Marion Muller-Colard. Théologienne. Pasteure. Écrivain. Chroniqueuse. Elle a obtenu en 2015 les prix « Écritures et spiritualités » et « Spiritualités d’aujourd’hui » (anciennement nommé prix des Écrivains croyants) pour son livre « L’Autre Dieu, la Plainte, la Menace et la Grâce », aux éditions Labor et Fides, (Coll.Petite bibliothèque de spiritualité). Ce livre bouleversant associe le récit personnel, la méditation et la relecture spirituelle du livre de Job.
Présentation sur la site de la librairie La Procure (Paris): « Marion Müller Colard est dotée une riche personnalité qui lui a donné plusieurs cordes à son arc. Cette théologienne protestante a longtemps été aumônier d’hôpital et se consacre maintenant à l’écriture. Des ouvrages théologiques et bibliques mais pas seulement. Elle est aussi excellent écrivain jeunesse, avec des histoires testées sur ses enfants.
Marion Muller Colard est née à Marseille dans une famille protestante, mais c’est Strasbourg qu’elle a choisi pour ses études de théologie. Elle est ensuite partie un an à Jérusalem, à l’institut Ratisbonne, pour se spécialiser en études juives. A son retour, elle a commencé un doctorat sur le Livre de Job. Parallèlement, devenue pasteur, elle a exercé des fonctions de médiatrice pénale et d’aumônier dans un hôpital, sensibilisée à la souffrance par la maladie grave qui a failli emporter un de ses enfants. Elle se consacre désormais à l’écriture dans sa maison des Vosges alsaciennes : la rubrique spirituelle de l’hebdomadaire protestant Réforme, des ouvrages théologiques, Détails d’Évangile, L’autre Dieu et des histoires pour la jeunesse, qu’elle a d’abord publiés dans les revues des éditions Milan, J’apprends à lire, Toboggan ou Zaza Mimosa, puis un roman pour enfants, Prunelle de mes yeux et deux titres de la collection Les petits Platon, Le professeur Freud parle aux poissons et Le petit théâtre d’Hannah Arendt. Elle anime également des ateliers d’écriture. »
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– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
Samuel Capricornus : O Felix Jucunditas. Je l’écoute dans son interprétation par la chapelle Rhénane. Je peux l’écouter une dizaine de fois de suite. J’aime beaucoup les vieux cantiques de la Réforme, et certains gospel qui m’émeuvent en particulier par le contexte historique dans lequel ils ont été écrits et chantés.
– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Je crois que les humains aiment la musique car elle les rapproche de Dieu. Si Dieu agrée la musique, c’est sans doute pour ce rapprochement qu’elle opère, cette brèche dans nos opacités quotidiennes qui nous permet d’entrevoir le Royaume.
–Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Je crois qu’on y entend un silence éloquent. Ce son doux et subtil d’un silence ténu qu’il est donné d’entendre à Elie en 1 Rois 19.
– Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Les suites de violoncelles de Bach
Henry Purcell, Dido et Aeneas, acte trois :
Thy hand [my Lord], darkness shades me
On thy bosom let me rest.
More I would, but Death invades me;
Death is now a welcome guest.
When I am laid in earth,
May my wrongs create
No trouble in thy breast.
Remember me, remember me,
But ah ! forget my fate.
– Que chantent les anges musiciens ?
« Dieu est un fumeur de havane » ?
– Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Ce serait le cantique qui reprend la prière de Dietrich Boenhoffer : Sur nous, merveille, des puissances veillent…
– Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Le « broken Halleluia » de Leonard Cohen. Car si je le rencontre, je doute avoir oublié d’ici là que la vie peut être crue. Et belle.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
Leonard Cohen, Going home (particulièrement indiquée en cas de naufrage sur une île déserte !)
Tom Waits, There’s a place for us (idem !!)
Dominique A, Revenir au monde (ibidem !!!)
Georges Gershwin, It ain’t necessarily so
Henry Prucell, Dido and Aeneas
Franz Schubert, Piano Trio numéro 2 en mi bémol
Bach, Suites pour violoncelles
Allain Leprest, Où vont les chevaux quand ils dorment ?
Dick Annegarn, Approche-toi
– Quel est le refrain qui vous a le plus marquée ?
« C’est ma mère, ou la vôtre, une sorcière comme les autres » Anne Sylvestre
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Shubert, Marin Marais, Bach, Capricornus (pour la musique classique). Barbara, Ferré, Allain Leprest (trop peu connu), Bashung, Anne Sylvestre, Dick Annegarn, Tom Waits et mon mari (trop peu connu)
– La dernière fois où vous avez été émue en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Marin MARAIS: Grand Ballet (Suite en la mineur IIIè Livre)
Enregistré avec François Joubert-Caillet
Andreas Linos, basse de viole
Philippe Grisvard, clavecin
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Si vous y tenez vraiment, je dirais peut-être le Canon de Pachelbel. Ou le Boléro de Ravel.
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– Le site de l’éditeur: http://www.laboretfides.com/
– A lire dans LA CROIX
15 avril 2015
Méditation sur l’impuissance
Ce petit livre propose, dans une langue splendide et claire, une méditation sur le vertige de la plainte existentielle (1).
L’AUTRE DIEU
de Marion Muller-Colard
Éditions Labor et Fides, 109 p., 14 €
Il n’existe pas de formation universitaire qui prépare à l’impuissance : ce constat sur lequel démarre le petit livre de Marion Muller-Colard en dit l’objectif en creux. L’Autre Dieu n’est pas un traité théologique ou philosophique, mais une profonde méditation, tressée à partir de ses expériences professionnelles mais aussi intimes de pasteure, femme et mère, sur les tréfonds de l’angoisse humaine, et le vertige qui prend lorsque aux «pourquoi» de la vie ne vient que le silence de Dieu.
Pasteure en milieu hospitalier, l’auteur s’est trouvée, toute jeune aumônière, face à ce qu’elle appelle la «plainte». Ce gouffre qui s’empare du malade lorsqu’il cherche à trouver les causes existentielles de sa maladie, de sa mort toute proche, cette fameuse plainte sur laquelle on ne peut se contenter de poser «un petit pansement d’espérance». Un jour, une dame âgée, au seuil de la mort, enfermée dans son silence et sa dépression, dévisage Marion Muller-Colard avec ce que l’auteur perçoit être de la haine.
Face à ce mutisme violent, la pasteure n’a eu d’autres recours que de saisir sa Bible, et lire un passage de Job. Il s’en est suivi un long compagnonnage avec Job, à «fourrager avec lui le silence en quête d’un face-à-face, et avec lui encore parler obstinément, indigné par le têtu mutisme de Dieu». À partir de ses rencontres dans les hôpitaux, et de la douloureuse épreuve d’un fils très malade, Marion Muller-Colard trouve les mots qui touchent pour évoquer ces questions sans fin : l’injustice face à ce Dieu qu’on aurait tant voulu «bon».
Elle apprend, et elle nous apprend, au fil de Job, à se détacher d’un «Dieu contractuel», celui à l’ombre duquel on voudrait se mettre à l’abri et qui nous protégerait de la «menace». Un Dieu que l’on pourrait expliquer, qui serait soit justicier («si le mal me tombe dessus, c’est que je l’ai mérité» ) soit pervers («je n’ai pas mérité cela»). À force de tâtonnements et d’interrogations, la pasteure avoue même en être arrivée à se considérer comme «agnostique», en ce sens que, chaque jour un peu plus, elle sent qu’elle n’a pas la connaissance de ce Dieu en qui elle croit.
Comme Job, Marion Muller-Colard pousse le questionnement vertigineux jusqu’au bord des précipices du doute, à cette terrible question de savoir, pour reprendre les termes de Paul Tillich, où trouver «le courage d’être» en dépit de la menace (2). Avec Job, et son cri de foi adressé à Dieu, à l’«autre Dieu», celui qui n’est ni justicier, ni pervers, mais créateur, elle trace la ligne qui va d’une forme de religiosité avec un Dieu magique à la foi, à ce désir de vivre dans le monde tel que Dieu l’a fait.
Sous la plume toujours juste de celle qui est aussi chroniqueuse à Réforme, les regards, les gestes happés dans un quotidien de souffrance, prennent sens : celui d’un homme qui meurt trop tôt, d’une mère qui refuse de quitter sa fille, ceux de tant de personnes qui attendent, dans les couloirs de la vieillesse et de la mort, regards de révolte, sentiment d’absurde, douleur physique qui devient douleur morale, Marion Muller-Colard nous amène progressivement au plus intime d’un Dieu en lequel il faut bien apprendre à se risquer dans une confiance sans filet. Et avec Jésus, elle montre comment la question à poser n’est pas celle du «pourquoi», mais du «pour qui».
(1) Il a reçu le prix spiritualités d’aujourd’hui et le prix Écritures et spiritualités.
(2) Le Courage d’être, par Paul Tillich.
Isabelle de Gaulmyn
9 octobre 2014
L’Autre Dieu: la Plainte, la Menace et la Grâce de Marion Muller-Colard
Labor et Fides, 110 p., 14 €
Comment rejoindre une personne en souffrance? La théologienne protestante, pasteur en milieu hospitalier, sait qu’il n’y a pas de recette. Par contre, elle peut relire le Livre de Job et entrer dans un dépouillement de la foi. Mère de famille, éprouvée elle-même par la maladie grave de son bébé, elle se retrouve un jour, exténuée devant un tas de linge sale, comme Job devant son tas de fumier! Comment faire confiance en un Dieu qui ne protège pas du mal? Comment ne pas prendre le parti du Léviathan? Peut-on avoir confiance en un Dieu juste et bon? Forte de sa passion pour un Dieu qui ne soit pas un magicien ou un comptable, Marion Muller-Colard nous offre un livre magnifique. Sa relecture de passages de la Bible est particulièrement éclairante. Ce petit livre, comme un phare, peut éclairer les moments les plus sombres d’une vie d’homme ou nous permettre d’être, sans arrogance, avec les personnes dans l’épreuve.
Jean-François Birker
Librairie La Procure. LYON
– Vidéo. Sur le site de l’hebdomadaire Réforme, un débat avec l’écrivain Emmanuel Carrère: http://reforme.net/une/culture/debat-emmanuel-carrere-et-marion-muller-colard-video.
– A écouter sur rcf dans l’émission: https://rcf.fr/varnish/vary-logged/player/999543
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– A écouter sur France Culture dans l’émission « Les racines du ciel »: http://www.franceculture.fr/emission-les-racines-du-ciel-au-dela-de-la-peur-un-autre-dieu-2015-09-13
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