P.Jean-Pierre LONGEAT (2). Cinéma et spiritualité. L’expérience du film « Les Innocentes. »

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Père Jean-Pierre LONGEAT. Conseiller musical du film « Les  innocentes », réalisé par Anne Fontaine. Sortie en salles depuis le 10 février 2016.
Religieux Bénédictin. Président de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref). Président de l’Alliance intermnoastères (AIM) qui  promeut et encourage la coopération et la solidarité entre monastères du monde. Dom Longeat a été abbé de Ligugé durant 23 ans.
Né en 1953,  dans une famille mixte, de père protestant, et de mère catholique. Enfant rêveur et contemplatif, il apprend le hautbois et envisage une carrière musicale (Conservatoire de Limoges, école normale de musique à Paris). Parallèlement, il fréquente beaucoup Taizé. Mais après une retraite chez les Bénédictins de Ligugé, il décide d’entrer en 1975 au monastère. Il a été frère hôtelier puis maitre des novices et en devient le père abbé en 1990, avec un fort engagement œcuménique. Il quitte sa charge en 2013 pour la présidence de la CORREF, puis pour celle de L’AIM.  Fondée en 361 par saint Martin, l’abbaye de Ligugé est le plus ancien monastère d’Occident encore en activité. Le P. Longeat a crée un festival de musique dans l’abbaye. Le P.Longeat a publié de nombreux ouvrages dont le récent « La musique, j’y crois » (Bayard éditions).2015.
Que retenez-vous de cette expérience en tant que conseiller musical du film « Les innocentes »?

P.Jean-Pierre LONGEAT: c‘est une expérience forte, humainement et spirituellement parlant. Le monde des artistes a beaucoup de points communs avec les milieux de la recherche spirituelle même s’il y a aussi beaucoup de différences ! J’avoue avoir été touché par la somme de travail nécessaire pour faire un film et le sérieux avec lequel toutes choses sont abordées depuis l’élaboration du scénario, les investigations précédant le tournage, le tournage lui-même, le montage, la promotion et la diffusion. Bien sûr, il faut reconnaître aussi que cela ne relève pas que de l’art, c’est une véritable entreprise au sens économique du terme. Dans ce domaine, évidemment, je me sentais moins à mon aise parfois : faire un film coûte très cher ! Mais il est vrai que l’on n’a rien sans rien, il faut être réaliste. Et encore, les films d’Anne Fontaine, ne comportent pas obligatoirement de gros budgets comparés à d’autres productions ! En tout cas, le plus fort, ce sont les multiples rencontres que cela m’a amené à faire avec des personnes tout à fait passionnantes à commencer par la réalisatrice Anne Fontaine.
Quel rôle joue la musique dans le propos de ce film?

La musique est constitué par des chants liturgiques et des pièces instrumentales. Toutes ces oeuvres accompagnent de très près l’action qui se déroule dans ce drame. Les chants liturgiques jouent un rôle fondamental. Mais les pièces instrumentales apportent une touche très particulière : Rossini, Chopin, la musique tzigane, Richter et les pièces du compositeur du film, Grégoire Hetzel. Dans tout cela cependant, il y a un parti-pris de sobriété. Les voix, les souffles, les pas dans la neige ou dans le cloître, l’alternance des langues française et polonaise, constituent tout autant la musique de base de ce film.
Comment-avez vous choisi les pièces musicales, notamment le grégorien?

J’ai proposé des pièces qui correspondent au moment de l’année et au moment de la journée d’une part et d’autre part, j’ai veillé à ce que le contenu soit en rapport avec les interrogations posées par l’histoire. Nous allons du Temps de l’Avent en décembre à celui de Pâques-Pentecôte au moment des professions religieuses au printemps, en passant par celui de Noël et de la Passion. Toutes les dimensions du drame se trouvent donc présentes dans les chants : espérance malgré la souffrance, naissance et incarnation, confrontation à la mort et finalement issue vers la résurrection. Le travail sur la lumière accompagne également ce mouvement.
Quelles réactions notez-vous auprès des spectateurs rencontrés?

Les spectateurs ressentent l’ambiance induite par les chants : c’est un apaisement dans le cours du film. Ils sentent souvent la force que ces chants donnent aux Sœurs pour vivre le drame qu’elles ont à porter.
L’émotion  est forte, mais elle se manifeste en profondeur : il n’y a volontairement aucun déploiement de grands moyens pour la provoquer.
Quelques-uns aimeraient avoir la traduction des chants, mais à mon avis, ceux-ci jouent bien leur rôle même sans l’accès à la traduction qui de toutes façons ne pourrait en aucun cas être projetée en sous-titre ; ce serait vraiment contre-productif pour l’image et la vitalité du déroulement des évènements.
Il existe un CD qui reprend l’ensemble des chants et des musiques du film. Il est édité par Bayard Musique, il permet de prolonger le travail intérieur que produisent ces pièces de musique dans le cœur des spectateur.
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A lire. LA CROIX du 09/02/2016

« Les Innocentes », dans le secret d’un couvent

Ce très beau film porté par Lou de Laâge confronte une jeune médecin au secret de religieuses polonaises, à la fin de la guerre.

Les Innocentes ***
d’Anne Fontaine
Film français, 1 h 55
Pologne, hiver 1945. Affectée à un centre temporaire de la Croix-Rouge française, Mathilde Beaulieu, jeune médecin, voit accourir une religieuse affolée. Elle a parcouru des kilomètres à pied dans la neige pour atteindre le petit hôpital et parler au personnel soignant débordé, dont Mathilde, qui finit par la mettre à la porte sans comprendre un mot de ce qu’elle veut.
Quelques minutes plus tard, la jeune engagée volontaire aperçoit par la fenêtre pleine de givre cette même religieuse agenouillée, priant dans le froid.

Des victimes condamnées au silence

Si elle n’ouvre pas le film d’Anne Fontaine (Entre ses mains, Coco avant Chanel, Mon pire cauchemar, Gemma Bovery…), cette scène très forte en résume l’intensité et annonce les questionnements profonds, parfois dérangeants, que la réalisatrice aborde sans complaisance ni faux-semblants.

> A lire aussi Les Innocentes, film sur des religieuses mères, a été salué à Rome

Acceptant de suivre Sœur Maria jusqu’à son couvent, où elle entre sans être annoncée, Mathilde découvre peu à peu l’horreur d’une situation que la mère supérieure veut à tout prix garder secrète : presque toutes les sœurs ont été violées par des soldats soviétiques traquant les nazis, sept d’entre elles sont enceintes. Des enfants s’annoncent dans cette communauté bénédictine où personne ne sait s’y prendre pour les accueillir, où la honte et la culpabilité condamnent les victimes au silence.

Une interrogation sur le mystère de la foi

Inspiré d’un épisode peu connu de l’histoire polonaise – vingt-cinq religieuses furent violées par des soldats russes en 1945 et la plupart assassinées –, Les Innocentes est un film stupéfiant qui explore l’abîme sans renoncer à la lumière, aussi vacillante soit-elle dans les rigueurs des hivers de l’est européen. Peut-on dépasser la violence dont on a été victime ? La foi y aide-t-elle ? Comment poursuivre sa vocation lorsque les règles qui la fondaient ont été brisées ?

En décrivant le cheminement mental de la jeune médecin, athée, au cœur de cette communauté meurtrie, le film s’interroge sur le mystère de la foi. Mais Anne Fontaine va plus loin : comment ces religieuses qui n’ont même pas le droit de se laisser toucher acceptent-elles – ou non – la maternité ? Comment reçoivent-elles les enfants qui paraissent ? De ce point de vue, son film est aussi une œuvre dérangeante sur le corps.

Entre ombres et blancs

Il fallait à ce lourd sujet beaucoup de talents réunis, aptes à en maîtriser la charge émotionnelle sans se laisser emporter par le pathos et la démonstration. À l’écriture rigoureuse du scénario, répondent les images et lumières, austères sans être trop tragiques, de la directrice de la photographie Caroline Champetier, dans un contraste nuancé d’ombres et de blancs. D’autres tons, un peu plus chauds, dominent à l’hôpital français, sur fond de romance fin de guerre entre Mathilde et l’un de ses collègues médecins.
Dans ces rôles, Lou de Laâge et Vincent Macaigne s’illustrent par la finesse de leur jeu, tandis que les actrices polonaises Agata Kulesza (en mère supérieure) et Agata Buzek (sœur Maria) s’imposent dans des registres plus âpres.
Jean-Pierre Longeat, président de la Conférence des religieux et religieuses de France, a été conseiller spirituel pour ce film.

Arnaud Schwartz

 
Sur KTO, émission VIP. Entretien avec Anne Fontaine (et le P.Benoît Tissot)
http://www.ktotv.com/video/00102022/anne-fontaine-et-p-benoit-tissot
Sur le blog, au 27/01/2012: http://au-cabaret-du-bon-dieu.blogs.la-croix.com/pere-jean-pierre-longeat-abbe-de-liguge-ces-musiques-qui-transmettent-la-parole/2012/01/27/

Une réponse à “P.Jean-Pierre LONGEAT (2). Cinéma et spiritualité. L’expérience du film « Les Innocentes. »”

  1. Avatar de pascal guillot
    pascal guillot

    Mille mercis pour cet article. Quelle chance extraordinaire que ce film magnifique, tragique et pascalien, ait eu un conseiller musical de cette qualité !
    Je suis sorti bouleversé de ce film et ai eu le plaisir d’entendre des chants connus, bien interprétés…
    le célèbre « Rorate Caeli » de l’avent…
    bravo !

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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