L’invité du blog: Frédéric LEDROIT, compositeur, organiste, harmoniumiste, pianiste, improvisateur.
Du 11 au 15 septembre 2015 une série de concerts marquera l’inauguration des grandes orgues restaurées de la cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême (Charente). L’occasion de rappeler le parcours et l’actualité de Frédéric Ledroit, titulaire des grandes orgues de la cathédrale et musicien aux multiples facettes.
» Frédéric Ledroit est né à Angoulême le 26 juin 1968. Dès son initiation au piano, à l’âge de 6 ans, il aborde la musique en improvisant sans relâche. Il développe sa technique instrumentale avant tout par une approche de créateur. Il écrit ses premières compositions tonales à l’âge de 10 ans s’inspirant de la musique qu’il entend ou qu’il étudie. Ses professeurs du conservatoire d’Angoulême le remarque et en particulier ses deux maîtres d’orgue qui l’incitent à suivre les cours de compositions dans la classe d’Yves Claoué (auteur de l’opéra Patmos sur un texte de Cocteau). Ce dernier lui fait étudier l’orchestration et devient un révélateur pour son élève en lui faisant découvrir les différents courants musicaux du 20ème siècle. Frédéric Ledroit écrit avec frénésie plusieurs œuvres instrumentales dont un quatuor à cordes, des mélodies et un recueil pour piano sur une technique d’écriture sérielle ou dodécaphonique. Plus tard, avec l’étude approfondie de l’orgue, il découvre la monodie grégorienne, les modes grecs et enfin les modes à transposition limitée de Messiaen. Cette période va s’avérer décisive pour lui et lui permet d’inventer, après avoir « digéré » ces différents procédés d’écriture, son propre style.
Il se plait, par ailleurs, à créer des œuvres pour orgue d’autres compositeurs contemporains qui l’emmène vers de nouvelles destinations. Il rencontre un complice et ami indispensable à son évolution, Etienne Rolin, avec qui il improvise régulièrement en concert. Il se produit pour la première fois aux USA ou il joue en récital d’orgue ses propres œuvres ainsi que celles d’ Etienne Rolin qui l’accompagne pour l’occasion. Ce voyage lui permet de rencontrer François Rossé pour qui il créera deux pièces d’orgue. Cette rencontre lui apportera de nouvelles idées musicales tournées vers l’orient et en particulier vers la musique traditionnelle Indienne. Louis Robilliard, alors son professeur d’orgue au conservatoire de région de Lyon, l’encourage encore davantage à composer et lui permet de créer son prélude à l’Agnus Dei (Messe pour un siècle nouveau) à l’auditorium Maurice Ravel qui est très remarqué. Xavier Darasse, son professeur au d’orgue au conservatoire supérieur de musique de Lyon, après en avoir entendu parler de façon très élogieuse, lui demande à entendre ses œuvres d’orgue. Il devient alors un guide bienveillant et s’enthousiasme de l’imagination débordante de son élève, de sa fougue naturelle et de ses facilités d’écriture.
Il entre ensuite en classe de composition au conservatoire de région de Bordeaux et dans la classe d’improvisation de Pierre Pincemaille. C’est une période ou Frédéric Ledroit développe un style très personnel alliant lyrisme, recherche mélodique et travail intense sur le plan harmonique et formel. Il a depuis écrit une soixantaine d’opus pour toutes formations instrumentales (concerto, symphonie, duos piano et orgue, guitare, harmonéon (Nom donné à l’accordéon de concert conçu par Pierre Monichon en 1948) , oeuvres d’orgues associés au basson, saxophone, alto, violon, cuivres, etc., avec une prédilection pour la musique sacrée dont 2 ouvrages considérables : Messe pour un siècle nouveau pour baryton, soprano, chœur et orgue, et son Requiem dans une instrumentation unique pour 4 solistes, double chœur, piano et orgue. » (Présentation sur le site du musicien)
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– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
– Frédéric Ledroit: Tout d’abord J.S Bach, incontournable, qui donne à sa musique une dimension prophétique et qui m’accompagne, depuis ma lointaine enfance jusqu’à aujourd’hui, dans une spiritualité hors du temps où la grandeur de Dieu est représentée sous la forme d’un idéal sonore. C’est aussi grâce à sa musique que je suis devenu organiste. Le répertoire de musique sacrée est immense et je ne peux pas citer les innombrables merveilles qui y figurent. Alors, dans l’immédiat, j’ajoute à Bach la grande messe de Mozart, les “ Requiem ” de Fauré et Duruflé.
– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Dieu est tout. Il est perfection, il est harmonie, il est donc aussi musique. La musique est l’art le plus abstrait qui soi : elle est invisible et donc spirituelle par nature. Je la ressens, comme interprète et compositeur, comme une voie rapide vers Dieu, un ascenseur céleste. La création du monde, dans l’Ancien Testament, commence par “ Dieu dit… ”. Le son vient donc en premier avec sa parole. Dieu est amour, la musique est passion amoureuse que ce soit dans le drame ou dans une jubilation mystique. Je pense alors, que les anges, les bienheureux chantent, que Dieu lui-même chante. Comment imaginer l’Eden sans musique ? Donc oui, Dieu aime la musique.
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
D’après Dante, dans sa divine comédie, c’est la plus belle musique qui n’ai jamais existé et cela dépasse de loin tout ce qu’il connaît. A travers les grands chefs d’œuvres de la musique, nous trouvons un moyen rapide non pas d’aller vers Dieu, mais de s’y plonger à travers la transfiguration.
– Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
La prière est une vibration universelle et en ce sens elle est déjà musique. Elle est une passerelle d’un état physique à la transcendance de l’âme vers l’illumination spirituelle. La prière n’est pas un état passif ou une séance d’hystérie collective, mais un acte volontaire, un travail intérieur, une recherche de la perfection sensorielle vers un état de grâce. L’art, et la musique en particulier, est une énergie, un élément déclencheur qui permet de basculer vers cet état. Alors, la musique n’est pas là pour combler un vide, masquer le silence, elle est là pour nous bouleverser. Tout chef d’œuvre, et pas simplement la musique sacrée, mais aussi la musique profane, invite à la prière. Parce qu’il dépasse l’humain, il semble écrit par l’homme sous la dictée de Dieu. L’émerveillement invite à la prière. Quand on entend le sacre du Printemps, Roméo et Juliette de Prokofiev, Chopin, Ravel, la mer de Debussy, Mozart, le chemin qui mène à la prière devient nécessaire.
– Que chantent les anges musiciens ?
Pour la Gloire de Dieu, les anges chantent l’Alléluia du Messie de Haendel, et pour la grandeur de Dieu, ils chantent le Sanctus de la messe en si de Bach.
– Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Pourquoi pas l’Adagio de Barber ou le très beau solo de Hautbois de Ennio Morricone pour « Mission » (Film de Roland Joffé, palme d’or au festival de Cannes en 1986).
– Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
L’Agnus Dei de la messe en si mineur de Bach. Mais pour cela, je demanderai à Dieu de changer ma tessiture et d’agrandir mon ambitus!
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
Déjà, si je partais sur une île déserte avec un stock de partitions ou d’enregistrements limité à dix œuvres, ce serait de la triche de dire que je ne partirai qu’avec cela. Tous les musiciens connaissent de mémoire un grand nombre d’œuvres qui les suivent au cours de leur carrière et je n’échappe pas à la règle. Une fois arrivé sur l’île, je me précipiterai sur les arbres ou les rochers, pour y graver la musique que j’ai en mémoire. J’aurai aussi emporté le Messie de Haendel, Parsifal de Wagner par le chef d’orchestre allemand Hans Knappertsbusch, la seconde symphonie de Mahler, Don Juan de Mozart, la Tosca par la Callas, le dernier disque de Jacques Brel, le sacre du Printemps par Boulez, le concerto pour violon de Beethoven, le Requiem de Fauré par Corboz et avant tout la messe en si mineur de Bach.
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Le refrain est issu de la forme rondo. Il s’agit d’une séquence musicale répétée à l’identique après chaque couplet. Dans la pensée générale, on identifie le refrain à un thème chanté que l’on peut fredonner sans difficulté. Je préfère dans ce cas l’appeler thème populaire : une mélodie que vous entendez pour la première fois et reconnaissez comme une amie, comme une musique qui vous côtoie depuis toujours. Pour moi, le dernier thème populaire inventé est le boléro de Ravel. Improvisateur, j’ai appris à m’accrocher à certains thèmes malléables et donc envoûtants, qui vous poursuivent régulièrement et à des moments inattendus. J’ai en tête le thème “ O Filii ”, le Veni Creator ou le Dies irae grégorien. Mais la liste est beaucoup plus longue qui m’habite et m’abrite à l’écart des intempéries et me donne un grand réconfort et une joie intérieure.
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
La musique peut arriver à fendre l’armure des plus brutaux d’entre nous, au cuir si épais qu’il semble qu’il soit impossible d’y trouver quoi que ce soit d’autre qu’un grand vide. Encore faut-il que la beauté arrive jusqu’à ces personnes et il faut bien reconnaître que le cloisonnement et la spécialisation des médias sont devenus un peu abrutissants. D’un côté on a les médias généralistes qui donnent souvent à voir, à lire ou à entendre le pire et le médiocre. D’un autre côté on a des médias spécialisés, comme vous l’êtes, en tout cas avec une identité très affirmée, qui offrent des trésors accessibles malheureusement qu’à une certaine élite, et aux curieux et affamés d’intelligence et de beauté. Quand on a été initié très jeune à cette beauté, le champ s’élargit. S’il fallait choisir les interprètes, je pense en premier à Maria Callas, Toscanini, Pierre Cochereau, François-Henri Houbart, Lipatti, Sanson François…, les compositeurs :Bach, Mozart, Wagner, Stravinsky, Fauré… Mais c’est une liste très incomplète.
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
C’était à l’instant : des sonates de Scarlatti par Christian Zacharias. C’était donc divin ! !
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Dieu nous dépasse et notre propre musique n’est à sa mesure. Je pense pourtant qu’il doit être attendri par notre “ bonne volonté ”, comme un père est attendri devant son enfant qui compose, interprète ou simplement écoute et se remplit de beauté.
A notre échelle, j’imagine bien Dieu se réjouir de la spiritualité de Bach, du chant des oiseaux de Messiaen, de l’innocence merveilleuse de Mozart ou de l’ode à la vie et donc de l’hommage fait à Dieu du « sacre du Printemps » de Stravinsky.
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Le site: http://www.fredericledroit.fr/
Sur le site du magazine Le Jour du Seigneur, à l’occasion de la présentation du Requiem en 2012: http://www.lejourduseigneur.com/index.php/Web-TV/Thematiques/Connaitre-l-Eglise/Art-et-christianisme/Musique-sacree/Requiem
Inauguration grands orgues Angoulême: http://www.angouleme-tourisme.com/3404-grandes-orgues-de-la-cathedrale-saint-pierre-concerts-inauguraux
Quatuor à cordes: https://www.youtube.com/watch?v=zglzXlb8Xp8
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Mon commentaire Merci Yann pour votre ouverture du coeur
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