Henrik Lindell (journaliste). Ce Dieu qui nous a donné le langage de la musique pour nous adresser à Lui…

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Henrik Lindell. Journaliste.

Je suis journaliste à l’hebdomadaire  La Vie où je m’occupe de questions de société, parfois de faits religieux, et aussi de l’actualité (politique) européenne et américaine. Par ailleurs, j’interviens souvent au « Grand débat » sur Radio Notre-Dame et dans d’autres émissions de débat.

En dehors de mon travail, je suis très actif dans la vie de l’Église. Pianiste, j’anime des messes et des soirées de louange. Le style que je préfère et que je prône est contemporain, pour faire vite. J’étais évangélique (baptiste), mais suis devenu catholique en 2015, après de nombreuses années de réflexion et de cheminement spirituel. Ce parcours m’a conduit à écrire Comment devenir plus catholique … en s’inspirant des évangéliques ( éd de l’Emmanuel, 2020) avec mon collègue et ami Pierre Jova, qui a une expérience similaire. Je suis par ailleurs d’origine suédoise, un héritage qui a grandement forgé ma culture religieuse et musicale. J’ai 55 ans et je suis marié à Agnès, qui est 100% Française et catholique. Nous avons trois enfants.

A voir dans l’émission L’esprit des  lettres. KTO, janvier 2021

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–     Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées ?

Henrik Lindell: D’abord Amazing Grace. Ce vieux chant d’origine protestante est pour moi un résumé de la foi chrétienne et je me retrouve dans ces paroles : « I once was lost, but now I’m found / Was blind, but now I see ». Dans le même genre, je m’inspire beaucoup, spirituellement, de vieux chants de réveil suédois que j’entendais quand j’étais petit. Ainsi par exemple Dieu tout-puissant (How Great Thou Art en anglais) que certains catholiques français connaissent aussi. De même, j’ai toujours écouté du gospel, ancien et plus récent.

Je suis surtout l’évolution de la musique de louange contemporaine américaine, européenne et australienne. En voiture, dans le RER, en faisant du sport, j’écoute Hillsong, Vineyard Worship, Jesus Culture, Elevation Worship, Common Hymnal et spécifiquement des artistes comme Kim Walker-Smith, Kari Jobe, Cory Asbury, Zach Williams,…

J’écoute énormément la musique country aussi, surtout quand elle évoque la foi et l’idée de rédemption. En la matière, Johnny Cash, Dolly Parton et Chris Stapleton, pour ne mentionner que les plus grands, me parlent évidemment beaucoup. Tout comme Bob Dylan me parle aussi sur le plan spirituel, et pas seulement dans sa fameuse trilogie chrétienne, dont  Slow Train Coming, qui est pour moi un album chrétien inégalé.

Sinon, je fais comme tout le monde : j’écoute régulièrement Bach, Haendel, Mozart pour sa musique sacrée, du baroque français… Et j’aime beaucoup le requiem de Gabriel Fauré.

–  Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?

Oui. Je pense même qu’il nous a donné ce langage pour nous adresser à Lui. L’activité même de chanter et de faire de la musique est tellement particulière, voire étrange (dans une perspective utilitariste), que je ne trouve aucune autre explication. La musique est aussi un langage spécifiquement humain que l’on trouve dans toutes les civilisations depuis toujours. Si on se fie à la Bible, notamment aux Psaumes, les humains chantent depuis très longtemps pour louer Dieu et ils sont encouragés à le faire. Et si les rédacteurs de la Bible ont vraiment été inspirés par l’Esprit saint, ce que je crois, les choses sont claires : Dieu veut qu’on le loue, en particulier à travers ce langage qu’est la musique.

– Au paradis quelles musiques y entend-on ?

On y entend essentiellement des musiques de louange. De toutes les époques.

–   Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?

La réponse attendue, normale, à cette question devrait probablement être : les musiques que l’on chante dans telle ou telle communauté religieuse. Ces musiques-là sont là pour ça. Et c’est globalement vrai pour moi. A titre d’exemple, j’aime bien les chants de l’Emmanuel, dont je suis spirituellement proche. Je pourrais dire la même chose des chants de Taizé, dont beaucoup touchent manifestement le cœur des gens. Personnellement, j’ai évolué dans un univers protestant évangélique, avant d’être reçu dans l’Église catholique, et je suis toujours extrêmement sensible à la musique contemporaine des évangéliques.

Je pense que tout dépend de quelle culture vous êtes issu et des associations que la musique vous procure. J’ai une culture protestante scandinave, je suis donc sensible a priori à ce qui évoque cet héritage-là. Parfois, c’est un hymne luthérien où il est question de la nature. Parfois de la musique folklorique mélancolique. Parfois du rock. Ou du jazz. Les paroles ne sont pas forcément importantes. Une des musiques les plus spirituelles que je connaisse est celle du trio du pianiste de jazz suédois Esbjörn Svensson. Ce qui compte vraiment, c’est le sentiment que communique la musique, justement.

Je dois avouer que je ne suis pas toujours touché, pas sentimentalement en tout cas, par les musiques que l’on nous présente à la messe catholique en France. Et je partage ce problème – qui est grave, à mes yeux – avec de nombreux catholiques. En tant qu’animateur de messes et en tant que pianiste, je n’hésite pas à renouveler, par exemple en introduisant des chants évangéliques contemporains. Et c’est toujours apprécié.

–   Que chantent les anges musiciens ?

Mozart ! Et peut-être Elton John. Pour ses mélodies.

–    Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?

Amazing Grace. Ou Believe, Beleft, Below d’Esbjörn Svensson Trio.

– Qu’aimeriez- vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?

Peut-être Way Maker de la compositeure-chanteuse nigériane Sinach. Cette femme très connue dans le monde évangélique a su résumer tous les qualificatifs pertinents de Dieu.

Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte ?

  1. L’album Slow Train Coming de Bob Dylan. Le prix Nobel de la littérature est ici un chrétien né de nouveau. Vraiment.
  2. Toccata et fugue en ré mineur de J.S. Bach. Pardon d’être banal, mais c’est quand même une œuvre éternelle et d’une beauté absolue.
  3. Les variations de Goldberg de Bach. Peut-être l’interprétation de Keith Jarrett au clavecin.
  4. L’album Nebraska de Bruce Springsteen. C’est son album le plus sombre, voire dépressif, mais peut-être le plus spirituel, qui se termine par Reason to Believe, une chanson où l’auteur s’étonne de l’espérance, toujours présente, malgré tout. Cela me parle.
  5. L’album (double) Goodbye Yellow Brick Road d’Elton John, dont je suis un fan absolu. Ou un autre grand album d’Elton, comme Honky Château, Blue Moves, Sleeping With The Past ou Songs From The West Coast.
  6. L’album Hotel California d’Eagles. Une merveille absolue. Et je parle de tout l’album.
  7. L’album Darkness On the Edge of Town de Bruce Springsteen. Pour certains critiques sérieux, il s’agit du plus grand album de rock de l’Histoire. Je suis d’accord avec eux.
  8. Opus 41 (Moderen) de Carl Nielsen. C’est mon côté romantique.
  9. La collection Amazing Grace. The complete Recordings. D’Aretha Franklin. Live at New Temple Missionary Baptist Church à Los Angeles en 1972. C’est divin. Il n’y a pas d’autres mots.
  10. L’album Seven Days of Falling d’Esbjörn Svensson Trio.

– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?

This Little Light of Mine. Et personne ne le fait mieux que Bruce Springsteen et son E Street Band. Moi, je peux le chanter en trois langues. J’aime aussi l’histoire de ce refrain. Il a été repris aussi bien par les mouvements populaires américains contre le racisme que par celui contre le trumpisme. Il évoque la force positive en nous. Celle qui vient de Dieu.

– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?

Dans l’absolu : Bob Dylan, Elton John et John Lennon. C’est la sainte trio pour moi, qui correspond à ma culture. Mais j’ajoute aussitôt Bruce Springsteen. Et, puis, pour d’autres raisons, Keith Jarrett.

– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?

Cela m’arrive quasi quotidiennement. Je pleure fréquemment en écoutant de la musique (quand je suis seul). La réponse précise à votre question n’est donc pas significative. Mais j’ai réécouté aujourd’hui There Was Jesus par Dolly Parton et Zach Williams. Cette chanson, qui est récente, m’émeut profondément. D’ailleurs, la voix de Dolly Parton – qui est une grande chrétienne – me déchire presque toujours le cœur.

– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?

J’ai toujours pensé que c’est Toccata et fugue en ré mineur de Bach. Je ne connais rien de plus absolu et de plus parfait (y compris techniquement) qui évoque plus absolument Dieu pour moi. C’est aussi l’œuvre pour orgue la plus connue à travers le monde. Or, il s’agit ici d’un Dieu tout-puissant, qui, en plus, privilégie l’ordre et la perfection. Je suis conscient des implications théologiques dans ce que je risque de signaler ainsi. Mais Dieu, qui est évidemment tout-puissant, se reflète aussi à travers la douceur, la brise légère, l’humilité et surtout l’amour. Ce sont là des aspects de Dieu que l’on ne ressent pas forcément à travers cette œuvre-là de Bach. Donc, je suis vraiment embêté par votre question !

En fait, je ne sais pas. J’ai évidemment le sentiment d’être touché par Dieu, très directement, quand j’écoute des œuvres de compositeurs qui me sont culturellement proches, comme Wilhelm Peterson-Berger. Ce Suédois a écrit « A l’église », qui évoque doucement Dieu, pour moi, et tout ce que j’aime dans la vie. Mais bon. N’importe qui pourrait dire cela de presque n’importe quelle œuvre.

Et si je devais trouver une chanson, donc avec des paroles, à travers lesquelles Dieu me parle très concrètement, j’ai vraiment du mal. Finalement, j’opterai pour Donner pour donner. Les paroles de cette belle chanson populaire de 1980 – qui est très anglo-française (tout un symbole !) – s’inspirent de sainte Thérèse de Lisieux, ce que peu de gens savent. Le parolier principal est évidemment l’incroyable Michel Berger et la musique est de lui et d’Elton John. Les voix sont celles de l’inoubliable France Gall et d’Elton John. On peut lire plein de choses différentes dans ces paroles, mais, dans le refrain, ils chantent exactement ceci : « Donner pour donner. Tout donner. C’est la seule façon d’aimer. » C’est cela que Dieu nous dit. Et il le fait. Donc, je pense que cette chanson vient de lui. Il a choisi un moyen populaire, banal, pour le dire, et sans vouloir s’imposer. Mais c’est lui. C’est même limpide.

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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