Chansons pour notre tempsAu gré des écoutes, j’ai retrouvé les traces d’une mémoire engagée et les cris contre l’injustice d’un cœur tendre. Le fils de Républicains espagnols, passés en France à la fin de la guerre civile, avait trouvé les mots pour évoquer les tragédies du « siècle des réfugiés ». Cette chanson aux accents crus est au diapason des exils forcés des migrants d’hier et d’aujourd’hui : « Ils sont toujours les bras ballants. D’un pied sur l’autre mal à l’aise. Le cul posé entre deux chaises. Tout étonné d’être vivant ».
Sur un autre registre, il avait su aussi décrire en mots simples et justes les gens heureux. Ou encore demander des réponses à Dieu le grand silencieux, évoquant par ailleurs dans La grande Farce, sans poser d’acte de foi, la passion du Christ, celui qui avait chassé les marchands du temple. Une chanson culte pour certains. Leny Escudero, un artiste à contre-courant. Comme à l’époque de ses débuts en pleine vague yéyé-yéyé, en 1962.
La vie comme elle est
Les événements qu’il a vécus et les sentiments qui vont avec, Leny Escudero n’a cessé d’en tirer le suc de son inspiration. Il avouait qu’il avait tiré davantage d’enseignements de son travail dans le bâtiment que dans le seul métier de chanteur. Ses chansons sont autant de chroniques inscrites dans la réalité. En bon artisan, il aimait transformer la matière.
Il a écrit pour chaque âge de la vie et chacun des membres de sa famille : L’arbre de vie en hommage à ses parents, Merci tout petit pour la naissance de son premier fils et P’tit bout pour l’une de ses filles.
Cheveux plus longs au fil des ans, visage ascétique, il parlait doux dans les entretiens en tête à tête comme il enregistrait sur disque des couplets rebelles sur le monde tel qu’il va, mal. « Vivre pour des idées » lançait-il, parlant d’amour.
Succès éclair et grande discrétion
Sa carrière a été atypique. Un démarrage foudroyant, suivi d’une interruption de cinq ans durant lesquels l’enfant de la communale a bourlingué dans le monde pour construire des écoles, notamment au Bénin. En reconnaissance de ce qu’il avait reçu. Au retour, tout le monde ou presque l’avait oublié. Il sortira alors ses plus beaux disques et apparaîtra dans quelques films et téléfilms à l’occasion, tout en continuant à se produire sur scène devant des publics fervents.
Dans la vie, il était discret. C’est au terme d’une longue recherche que j’avais réussi à avoir de ses nouvelles en 2009, alors qu’il participait aux tournées « Âge tendre et têtes de Bois », une fête pour vétérans du show-biz. Il avait choisi de vivre dans la région qui a inspiré les peintres impressionnistes, à Giverny. Il expliquait aimer les saisons calmes, comme les jours où les badauds venaient se ressourcer dans ces paysages. Il s’était étonné que l’on s’enquiert de son sort. L’ancien artisan carreleur, faïencier et mosaïste, ne cherchait pas les expositions inutiles. On l’avait vu épisodiquement à la télévision, dans l’émission de Michel Drucker.
Leny Escudero, grand amateur de littérature, venait de publier cet été le second tome de ses mémoires, Le début… La suite… La fin (1). Et un message pour demain, comme le chantait son « cancre » dans une chanson bouleversante : « Demain, çà s’ra vachement chouette, demain ! ». L’espoir est à ce prix.
ROBERT MIGLIORINI
Le début… La suite… La fin est disponible à l’adresse suivante : Céleste Escudero, BP 30, 27620 Gasny (25,70 € + 4,30 € de frais de port).
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