Kidi Bebey, « J’ai tant de choses à te dire… »

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Francis Bebey  a été un lien entre l’Afrique, l’Europe et au-delà. Il avait donné des concerts dans près de 75 pays dans le monde. Journaliste, écrivain , chanteur, réalisateur, compositeur de musiques de films, facétieux et si profond à la fois, il disparaissait il y a dix ans, à 72 ans. Les hommages se succèdent aujourd’hui, consacrés à cette œuvre plurielle. Un coffret vient de lui être consacré ( Francis Bebey, la belle époque (Celluloïd/coédition RFI), avec un livret signé Kidi Bebey et Olivier Rogez.
 Fils de pasteur baptiste, Francis Bebey, né en 1929 au Cameroun, avait fait ses premières gammes à l’harmonium en accompagnant des cantiques de Bach.  Sa discographie affiche un Stabat Mater en latin et langue douala resté dans les mémoires. En 1993, il avait sorti un  album  sous le titre  Lambaréné-Schweitzer.  Par le jeu d’instruments divers – sanza, flûte Pygmée, guitare, percussions, voix humaine – il a offert une musique ancrée dans une tradition vivante et ambassadrice des valeurs universelles.
L’une de ses filles, l’écrivain et journaliste Kidi Bebey répond à notre questionnaire. Après des études de lettres et dans le domaine de l’édition Kidi Bebey a été notamment productrice et animatrice radio (France Culture et RFI), après avoir été  rédactrice en chef de Planète Jeunes et Planète Enfants (Groupe Bayard). « Mes racines musicales : tout ! » lance-t-elle.  » C’est en écoutant des musiques du monde entier (et pas seulement des musiques dites « du monde ») et de tous les styles que j’ai compris que notre planète était immense, mais que, partout, la musique était une manière d’être humain, c’est-à-dire d’aimer, de (res)entir  et de partager. »
Quelles sont les chansons, anciennes ou récentes,  évoquant Dieu que vous avez entendues  et appréciées?
Kidi Bebey: j’apprécie les Stabat Mater… en particulier ceux de Pergolese et de Vivaldi. Il y a aussi celui de mon père qui était musicien et qui a composé un Stabat Mater en latin et… douala (du Cameroun).

Selon vous, Dieu aime-t-il les chansons ?
Bien sûr. Il a forcément le goût des belles choses qui font du bien.
.- Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Il n ‘y a sans doute pas de normes et personne ne peut y dire « grande musique » par exemple. Donc on entend de tout et cela reflète la diversité du monde « d’en bas ».
– Que chantent les anges  musiciens ?
Peut-être bien des chants polyphoniques et polyrythmiques à la manière des Pygmées d’Afrique centrale. De grands musiciens.
–  Si la prière était une chanson laquelle choisiriez-vous ?
Je mettrais en musique un poème de Emily Dickinson sur l’espoir :
« Hope is the thing with feathers
that perches in our souls
and sings the tune without the words
and nevers stops at all »
(L’espoir est cette chose avec des plumes qui se perche sur nos âmes, qui chante un air sans paroles (et)qui ne s’interrompt jamais).
– Qu’aimeriez vous chanter à Dieu en le rencontrant ?
« Na poï ndé djènè oa na bèn ekwadi… Essok’am » (Je suis venu te voir car j’ai une chose à te dire…  Tu es mon secret »). C’est un extrait d’une chanson de mon père que j’aime beaucoup. Le secret, dans l’histoire, c’est l’amour… que l’on peut aussi comprendre comme spiritualité, philosophie, empathie, amitié, affection… Le sens du mot secret est multiple dans cette chanson.
Quelles sont dans votre discothèque personnelle les chansons qui sont vos préférées. Les dix chansons à emporter sur une île déserte?
Je suis en fait très sensible à la musique instrumentale. J’emporterais sans doute le Köln Konzert de Keith Jarrett qui me donne toujours le sentiment de raconter les couleurs des saisons et la météo du monde : la pluie, le vent, le ciel après une averse, la force régénérante du soleil… J’emporterais aussi du Bach car j’aime le côté mathématique et rassurant de cette musique. Il m’arrive de chanter du Bach comme on chante des chansons. Je prendrais « Shakara » du Nigerian Fela Anikulapo Kuti. Un peu de Souchon (« Je chante un baiser »)… Henri Salvador… Kate Bush… Tout cela, c’est moi. Et bien d’autres choses encore. Dur, dur de choisir !
La dernière fois où vous avez été émue en écoutant une chanson, laquelle était-ce ?
Caetano Veloso, entendu une nuit à la radio. D’une voix très émouvante, il chantait le refrain: « All the lonely people, where do they all bélong ? » (Eleanor Rigby, des Beatles). C’était vraiment comme une étreinte. A pleurer.
Si Dieu était une chanson laquelle serait-ce ?
Peut-être une chanson de Pierre Perret ? « Lily » par exemple. Une chanson engagée pour dire les « vraies choses » comme on dit en Afrique. Ou bien une chanson d’amour. Mais de la part de Dieu, c’est trop attendu : à mon avis, il préfère le second degré en toute choses !
Voir une notule récente sur le site de RFI musique: http://www.rfimusique.com/actu-musique/francis-bebey-aine-africains
L’équipe de l’émission « L’Afrique enchantée » a rendu hommage à Francis Bebey en mai: http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/afriqueenchantee/index.php?id=104708

Le site: http://www.bebey.com/news/

Le blog de Kidi Bebey: http://xtrafrica.blogspot.com/
Francis Bebey au festival Les Suds en Arles, en 2000: http://francis_bebey.mondomix.com/fr/video5201.htm

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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