Fils de pasteur baptiste, Francis Bebey, né en 1929 au Cameroun, avait fait ses premières gammes à l’harmonium en accompagnant des cantiques de Bach. Sa discographie affiche un Stabat Mater en latin et langue douala resté dans les mémoires. En 1993, il avait sorti un album sous le titre Lambaréné-Schweitzer. Par le jeu d’instruments divers – sanza, flûte Pygmée, guitare, percussions, voix humaine – il a offert une musique ancrée dans une tradition vivante et ambassadrice des valeurs universelles.
L’une de ses filles, l’écrivain et journaliste Kidi Bebey répond à notre questionnaire. Après des études de lettres et dans le domaine de l’édition Kidi Bebey a été notamment productrice et animatrice radio (France Culture et RFI), après avoir été rédactrice en chef de Planète Jeunes et Planète Enfants (Groupe Bayard). « Mes racines musicales : tout ! » lance-t-elle. » C’est en écoutant des musiques du monde entier (et pas seulement des musiques dites « du monde ») et de tous les styles que j’ai compris que notre planète était immense, mais que, partout, la musique était une manière d’être humain, c’est-à-dire d’aimer, de (res)entir et de partager. »
Kidi Bebey: j’apprécie les Stabat Mater… en particulier ceux de Pergolese et de Vivaldi. Il y a aussi celui de mon père qui était musicien et qui a composé un Stabat Mater en latin et… douala (du Cameroun).
– Selon vous, Dieu aime-t-il les chansons ?
Bien sûr. Il a forcément le goût des belles choses qui font du bien.
.- Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Il n ‘y a sans doute pas de normes et personne ne peut y dire « grande musique » par exemple. Donc on entend de tout et cela reflète la diversité du monde « d’en bas ».
– Que chantent les anges musiciens ?
Peut-être bien des chants polyphoniques et polyrythmiques à la manière des Pygmées d’Afrique centrale. De grands musiciens.
– Si la prière était une chanson laquelle choisiriez-vous ?
Je mettrais en musique un poème de Emily Dickinson sur l’espoir :
« Hope is the thing with feathers
that perches in our souls
and sings the tune without the words
and nevers stops at all »
(L’espoir est cette chose avec des plumes qui se perche sur nos âmes, qui chante un air sans paroles (et)qui ne s’interrompt jamais).
– Qu’aimeriez vous chanter à Dieu en le rencontrant ?
« Na poï ndé djènè oa na bèn ekwadi… Essok’am » (Je suis venu te voir car j’ai une chose à te dire… Tu es mon secret »). C’est un extrait d’une chanson de mon père que j’aime beaucoup. Le secret, dans l’histoire, c’est l’amour… que l’on peut aussi comprendre comme spiritualité, philosophie, empathie, amitié, affection… Le sens du mot secret est multiple dans cette chanson.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les chansons qui sont vos préférées. Les dix chansons à emporter sur une île déserte?
Je suis en fait très sensible à la musique instrumentale. J’emporterais sans doute le Köln Konzert de Keith Jarrett qui me donne toujours le sentiment de raconter les couleurs des saisons et la météo du monde : la pluie, le vent, le ciel après une averse, la force régénérante du soleil… J’emporterais aussi du Bach car j’aime le côté mathématique et rassurant de cette musique. Il m’arrive de chanter du Bach comme on chante des chansons. Je prendrais « Shakara » du Nigerian Fela Anikulapo Kuti. Un peu de Souchon (« Je chante un baiser »)… Henri Salvador… Kate Bush… Tout cela, c’est moi. Et bien d’autres choses encore. Dur, dur de choisir !
– La dernière fois où vous avez été émue en écoutant une chanson, laquelle était-ce ?
Caetano Veloso, entendu une nuit à la radio. D’une voix très émouvante, il chantait le refrain: « All the lonely people, where do they all bélong ? » (Eleanor Rigby, des Beatles). C’était vraiment comme une étreinte. A pleurer.
– Si Dieu était une chanson laquelle serait-ce ?
Peut-être une chanson de Pierre Perret ? « Lily » par exemple. Une chanson engagée pour dire les « vraies choses » comme on dit en Afrique. Ou bien une chanson d’amour. Mais de la part de Dieu, c’est trop attendu : à mon avis, il préfère le second degré en toute choses !
Voir une notule récente sur le site de RFI musique: http://www.rfimusique.com/actu-musique/francis-bebey-aine-africains
L’équipe de l’émission « L’Afrique enchantée » a rendu hommage à Francis Bebey en mai: http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/afriqueenchantee/index.php?id=104708
Le site: http://www.bebey.com/news/
Francis Bebey au festival Les Suds en Arles, en 2000: http://francis_bebey.mondomix.com/fr/video5201.htm
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