Jean-Louis de la VAISSIERE. Journaliste, romancier, essayiste.
Jean-Louis de la Vaissière est journaliste à L’Agence France Presse depuis 1977, où il a occupé divers postes, en France et plus de la moitié de sa carrière à l’étranger (Iran, Allemagne, Suisse, Italie).Envoyé spécial à Téhéran en 1981, il a ensuite été nommé à Bonn en 1985. Adjoint au directeur du bureau de Rome en 1991, il a rejoint Genève en 1999 puis a été nommé adjoint au directeur du bureau de Berlin en 2003. Depuis 2011, il est correspondant de l’AFP au Vatican.
Il est l’auteur de plusieurs livres, dont « Qui sont les Allemands? » (Max Milo, 2011) « De Benoît à François, une révolution tranquille » (Le Passeur, octobre 2013).Il vient de publier « Le pape François, un combat pour la joie » (Le Passeur, 208p., 18,50 €).
A l’âge de la soixantaine, Jean-Louis de la Vaissière a reçu en 2015 le prix des lecteurs du mensuel Notre Temps pour son premier roman « Trois frères et l’éternité » (Le Passeur).
Amateur de poésie et de littérature, romancier, essayiste, le vaticaniste partage ses coups de coeur musicaux.
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– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
– Jean-Louis de la VAISSIERE: Le choix est trop vaste! Je choisis alors de m’attarder sur les hymnes et cantiques, privilégiant donc la parole. Ceux que j’ai sélectionnés, qu’ils soient louanges ou suppliques, sont l’oeuvre de croyants alliant le sens du mystère d’un Dieu dépendant de notre liberté, avec la poésie et une grande harmonie musicale. Soit ils contemplent la Joie, soit ils demandent à la voir. A contrario, Dieu doit se boucher les oreilles quand tant de cantiques sont laids, débiles, pauvres, et ne sont ni louanges ni suppliques.
L’hymne « Voici la nuit, l’immense nuit des origines« , que l’on entend de la bouche des moines de Tibhérine dans le film « Des hommes et des dieux », est non seulement magnifique, mais il décrit toute l’histoire du salut, en cinq couplets où chaque mot fait sens. J’aime qu’il axe son fil conducteur sur la nuit, la nuit, notre nuit d’où émerge la lumière.
Puis, il y a ce chant, très connu, « Je cherche ton visage« , avec ces mots scandés, très forts: « vous êtes le corps du christ, vous êtes le sang du christ, qu’avez-vous fait de lui? »
Le cantique « Lumière pour l’homme aujourd’hui » contient des suppliques comme « atteins jusqu’à l’aveugle en moi ». Il y est racontée l’histoire du Salut, comme dans « voici la nuit ».
Enfin, je citerais le cantique de Jean-Claude Gianadda, « Tiens ma lampe allumée« , avec sont évoqués les essentiels, « ton pain, ton eau, ton huile ». Un cantique qui s’adapte bien aux liturgies pour les enfants.
– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique?
Oui, Dieu aime la musique, certainement! Toutes sortes de musique peuvent le toucher! Ça peut paraître étonnant mais je pense à « Papa où t’es », du chanteur belge Stromae, qui dit la souffrance de l’absence de père. Cela va de cette chanson rap pas très belle jusqu’à une cantate de Bach. Cela ne veut pas dire que Dieu trouve toutes ces musiques d’égale valeur. La condition est que la musique dise quelque chose de vrai et de bon sur l’homme, que ce soit sur ses joies, son idéal de perfection et ses souffrances. Je pense aussi que Dieu aime le silence, et la musique du silence. La musique aussi du vent, des changements de temps, le bruit des feuilles, le ressac de la mer, la trille d’un oiseau à la fin de l’hiver.
– Au paradis, quelles musiques y entend-on?
Des hymnes à la louange de Dieu, comme le Cantique des créatures de François d’Assise! Peut-être une sélection de ces partitions dont on se dit en les écoutant: c’est divin. Ces musiques fortes et pacifiques à la fois, car Dieu est paix.
–Quelles sont les musiques qui, selon vous , invitent à la prière?
L’orgue dans une grande cathédrale gothique, une flute dans la montagne, un violoncelle qui joue seul; les voix surtout, les choeurs d’enfants, des voix de ténor ou de soprano. Le Requiem de Mozart, la Passion selon Saint-Mathieu. Il faut avoir écouté la Matthäus-Passion de Bach dans une église protestante berlinoise un soir d’hiver glacé pour comprendre le recueillement magique qu’elle suscite.
Je pense aussi à la beauté parfaite des Quatre Saisons de Vivaldi, particulièrement L’Hiver, avec son rythme qui rend la sensation de l’emprise du gel sur la terre. Même si ces saisons sont resservies dans des pubs, elles n’ont rien perdu de leur éclat.
– Que chantent les anges musiciens?
On imagine un choeur céleste très éthéré, très cristallin, très pur. Un peu désincarné! Mais peut-être les anges musiciens sont-ils nos interprètes et chantent-ils à Dieu nos soucis quotidiens, ayant écouté les confidences de nos anges gardiens?
– Si la prière était une chanson, laquelle choisiriez-vous?
Je choisirais l’oeuvre d’un anticlérical qui dit à Dieu les réalités fondamentales sur l’injustice et la souffrance, c’est la magnifique
Prière à Marie de
Georges Brassens.
Ma strophe préférée:
Par les quatre horizons qui crucifient le monde
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains
Par le malade que l’on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins
Je vous salue, Marie.
La chanson s’achève sur un couplet d’espérance.
– Qu’aimeriez-vous « chanter » à Dieu en le rencontrant?
J’aimerais mettre en chanson un très beau poème d’un poète français oublié, René-Guy Cadou, Nocturne, qui commence ainsi:
Maintenant que les seuls trains qui partent n’assurent plus la correspondance
Pour toutes ces petites gares ombragées sur le réseau de la souffrance
Oh ! je crois bien que ce sera à genoux
Mon Dieu ! que je me rapprocherai de Vous !
Pour Lui dire, même s’Il le sait, l’amour et le désespoir des hommes qui ne voient plus la joie dans leur horizon!
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les douze chansons à emporter sur une île déserte.–
-La belle est au jardin d’amour (vieille chanson française, chantée par Nana Mouskouri) (pour l’intensité pure du sentiment amoureux, à l’ancienne)
— Il nous faut regarder…(Jacques Brel) (pour la joie dans l’expression des joies les plus simples)
— Notre sentier près du ruisseau (Felix Leclerc) (pour l’expression nostalgique du passage des saisons et de l’amour)
–O Marie, si tu savais (J. Halliday) (pour le vécu de la guerre par un simple soldat en Bosnie)
— Le petit cheval dans le mauvais temps (Georges Brassens) (pour la joie obstinée dans le mauvais temps)— Ecoutez la chanson bien douce (Verlaine, chanté par Léo Ferré) (pour son expression délicate; expression de la délicatesse du sentiment)
— San Francisco (Maxime Le Forestier) (pour l’évocation de la bohème des années 68)
— Honesty (Billy Joël) (pour l’hymne à l’honnêteté dans le sentiment amoureux)
— Männer sind verletzlich (Herbert Grönemeyer) (pour la description de la gente masculine, fragile, dans sa diversité)
— Maintenant que la Jeunesse (Aragon, chanté par Monique Morelli) (pour la nostalgie de la belle jeunesse)
— Caruso (Lucio Dalla) (pour une histoire d’amour et d’immigration)
— Dans mon HLM (Renaud) (pour la crudité d’un monde dur, celui des cites françaises)
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué?
J’ai joué de la flûte sur la place du marché et personne avec moi n’a voulu danser (père Aimé Duval)
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs et interprêtes qui comptent pour vous?
En vrac: Vivaldi, Mozart, Bach, Schubert, Debussy; Louis Amstrong, Ella Fitzgerald, la Callas, Bob Dylan, Leonard Cohen, John Baez, Felix Leclerc, Jacques Brel, Georges Brassens, Georges Moustaki, Jean Ferrat, Barbara, Renaud
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce?
Je regardais avec mes filles le film « Mamma mia », qui se passe sur une île grecque et je m’ennuyais ferme, le trouvant lourd, jusqu’à ce que Meryll Streep chante entre terre et ciel à son ancien amoureux The winner takes it all (en fait ce n’est pas la grande actrice qui chante). C’est une belle chanson d’amour où s’exprime toute la véhémence de la femme éconduite. Elle m’a touchée.
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-elle?
Indubitablement pour moi, la Passion selon Saint Matthieu (Bach), dans ses parties vocales les plus sublimes. La Passion, moment le plus tragique, est celui par lequel Jésus apporte la joie de la Résurrection. Dans cette pièce maîtresse, dans cette musique qui s’enroule, qui grimpe, je vois quelque chose de divin.
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À lire dans LA CROIX du 02/12/2015
Cure de « bergogliothérapie »
Par Sébastien Maillard (à Rome)
LE PAPE FRANÇOIS, UN COMBAT POUR LA JOIE
de Jean-Louis de La Vaissière
Le Passeur Éditeur, 203 p., 18,50 €
La « thérapie Bergoglio ». Plus qu’une métaphore, c’est l’action apaisante et bienfaisante du pape François sur le commun des fidèles – et moins fidèles – que ce livre analyse. Ni énième biographie, ni enquête dans les coulisses du pontificat, qui font les délices des vaticanistes, Jean-Louis de La Vaissière décortique pourquoi le verbe, le geste et l’attitude de ce pape font tout simplement du bien :
« La parole de Jorge Bergoglio rassure un monde désemparé. »
Avec un regard bienveillant et une plume agréable, le correspondant de l’AFP au Vatican observe ce pape qui
« comprend combien l’homme est faillible, fatigué et imparfait »,
« touche au cœur des problèmes quotidiens »,
« ne méconnaît pas les petites chutes de notre vie personnelle et affective ». Un pasteur qui, face à cela, rappelle la
« patience de Dieu » et
« professe une thérapie de réconciliation intérieure ». Le journaliste, au style parfois aussi personnel, aime comment
« ce pape porte en lui la poésie du rêveur » :
« François s’adresse au cœur des hommes, à sa dimension poétique et mystique, souvent cachée et oubliée d’eux-mêmes dans un monde agité. »
Évoquant comment le pape trouve les mots pour parler, sans sentimentalisme, des larmes ou du sourire de Dieu, l’auteur met en avant sa
« religion de tendresse ». Pas une religion nouvelle mais une dimension à la fois intime et essentielle du christianisme, qui était mise en évidence avec moins d’éclat auparavant alors qu’elle en donne une porte d’entrée des plus accueillantes. Celle qu’ouvre grand ce pontificat qui s’adresse en priorité
« aux incroyants, aux agnostiques, aux exclus en quête d’un sens ».
Jean-Louis de La Vaissière creuse dans la profondeur bergoglienne et en fait remonter des richesses inexplorées, sous-estimées. Son livre est à conseiller à ceux qui, en surface, n’apprécient qu’un pape au style sympathique ou sinon le jugent démagogue. Le vaticaniste se garde, comme dans son précédent ouvrage
De Benoît à François, une révolution tranquille (Le Passeur), d’opposer Bergoglio à son prédécesseur.
Sans nier le charisme singulier du pape argentin.
« François est le premier pape à avoir introduit dans le discours pontifical le quotidien, avec son vocabulaire, ses expressions les plus populaires », relève-t-il, appréciant sa
« pédagogie populaire pour enseigner l’Évangile ». Sa capacité à faire d’un moment de contact, même bref,
« une expérience fondamentale ». À sortir la pensée de l’Église
« du sentiment de supériorité qui l’anime » :
« Il est aimé parce qu’il peut se mettre à la hauteur des gens, mais aussi leur dire la vérité, fût-elle incommode, sur ce qui ne les satisfait pas dans leur for intérieur. »
Dire aussi au monde la vérité sur ses grands maux. L’auteur relève comment Bergoglio sait aussi, tel Jésus chassant les marchands du Temple, se mettre en colère et user du fouet contre les injustices sociales criantes de nos sociétés :
« Il affirme qu’être chrétien nécessite un positionnement clair face aux esclavages du monde. »
Une exigence de cohérence qui n’interdit pas la joie,
« clé de voûte de la bergogliothérapie ». Laquelle forme le cœur d’un livre, qui, Synode oblige, traite par ailleurs de la vision du pape François sur la famille et, au début, met en garde contre les
« attentes démesurées » que ce pontificat peut susciter. En centrant son propos sur les vertus thérapeutiques, Jean-Louis de La Vaissière ajuste ces attentes à ce qui fait l’originalité bienvenue de Jorge Bergoglio.
Sébastien Maillard (à Rome)
– A lire dans LA CROIX du 17/01/2015
Entre Landes et océan, il y a du Mauriac dans ce premier roman « Trois frères et l’éternité » (d’un journaliste par ailleurs vaticaniste réputé, correspondant de l’AFP à Rome), pas seulement à cause des paysages, mais aussi de l’univers, des arcanes familiaux complexes, la tendresse en plus. Trois jeunes Bordelais, « libres, fragiles et forts », grandissent avec « le sens de l’absolu » que leur a légué leur mère tôt disparue. L’auteur le possède aussi: il prend tout au sérieux, ne survole rien, plonge, creuse et analyse, en suivant tout au long la vocation sacerdotale de l’un, l’homosexualité de l’autre, la rébellion politique et artistique du troisième. Sur fond de XXe siècle finissant, avec les ombres de la guerre d’Algérie, les interrogations soixante-huitardes, le terrorisme à l’allemande, le sida, la maladie mentale et la poésie omniprésente. La foi chrétienne, notamment, n’est pas traitée ici comme une donnée sociologique, mais comme une force ou une question irriguant tout le propos. Malgré une écriture un peu longuette, parfois caricaturale, ces trois figures et leurs trois générations sont assez bien campées pour que le lecteur qui n’a plus vingt ans depuis quelques décennies ait le sentiment de les avoir bien connus, eux ou leurs proches cousins.
– Sur le site de NOTRE TEMPS
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