Le chant libre d’Amina Alaoui sur un poème mystique de Thérèse d’Avila

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 A 47 ans Amina Alaoui  s’est imposée par sa passion pour les musiques des pourtours   de la Méditerranée, d’hier à aujourd’hui.  Chanteuse, compositrice, poète, érudit, elle a grandi  dans la tradition marocaine Gharnati, forme de musique arabo-andalouse venue de Grenade  pour revivre au Maghreb après la Reconquista menée par les Rois Catholiques qui s’imposent en 1492.
Née à Fez, installée à Paris, Amina Alaoui a notamment exploré le chant médiéval , la tradition vocale persane et le répertoire classique. Son travail a été honoré par divers prix. Elle  a été lauréate  en 2000 de la bourse de recherche de la Villa Médicis « hors les murs ». D’abord enregistrée sous le label Auvidis puis Naïve, Amina Alaoui (1) a poursuivi sa carrière chez  ECM « école » renommée dirigée par Manfred Eicher . L’artiste  a assuré les parties vocales de l’album « Siwan » de Jon Balke paru en 2008.  Elle a également composé et chanté pour le cinéma.
En 2011, voici « Arco Iris » (Arc-en-ciel). Cet album singulier (un CD ECM/Universal)  explore une fois encore le creuset commun des musiques de la Méditerranée. Du flamenco au fado et à la musique arabo-andalouse dont Amina Alaoui scrute les connexions. « La musique tend ici à transcrire une Péninsule ibérique portée vers le dialogue aux capacités du possible » explique l’artiste.  Pour livrer quelques une des clés de son projet, elle cite le poète Mahmoud Darwish ( Comme des fleurs d’amandiers ou plus loin, Ed.Actes Sud) « L’identité est fille de la naissance. mais en fin de compte, elle est l’oeuvre de celui qui la porte, non le legs d’un passé. Je suis multiple en moi…L’identité est plurielle. Elle n’est donc ni citadelle, ni tranchées ». 
Enregistré en avril 2010 à Lugano, « Arco Iris »  réunit des musiciens venus de divers horizons. Du violoniste tunisien Saïfalla Ben Abderrazak au guitariste originaire de Barcelone José Luis Monton à son propre fils , le benjamin de l’ensemble, Idriss Agnel. Deux des douze titres de cet album paru ce mois ont été composés sur le poème mystique (voir ci-dessous) de Thérèse d’Avila (1515-1582), « Dieu seul suffit » (Buscate en mi). Violon et oud introduisent à un moment précieux où la voix se fait prière.   Amina Alaoui s’inscrit dans une longue tradition d’artistes qui ont été touchés par les chansons des Carmélites et de leurs frères Carmes. La tradition carmélite met en valeur le chant. En Espagne Thérèse d’Avila, la Madre réformatrice comme elle est souvent  nommée, aimait voir ses filles danser au son des tambourins rythmés par les castagnettes rappelle Mgr Gaucher. Cette tradition s’est perpétuée jusqu’à nos jours.  Comme le rappelait  le religieux carme français Pierre Eliane dans son anthologie parue en 2002 (Presses de la Renaissance)   Chanteur rock avant de choisir à 33 ans la vie religieuse, Pierre Eliane a adapté ces textes dans un album « Teresa de Jesus » (Comme ci, comme çà Productions). « Mystique et chanson se conjuguent bien car toutes deux sont d’accord pour chanter l’amour » déclarait-il récemment dans un article de La Croix.
De son côté  Amina Alaoui  conclut son exploration nomade par le morceau qui donne son titre à l’album « Arco Iris » (L’arc en ciel)., sur une musique de Teofilo Chantre, Elle le présente comme un chant de louange : « Le soleil et la pluie se confondent(…), pour enjamber le firmament » , tandis que « Les sons de lumière et de couleur, s’unissent dans l’harmonie ». artiste résolument d’aujourd’hui, elle place le dialogue des cultures au cœur de ses rêves. Un chant libre et une voix inspirée, à emporter cet été.( CD ECM/Universal).
 Dieu seul suffit
 Que rien ne te trouble
Que rien ne t’effraie
Tout passe
Dieu ne change pas
Par la patience
Tout s’obtient
Qui a Dieu
Ne manque de rien
Dieu seul suffit
 Traduction Pierre Eliane.
Chansons du Carmel, Presses de la Renaissance
A écouter: http://amina_alaoui.mondomix.com/fr/artiste.htm
http://amina_alaoui.mondomix.com/fr/video1907.htm
En écoute encore: http://www.musicme.com/Amina-Alaoui/
(1) Albums disponibles: L’art de la musique Ghanati (Music Saphrane); Music arabo-andalouse du Maroc en concert (Ethnic/Naïve)

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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