Jean-Jacques Milteau au sujet de Dieu en chanson, « un tube certainement… »

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En 1970, le Parisien Jean-Jacques Milteau découvrait la route du blues, au diapason de toute une génération de musiciens hexagonaux saisis par l’appel du large. Il se rendit sur les terres du blues, aux États-Unis. Depuis, l’harmoniciste explore les racines de la musique noire et invite à boire à ces sources, sans cesse revisitées. Passionné par ce qu’il appelle « le chaudron sudiste » où bouillonne toute une famille musicale, Jean-Jacques Milteau a commencé par faire ses gammes en jouant du « ruine babines », aux côtés de nombreux artistes de variétés (d’Eddy Mitchell à Nougaro) avant de se lancer en solo.
Cet automne, il présente un nouvel album sous le titre « Consideration » (Sony Music/Columbia) qui réunit dans GMRS,  avec lui, Manu Galvin (guitares), Ron Smyth et Michael Robinson (vocals) et des invités: Palata Singers, Carmen Maria Vega, Emel Mathlouthi. Ron Smyth a fait ses classes de musique en accompagnant sa mère, protestante évangélique. Michael Robinson, de son côté, a appris à chanter, dès l’âge de 5 ans, auprès de son père pasteur. 
J.J.Milteau, harmoniciste,  explique son projet: « La musique noire a été la plus grande claque culturelle des cent dernières années: non seulement  une nouvelle lecture des timbres, des rythmes et des harmonies mais plus largement une nouvelle manière de considérer l’expression et la relation à l’autre. Toute relation constructive est fondée sur la considération. Ce que réclamaient en d’autres termes Otis (Redding) et surtout Aretha (Franklin): R.E.S.P.E.C.T…C’est généralement ce qui manque le plus dans une société qui ne va pas bien ».
J.J.Milteau anime depuis 2000 sur la radio TSF une émission hebdomadaire « Bon temps rouler », consacrée au blues et à la soul (diffusée sur Jazz Radio) et a publié de nombreux ouvrages et albums. Il a notamment adapté la méthode « L’harmonica pour les nuls » (éditions First). Par ailleurs, il a présenté les récentes Victoires du Jazz 2011. Il répond à nos questions. Avec l’humour qui le caractérise.
Quelles sont les chansons, anciennes ou récentes,  évoquant Dieu que vous avez entendues  et appréciées?
Jean-Jacques MILTEAU: “Will the Circle Be Unbroken » en langue kikongo sur l’album « Considération » qui vient de paraître.  Un titre de A.P. Carter (The Carter Family, fameux groupe des années 1926 à 1943) , adapté par Marcel Boungou des Palata Singers.
Selon vous, Dieu aime-t-il les chansons ?
Je doute qu’il ait le temps d’écouter de la musique
Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Des chants d’oiseaux de bonne augure
Que chantent les anges  musiciens ?
Des chansons de corps (d’esprit ?) de garde ?
Si la prière était une chanson laquelle choisiriez-vous ?
« La prière » de Georges Brassens
Qu’aimeriez vous chanter à Dieu en le rencontrant ?
Je pense que je resterais sans voix
Quelles sont dans votre discothèque personnelle les chansons qui sont vos préférées. Les dix chansons à emporter sur une île déserte?
à la louche et dans le désordre :
« Regarde bien petit » J. Brel
« Ma môme » J. Ferrat
« La légende de la nonne » G. Brassens (& Victor Hugo)
« Trust my Baby » Sonny Boy Williamson
« As the Years Go Passing By » Albert King
« Blind Willie McTell » Bob Dylan
« On The Evening Train » de Johnny Cash
« Come A Long Way (acoustic demo) » Michelle Shocked
« The Harder They Come » Jimmy Cliff
« Up To The Mountain » Solomon Burke
… mais j’emmenerais plutôt un harmonica Marine Band en G (sol)
Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
« People Get Ready » Curtis Mayfield
 Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Bach, Dylan, Brassens, Ferré, Souchon, King Curtis, Moses Allison, Percy Mayfield, Lightnin’ Hopkins, Sam Cooke, Tony Joe White, Campbell brothers …
La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une chanson, laquelle était-ce ?
« Done Got Old » par Buddy Guy
Si Dieu était une chanson laquelle serait-ce ?
Un tube, certainement …
J.J.Milteau et toute l’équipe de « Consideration », en concerts du lundi 19 au mercredi 21 décembre, 20 heures, au Café de la Danse (Paris). Tournée 2012 à venir.
Bande-annonce des Victoires du Jazz 2011: http://www.youtube.com/watch?v=7dtCBAcxBlc
http://www.francetv.fr/les-victoires-de-la-musique/jazz
Le site: http://www.jjmilteau.net/
Un portrait dans LA CROIX en 2005
«J’ai toujours eu envie de voir ce qu’il y a sur l’autre rive du fleuve »… Jean-Jacques Milteau , né il y a cinquante-cinq ans dans le quasi-village qu’était encore la Poterne des Peupliers, à Paris, aime sortir des sentiers battus. À l’image de sa génération, conquise par des sons venus d’autres continents. Il revient d’une première tournée au Japon où il a reçu un accueil chaleureux. «Contrairement aux idées reçues, les spectateurs sont là-bas très démonstratifs de leurs émotions et ils repartent les bras chargés de disques et d’harmonicas dédicacés», écrit-il quelques jours après.
Avec son groupe, il se prépare à rejoindre le Festiblues de Montréal, où il jouera avec un ensemble classique. Il s’agit d’un nouveau défi pour cet artiste connu comme joueur de blues mais également à l’aise dans les cercles du jazz et du folk. L’harmo (entendez l’harmonica, l’instrument qu’il a choisi dans les années 1960) a été son sésame pour explorer des terres et des émotions nouvelles. C’est là l’instrument type de la mondialisation : le premier dont la fabrication fut industrialisée, en Forêt-Noire. Il a conduit ce Parisien, fils d’un cuisinier et d’une couturière, des rives de la Seine (à ses débuts) jusqu’aux racines du blues dans le sud des États-Unis ; en passant par les terres froides du cercle polaire arctique et la muraille de Chine. L’harmonica a été le passeport d’un musicien moins obsédé par sa carrière que par le plaisir de jouer. «C’est le premier morceau que l’on joue sans se tromper qui importe. Après, il n’y a plus d’enjeu», aime-t-il répéter.
Le cheveu a blanchi mais l’enthousiasme est intact. Tout commence par un banal vol de guitare, pendant son sommeil, à Douvres, alors que le gamin de Paris est très jeune parti sur les routes. «Je venais de l’acheter et je commençais à gratouiller quelques accords», raconte Jean-Jacques Milteau qui pratique l’humour et la décontraction. «Heureusement que le voleur ne m’a pas fouillé, il aurait trouvé aussi un harmonica.» Et tout de go, il sort de sa poche un modèle Hohner «Marine Band», daté 1896 pour les spécialistes : un de ceux qui ont traversé l’Atlantique pour devenir populaires aux États-Unis, sous le nom de French harp. Puis il vous l’offre pour vous permettre de goûter aux joies du «ruine-babines», ou de la «musique à bouche», comme le nomment les Canadiens. Auteur de plusieurs méthodes, vendues à près de 150 000 exemplaires, Jean-Jacques Milteau rappelle que l’harmonica est un instrument que l’on pratique d’abord en amateur. « En suivant quelques règles de base, chacun peut en tirer très vite quelques sons», dit ce pédagogue nomade.

«A pour aspirer et S pour souffler»

C’est là une conviction qu’il a pu renforcer en travaillant avec diverses associations aidant des enfants malades du souffle. Les partitions étaient simples : «A pour aspirer et S pour souffler», et dix numéros correspondant aux trous de l’accordéon à bouche. «Un harmonica, c’est un stylo, ça vaut d’ailleurs le même prix, il ne fait donc pas peur.» Le plus dur vient après, quand même, « lorsqu’il s’agit de dire des choses intéressantes avec l’outil». Or, là, celui qui a commencé à être remarqué sur scène aux côtés d’Eddy Mitchell a dû faire ses preuves, sans jamais se départir d’une certaine modestie. «Il faut certainement être un peu fou pour penser vivre un jour en jouant de l’harmonica. J’aime également beaucoup la photo. Et puis, un jour, on a 35 ans, un enfant qui grandit et on se dit que l’on ne connaît que l’harmo. Donc qu’il faut continuer.» C’est également ainsi que, d’étape en étape, Jean-Jacques Milteau est passé des studios d’enregistrement (où il a travaillé pour de nombreux artistes) à des concerts en tête d’affiche avec son groupe, après avoir assuré la première partie de concerts de Michel Jonasz.
Face aux virtuoses et aux fans de technique, qui composent la nouvelle vague des harmonicistes, Jean-Jacques Milteau plaide inlassablement pour une approche empirique de «l’harmo» ; pour la spontanéité d’un outil de travail qui tient dans une petite valise. «Il s’agit d’un instrument à la fois génial, avec trois octaves sur dix centimètres, et plein de défauts : il lui manque des notes, par exemple. C’est probablement aussi l’instrument qui est le plus près du corps, en étant la prolongation de la respiration. C’est cette « culture d’imperfection », sublime, qui m’a touché dès que j’ai entendu les premiers blues», se souvient l’ancien vendeur de disques. Ainsi cette version de Lost John de l’harmoniciste Sonny Terry, un des maîtres du genre, ou encore cette révélation que fut l’écoute de Sonny Boy Williamson : «Quand j’ai entendu ces rythmes, cette musique, entre l’Afrique et l’Amérique, ne correspondait à aucune autre. Je sais désormais que je ne jouerai jamais mieux qu’eux. Grâce à cet héritage, je peux aller vers l’inconnu. C’est ce qui me motive toujours. J’ai mis très longtemps à comprendre ce qui est essentiel dans ce métier : le temps. Je crois que je suis plus vrai qu’avant, je me dissimule moins», confie-t-il encore. C’est là un des fruits d’années de pratique, dans l’ombre des autres. «En tant qu’harmoniciste, on ne joue pas tout le temps dans un morceau ; ce qui m’a permis depuis trente ans d’être au milieu des autres musiciens. J’ai appris ce qu’était un spectacle. Cette expérience m’a été utile lorsque je suis passé de l’ombre de l’orchestre, du stade de l’accompagnateur à celui d’artiste en première ligne.»
Jean-Jacques Milteau a donc beaucoup fait pour l’harmonica. «Aujourd’hui, l’instrument est reconnu», estime-t-il. Même s’il y a toujours un spectateur, en fin de concert, pour s’étonner que l’on puisse jouer «tant de choses» sur un instrument d’apparence aussi modeste… Un nouveau modèle de «Marine Band», le «de luxe», vient de sortir des usines. Une merveille, dit-on. La relève des harmonicistes est en place. «C’est toujours un instrument aveugle, reconnaît Milteau . Le sourire du guitariste, lui, on le voit. Si Elvis Presley avait joué de l’harmonica, et non de la guitare, la face du rock en eût été changée.» Du moins, un souffle nouveau est-il sorti de ces trois petites octaves-là.

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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