Marie-Armelle BEAULIEU, « Mille refrains me reviennent et me manquent déjà »

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L’invitée du blog: Les téléspectateurs  de France 3 auront remarqué le  jour de Noël l’enthousiasme et l’empathie d’une journaliste française filmée dans la ville de Jérusalem.  Elle fut l’une de nos guides notamment dans le Saint-Sépulcre et au fil dles rues de cette cité trois fois sainte, selon le titre de ce grand reportage. Elle se présente elle-même.
Tombée dans la marmite de l’Eglise » quand elle était petite, sa décision d’entrer dans un ordre cloîtrée à 22 ans surprit pourtant nombre de ses proches, d’autant que la communauté qu’elle avait choisie était située sur le Mont des Oliviers à Jérusalem. « À 21 ans je suis venue en pèlerinage en Terre Sainte. En posant le pied sur le tarmac de l’aéroport « mes entrailles ont tressailli » : j’étais à la maison. Ajoutez à cela le charme de Jérusalem, j’étais ferrée pour toujours. » « Je ne regrette pas une seconde de mes six années de vie bénédictine. C’est ma colonne vertébrale. J’ai fait le choix de sortir mais la communauté a eu une fois ces mots : « Marie-Armelle, c’est une de nous dehors. » Je le vis comme ça. »
De retour en France, elle entre comme journaliste dans une filiale du groupe Bayard au service de la presse paroissiale et diocésaine BSE (Bayard Service Edition). « Je voudrais merci à tous ceux que j’ai rencontré à cette époque pour l’idée qu’ils m’ont donné de l’Eglise. Rien de tel que la découverte de tous ces particularismes paroissiaux pour s’ouvrir à l’universalité de l’Eglise. Un galop d’essai avant Jérusalem, Église particulière et universelle.»
À 40 ans, Marie-Armelle doit choisir entre la carrière ou la passion. Ce sera la passion et le retour à Jérusalem.  » J’ai découvert le magazine « Terre Sainte » lors d’un de mes nombreux passages à Jérusalem. J’ai proposé aux Franciscains, propriétaires du titre, de mettre mes compétences à leur service. »
« Animer ce magazine consiste à aimer la Terre Sainte pour la faire aimer. C’est un peu plus difficile à dire qu’à faire. Car pour aimer la Terre Sainte, il faut renoncer à la comprendre, à l’embrasser, à croire que l’on peut la réduire à l’image qu’on s’en fait. Il faut se laisser désarçonner  en permanence et finir par aimer cela. » « Jérusalem a ceci de commun avec la musique, c’est que c’est l’agencement de notes différentes et parfois discordantes qui font sa beauté. »

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Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes,  évoquant Dieu que vous avez entendues  et appréciées?
Marie-Armelle Beaulieu: Victimae paschali laudes, la séquence de Pâque que j’écoute ou chante régulièrement. Un chant en latin de toute beauté dont les paroles sont magnifiques. Marie-Madeleine qui dit toute sa foi, tout son amour pour le Christ.
Sinon en voiture j’écoute des chants de Taizé, Bless the Lord my soul, ou Jésus, le Christ, Lumière intérieure, ne laisse pas les ténèbres me parler. Jésus, le Christ, Lumière intérieure  donne-moi d’accueillir ton amour.  Un chant nécessaire en vivant à Jérusalem pour surpasser les tentations locales et ne pas leur permettre de nous troubler « plus que ça ».
Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Il l’a créée et Dieu aime toute sa création.
Au paradis quelles musiques y entend-on ?
La voix de Dieu qui nous chante son amour.
Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent  à la prière ?
On peut faire de toute musique une prière ou presque (avec le Hard Rock je n’y arrive toutefois pas). Bien sur, il y a la somme de ces chants religieux de tous les âges. La musique et les textes de sainte Hildegarde de Bingen sont saisissants.
Mais je prie aussi bien en écoutant du U2 et cette affirmation que je détourne pour Dieu « I can’t live with or without you » « Je ne peux vivre ni avec ni sans toi. » La prière se joue de tous les modes…musicaux et plus. C’est sainte Elisabeth de la Trinité qui priait au bal… on peut prier en boite de nuit aussi. Le Seigneur est toujours avec nous et lui nous invite à le reconnaître partout.
En fait on peut « tomber en prière » sur tant de musiques et chants.
Que chantent les anges  musiciens ?
Je t’aime Seigneur ma force, mon roc, ma citadelle.
Ou peut-être chantent-ils en langue ?
Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
L’alléluia de la Toussaint dans l’antiphonaire grégorien.
Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Une chanson d’amour assurément. Mais je pense que lorsque je le verrai je resterai sans voix. « Que dites-vous à Dieu dans vos prières » demanda-t-on à la Petite Thérèse. « Je ne lui dis rien, je l’aime ».
Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons  à emporter sur une île déserte?
Victimae paschali laudes en fait l’intégrale du grégorien
Mozart Requiem
Fauré, Pavane
Miserere d’Allegri
Voici le corps et le sang du Seigneur… pour la communion de désir sur l’île déserte ! (Communauté de l’Emmanuel)
Un Alléluia qui swing ou celui de Jeff Buckley dont je changerai les paroles sans l’ombre d’un doute
U2 Best Of,
Les Beatles l’intégrale
Brahms, symphonie N 3
Haendel, le Messie
J’en ai choisi 11… Ils ont le wifi sur cette île déserte et pour tout le reste ? Ca manque de baroque… Et Bach, il me manque tout Bach orgue et les suites pour violoncelles sont des indispensables et l’art de la fugue… saperlipopette. Ce n’est pas raisonnable d aller sur une ile déserte !
Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Une nouvelle fois U2, « I can’t live with or without you ».
Pour moi You c’est le Seigneur, et ce seul refrain c’est toute la tension de la vie spirituelle. C’est le perpétuel combat de Jacob dont on ressort boiteux, béni et comblé. M’est avis que Jacob est reparti en chantonnant !
Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Le silence
Tout le grégorien
Mozart
Debussy
Brahms
U2
Gershwin
Samson François, le pianiste pour Chopin
Ravel… et chanter L’enfant et les sortilèges à tue tête sur l’île déserte. « J’ai pas envie de faire ma page, j’ai envie d’aller me promener, j’ai envie de manger tous les gâteaux,  j’ai envie de tirer la queue du chat et de couper celle de l’écureuil »… « Keng ça fout majong »…
Et il faut du jazz et du Nina Simone. Je ne vais quand même pas tout lister ? Plus j’en mets plus d’autres me manquent. Si je ne chante pas les Lieder de Goethe je suis perdue… Et les chants des moines de  Keur Moussa… et la musique arabe et arabo-andalouse, et la voix de Souad Massi et Oum Khalthoum et le chant de la Bible en hébreu… mon esprit tourbillonne, mille refrains me reviennent et me manquent déjà.
La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Un duo de Zazie et Axel Bauer qui a quelques années et que j’ai re-écouté ces jours-ci.
Cette chanson me fait pleurer.
Je mets le lien où vous pourrez lire les paroles et entendre la musique
http://www.paroles-musique.com/paroles-Zazie-A_Ma_Place_avec_Axel_Bauer-lyrics,p6297
Une nouvelle fois je détourne les paroles. Le seul capable de nous aimer comme ça, « comme nous sommes », c’est bien le Seigneur. Et aimer Dieu… c’est pas d’une simplicité sans égale non plus… C’est déchirant et comblant et… Mais.. waou… c’est… « Quand il me prend dans ses bras, je vois la vie en rose… » Cf, Claire Bretécher La vie passionnée de Thèrèse d’Avila. (Certaines planches toutefois pourraient ne pas passer la censure vaticane. Reste que Bretécher a compris l’essence de la vie spirituelle comme le traduisent certaines autres planches).
Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Tout bien réfléchi, Dieu n’est pas seulement le créateur de la musique, Dieu est musique, il est LA musique dont toutes les autres musiques ne font que s’approcher. De même qu’il est LE verbe et que tous nos mots, toutes nos paroles ne peuvent le traduire tout entier.
Pour la musique, comme pour nos chants et chansons, pour pâles que soient les imitations, il y a quelques belles réussites, aussi quand nous le rencontrerons face à face alors nous découvrirons ce que musique veut dire. Mais je ne pense pas qu’on puisse réduire Dieu à une seule musique. Mais Dieu est aussi Silence et dans ce rôle, il fait très fort aussi et c’est splendide.
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Le site: www.terresainte.net

6 réponses à “Marie-Armelle BEAULIEU, « Mille refrains me reviennent et me manquent déjà »”

  1. Avatar de saint michel et rosita
    saint michel et rosita

    En regardant le reportage surFr3, c’est avec surprise que nous avons retrouvé M.Armelle. En effet nous avions fait ensemble ce fameux pèlerinage en Terre Sainte en 1986 et cela nous a fait plaisir de savoir ce qu’elle est devenue. Merci de lui faire suivre ce message, si elle veut nous contacter cela nous plairait bien. Merci

  2. Avatar de pascal guillot
    pascal guillot

    Oui, ça fait plaisir de vous relire
     » l’essentiel du grégorien  » le repère identitaire du catholicisme en occident ou du moins ce qu’il en reste après le populisme sucré destructeur dont on nous abruti.
    le goût de l’effort = la grâce de la musique

  3. Avatar de AM S
    AM S

    Je viens de découvrir ce blog !Ah ça fait du bien .Après toutes ces polémiques !
    Je suis ravie de lire que Le Messie de Haendel fait partie des morceaux préférés,il a baigné toute mon enfance.?mon père allait à la cathédrale à chaque fois qu’il avait des chances de l écouter sous la baguette de l’abbé Hoch.Je reviendrai AMS

  4. Avatar de Pierre Micoud
    Pierre Micoud

    J’aurais aimer entendre Marie Armelle nous parler d’Israel.

  5. Avatar de Carl+Larmonier,
    Carl+Larmonier,

    Moi je voulais rajouter comme suggestion personnelle le de profundis d’Arvo Pärt.
    Sinon, dernièrement, il était question de Sylvie Germain …
    Je suis en train de lire Les échos du silence, quelque part les propres échos spirituels de Sylvie Germain, et des fois, souvent même,je trouve qu’ il n’y a plus belle musique que ce silence et ses échos.
    Carl+Larmonier

  6. Avatar de Carl+Larmonier
    Carl+Larmonier

    Quand Marie-Armelle Beaulieu dit que l’on peut prier quel que soit l’endroit, je suis entièrement d’accord, j’aime bien cette phrase.
    Pou ma part j’ai seulement un assez gros problème avec la musique techno.Musique, qui, écoutée à haut volume ( dans une salle de concert ) peut faire accélérer les pulsations cardiaques au même niveau ( sans qu’on s’en rende compte ) que le rythme de la musique ( donc rythme assez rapide en passant ).
    Enfin, je n’ai fait que le lire ça dans un article scientifique, je ne suis jamais aller dans un concert techno, je fuis cette musique des que j’entends son poum poum poum, personnellement. J’ai l’impression que c’est une attaque de robots d’une planète encore inconnue. Quelque peu troublant pour l’apaisement de l’esprit.
    Carl Larmonier

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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