jazz, le rock, bientôt le rap ? », râla-t-il. Et, très en colère, il envoya l’antivax au purgatoire, direct.
Quand ce fut le tour du « grand chanteur français », l’ambiance était donc frigorifique. « Nom, prénom, qualités ? », demanda saint Pierre. L’autre, quelque peu intimidé, répondit : « Fau, Raymond… je suis assez bon photographe ».
L’accent chantant du candidat fit de l’effet sur saint Pierre, qui se détendit. « Et puis, il a chanté dans plus d’églises qu’on en compte à Rome, patron, continua l’acolyte ivoirien. Même que c’est lui qui a écrit : Toute ma vie je chanterai ton nom Seigneur… » – « Ah, c’est vous ? dit saint Pierre, tout sourire. Vous savez que c’est pas mal du tout, ça ! » Il héla un angelot qui passait par là, une harpe à la main : « Philibert ! tu saurais accompagner Toute ma vie, toi ? » – « Bien sûr ! » dit Philibert. Et les voilà qui chantent en chœur, si bien qu’un attroupement se fait à l’entrée du Paradis, comme pour un feu de camp improvisé. Et Raymond Fau qui retrouve ses réflexes d’animateur : « Quand je fais comme ça avec les mains, c’est à moi de chanter. Et quand je fais comme ça, c’est à vous de reprendre. D’accord ? » – « D’accord ! », crie la foule. Certains défunts profitent même de la cohue pour resquiller, et rentrer au Paradis sans passer par le guichet de contrôle… sanctitaire. Saint-Pierre se tourne alors vers son assistant : « Tu vois, Désiré, le Comité Numineux du Paradis Latin nous envoie chaque année une liste de cantiques promotionnés par les experts, garantis sans fautes d’harmonie ou de théologie, aseptisés… et finalement ce sont les vieilles rengaines qui marchent le mieux chez les élus ».
C’est ainsi que Raymond entra au Royaume des Cieux. Il avait aimé les gens : une foule d’amis l’y accueillit donc, rencontrés au cours de ses pérégrinations terrestres : des enfants et des vieillards, des gens simples et des cultivés, des indiens et des africains, des croyants et des agnostiques, plus de visages qu’il n’en avait reçus en cadeau sur ses bobines de Kodachrome. Et tous ces visages, les uns côtoyant les autres révélaient celui qu’il avait tant cherché : le visage de Jésus, l’Ami universel.
Gaëtan de Courrèges
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