Frère EMILE (Taizé), « Ce bonheur de chanter »…

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L’invité du blog: Frère Emile, de Taizé.
Emile, frère de Taizé, est une figure connue de tous les professionnels des médias venus un jour découvrir la communauté en Bourgogne ou sur d’autres étapes de son « pèlerinage de confiance ». Né au Canada, dans l’Ontario,  frère Emile a lui-même fait le voyage jusqu’à Taizé, il y a  bientôt 40 ans. Pour s’y engager. La communauté religieuse fondée il y a 70 ans par Frère Roger Schutz (1915-2005) compte aujourd’hui une centaine de frères, catholiques et de diverses églises protestantes,  originaires d’une trentaine de pays. Taizé accueille chaque année, selon leurs statistiques, 100.000 jeunes.
C’est à partir du début des années soixante que les frères s’organisèrent pour inviter sur place, plus largement et tout au long de l’année, les nouvelles générations. Les jeunes de toutes sensibilités ont répondu à l’appel, goûtant en ce lieu silence, recueillement, partage sur l’Evangile et découvertes. Au fil des années le « style » d’accueil de Taizé s’est construit, marqué en particulier par le  répertoire de chants écrits Jacques Berthier (1923-1994) en collaboration avec frère Robert ». Des frères de Taizé ont depuis composé la musique des plus récents CD.  La musique s’inscrit naturellement dans le projet de Taizé, comme une source de communion pour le quotidien de la prière commune (3 fois par jour) et des assemblées nombreuses et diverses qui gagnent la célèbre colline.
Chaque hiver Taizé organise également une rencontre européenne, signe de la vocation à la réconciliation voulue par le fondateur. Des deux rives du Rhin aux autres continents.  La 36ème  édition s’installe à Strasbourg, du 28 décembre 2013 au 1er janvier 2014.La prochaine rencontre européenne sera organisée à Prague, en République tchèque, fin décembre 2014.  D’ores et déjà une rencontre mondiale est programmée pour l’été 2015 , à Taizé ( Saône-et-Loire), sur le thème : « Dégager les sources d’une confiance en Dieu ».
Frère Emile est l’auteur d’un essai (paru en 2011 aux presses de Taizé) consacré à la pensée du Cardinal Yves Congar.  (Fidèle à l’avenir. A l’écoute du Cardinal Congar).
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– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes,  évoquant Dieu que vous avez entendues  et appréciées?
Frère Emile: Lors de ma première année de vie à Taizé, ayant quitté ma grande famille au Canada, je me demandais comment j’aillais vivre mon premier Nöel loin des miens. Tout au long de l’Avent –le premier que je vivais de manière liturgique – , il y avait un bonheur à chanter les psaumes 85 (sur une musique de J. Samson) et 72 (musique de Joseph Gélineau). Au lieu de la solitude que je redoutais un peu, il y avait grâce à ces psaumes de l’Avent et aussi à certaines litanies, un sentiment de présence qui comble. Et la nuit de Noël, ce bouleversant : « Voici je vous annonce une grande joie qui sera pour tous les peuples » (musique de Jacques Berthier) où l’orgue participe à l’exultation céleste.

– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Je l’imagine très fier de sa servante, la musique. Combien ont découvert la foi grâce à elle ? Certains Pères de l’Eglise ont dit que l’être humain était un instrument de musique dans lequel Dieu a envoyé son souffle… Et d’autres encore que l’homme, de mort qu’il était, revient à la vie  en écoutant le chant du Verbe…
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Sûrement une musique ineffable. Alors mieux vaut se taire. Je voudrais rappeler seulement ce que Georges Duhamel écrivait de la musique de Mozart : «Une innocence qui sait tout. »
– Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Il y a bien sûr des chants de Taizé qui me portent, mais aussi certains psaumes et répons que le Père Gélineau a composé pour nous dans les années soixante et qui, à mon avis, n’ont pas pris une ride.
– Que chantent les anges musiciens ?
J’ai hâte de le savoir !

-Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
La réponse que je donnerais aujourd’hui  n’est pas celle d’hier, ni probablement celle de demain. Souvent en promenade, j’aime fredonner un répons de Noël sur les paroles de la Première Lettre de Jean que nous chantions autrefois à Taizé : « Nous avons vu l’amour que Dieu a pour nous. Nous avons cru en lui. »
– Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Même si je sais très mal et très peu l’allemand, je voudrais peut-être lui chanter « Mein Freund ist mein und ich bin dein  (Mon ami est à moi et je suis à lui) de la cantate de Bach, « Wachet Auf ». Je connais aucune autre musique qui laisse pressentir autant le bonheur d’appartenir appartenir au Christ.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons  à emporter sur une île déserte?
Je ne me lasse pas d’écouter deux sonates pour violoncelle et piano :  la Sonate sol de Chopin et la sonate en  la de  César Frank,  interprétées par Jacqueline Du Pré et Daniel Barenboim.
A cela j’ajouterai les derniers quatuors à corde de Beethoven par le quatuor Emerson
Les concertos pour Mozart pour cor (toujours un baume après une journée harassante!)
Dvorak : le concert pour violoncelle (vous l’avez compris, j’ai un faible pour le violoncelle).
Schubert : La jeune fille et la mort.
Trois cantates de Bach : « Wachet Auf » (BWV 140, qu’il faut écouter pendant l’Avent) , « Ich hatte viel Bekümmernis » (BWV 21) « Unser Mund sei voll Lachens » (BWV 110, qu’il faut écouter dans le temps de Noël)
J’ajouterai encore : « Les cinq dernières sonates pour piano de Beethoven. »
 
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Jeune, j’ai entendu une communauté d’hommes chanter ce verset du Psaume 33  : « Criez de joie pour le Seigneur terre entière dans les cœurs droits  la louange va bien. » Cela m’est resté.
 
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Comme interprète : Jacqueline Du Pré pour le violoncelle.
Vladimir Ashkenazy pour les dernières Sonates pour piano de Beethoven
Une soprano dans les Cantates de Bach : Barbara Schlick. Et Dietrich Fisher-Dieskau comme baryton.
Rien de très original pour ce qu’il en est de  mes compositeurs préférés : Bach, Mozart, Brahms, Mendelssohn, Schubert, Rachmaninoff.
Chef d’orchestre pour les cantates de Bach : Philippe Herreweghe.
 
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
J’ai vécu cette année près de deux mois sur une réserve indienne dans le Dakota du Sud. Il n’y avait pour ainsi  dire aucune distraction. Un soir, grâce « You Tube », j’ai  découverte une jeune violoncelliste allemande, Marie-Elisabeth Hecker. Elle interprétait le Concerto en C  (do) de Hadyn. Il paraît que lors du concours Rostropovtich qui se tient seulement tous les quatre ans, tout le monde savait qu’elle allait l’emporté le concours dès le premier coup d’archet !  En l’écoutant, j’ai pensé à ce que France Quéré (Théologienne protestante) m’avait confié avoir éprouvé à la fin d’un concert auquel elle avait assisté : « On avait envie de hurler de joie !» C’est un peu ce que j’ai ressenti à la fin de ce concerto.

– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Je ne sais pas, mais sûrement une musique qui réconcilie l’ensemble du réel. J’ai entendu récemment la romancière britannique Margaret Drabble parlé de son livre sur sa mère, une femme difficile, qui a beaucoup souffert et beaucoup fait souffrir autour d’elle. La romancière n’a pas éprouvé l’apaisement qu’elle avait espéré en publiant ce livre. Puis un jour, dans sa voiture, en conduisant elle a écouté « Le Messie » de Haendel et entendu les paroles : « Toute montagne sera abaissée et toute vallée », elle a pensé pour la première fois : « La vie de ma mère est peut-être sauvée, réconciliée. » Et elle a fondu en larmes. Celle qui l’interrogeait à la radio  lui fit remarquer, « mais vous n’êtes pas religieuse !». « Non », répondit la romancière,  «  mais cette musique est capable de me rendre religieuse ».
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Le Frère Emile, sur KTO, dans l’émission « Un coeur qui écoute » 2012): http://www.youtube.com/watch?v=fQzZ3fbe8aI
Site de Taizé: http://www.taize.fr/fr
Sur RCF: http://www.rcf.fr/taize/
A lire dans La Croix du 28 novembre 2013:
L’esprit de Taizé souffle déjà sur l’Alsace
Dans les paroisses, des centaines de personnes préparent l’arrivée des 20 000 jeunes pour le traditionnel « pèlerinage de confiance sur la terre » qui aura lieu à Strasbourg, du 28 décembre au 2 janvier.
Grâce aux rencontres préparatoires avec des membres de la communauté de Taizé, l’événement pourrait impulser une dynamique durable.
Depuis deux mois, dans son village de Romanswiller et dans les deux communes voisines, à 30 km de Strasbourg, Sophie Helio insuffle l’esprit de Taizé. Elle dépose des affiches dans les commerces, fait du porte-à-porte, organise des veillées de prière, prend la parole à la fin des messes…
Avec trois autres laïcs, un prêtre et trois pasteurs, elle invite sans relâche les jeunes à participer à la rencontre européenne du Nouvel An, qui s’ouvrira le 28 décembre dans la capitale alsacienne. Aux adultes, elle demande un coin de salon pour accueillir deux pèlerins durant quatre nuits. Cette mère au foyer de 38 ans n’hésite pas à aller au-devant de ceux qu’elle sait non croyants, pour donner une « image positive, humble de l’Église ».
Dans un mois, 20 000 Européens convergeront à Strasbourg. Stimulant pour les pèlerins, le rassemblement l’est d’ores et déjà pour les centaines d’Alsaciens investis dans les préparatifs. La communauté de Taizé, invitée par l’archevêque de Strasbourg, Mgr Jean-Pierre Grallet, s’appuie sur les paroisses situées à une heure à la ronde (environ 200 sites d’accueil, Allemagne comprise) pour trouver des logements exclusivement chez l’habitant et pour accueillir les échanges du matin, les offices et la fête des peuples de la Saint-Sylvestre : seuls les prières et les carrefours de l’après-midi se dérouleront en grands groupes à Strasbourg. Il aurait été plus simple d’opter pour des hébergements collectifs et une organisation centralisée. Mais la priorité est donnée à la découverte des réalités locales, pour que l’expérience du rassemblement ne soit pas déconnectée de la vie réelle.
Prendre le temps de rencontrer les acteurs de terrain
Les personnes investies dans les préparatifs sont surtout les piliers habituels des paroisses. « Mais il y a presque toujours deux ou trois jeunes qui viennent parfois de manière spontanée », se réjouit Frère Maxime. C’est le cas de Claire Bansept. Cette interne en médecine de 24 ans n’avait jamais pris contact avec sa paroisse avant cet été. Le week-end, elle rentre souvent chez ses parents. Mais au mois de juin, elle a proposé ses services à son curé, à la fin d’une messe.
L’événement lui tient à cœur : elle va tous les ans à Taizé depuis l’adolescence et ces dernières années, son groupe d’amis avait pris l’habitude d’offrir une cigogne en peluche aux frères pour qu’ils viennent, à leur tour, chez elle. Tout en cherchant des hébergements, Claire prépare aussi un carrefour sur les métiers de la santé, où elle témoignera.
Pour soutenir les équipes locales, et créer une dynamique, des membres de la communauté de Taizé (volontaires, frères, religieuses), présents de manière permanente depuis début septembre dans un « QG » à côté de l’évêché, ont sillonné le diocèse. En prenant le temps de rencontrer les acteurs de terrain, catholiques, protestants, et parfois orthodoxes.
« Je sens que l’Église a le désir d’ouvrir ses portes »
« Pendant trois jours, ils ont rencontré les responsables d’aumônerie, de nos actions caritatives, assisté aux offices, tout en dormant chez l’habitant. Ils ont posé beaucoup de questions, ce qui nous a obligés à formuler ce que nous vivons, et nous nous sommes rendu compte que nous n’étions pas si peu ! » se réjouit le P. Claude Baumert, responsable de la pastorale des jeunes de la zone de Colmar. La préparation du rassemblement, conjointe avec la paroisse protestante, marque aussi une page nouvelle de l’œcuménisme.
« J’habite à 40 m de chez le pasteur, mais je ne savais pas qu’il faisait de la guitare, comme moi. Depuis que nous avons lancé, en septembre, un temps de prière mensuel commun, nous répétons ensemble et nous nous côtoyons même en dehors », note-t-il.
De toutes ses rencontres, le Vendéen Eudes Boyer, l’un des jeunes volontaires de la communauté, chargé d’une partie de l’agglomération strasbourgeoise, tire cette impression : « Je sens que l’Église a le désir d’ouvrir ses portes. Nous ne sommes pas là pour préparer un événement, de type concert », indique celui pour qui cette « aventure personnelle » alimente sa réflexion sur sa propre vocation.
Davantage de projets communs avec les protestants
En Alsace, l’une des régions de France historiquement les plus amies avec Taizé, la communauté œuvre en terrain favorable. Des groupes s’y rendent depuis trente ans, et 700 à 1 000 adolescents et jeunes adultes y séjournent chaque année.
Cela signifie-t-il que les Alsaciens participeront massivement aux rencontres du Nouvel An ? « Ce n’est pas simple. Beaucoup d’étudiants rentrent chez eux, et dans ma promotion, la plupart de toute façon ne connaissent pas Taizé. Même au foyer, nous serons une minorité à y aller », estime Élise, résidente au Stift, un foyer étudiant protestant.
Qu’importe, semble penser la communauté, peu préoccupée par des objectifs quantitatifs. En janvier, la délégation strasbourgeoise retournera dans chaque paroisse, afin de recueillir les impressions des familles d’accueil et tenter d’inscrire l’élan dans la durée. Claire, l’interne en médecine, sait déjà qu’à la messe de son quartier de la Montagne-Verte elle ne sera plus seule sur son banc, et le P. Baumert entend bien mener davantage de projets communs avec les protestants.
ÉLISE DESCAMPS, à Strasbourg
Frère Aloïs, prieur de la communauté de Taizé, donne une conférence sur le thème « Communiquer la foi aux nouvelles générations » le 3 décembre à 20 h 30 à la cathédrale de Strasbourg et le 4 décembre à l’église Sainte-Marie de Mulhouse.
 

Une réponse à “Frère EMILE (Taizé), « Ce bonheur de chanter »…”

  1. Avatar de Thérèse Poizat
    Thérèse Poizat

    Très intéressant et sympa, l’interview du Frère Emile !

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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