Sur KTO Etienne Séguier vient de livrer les circonstances de l’écriture du chemin de croix qu’il vient de publier (1) . L’an dernier il estimait avoir « loupé » son entrée en carême. Et puis le journaliste qu’il est (aujourd’hui à l’hebdomadaire La Vie en charge notamment des communautés chrétiennes, après des débuts à Bayard) a recensé pour les besoins de son travail le chemin de croix signé par Sylvie Germain, aux éditions Bayard. A la lecture de la première station, Etienne Séguier a décidé, à son tour, de méditer et d’écrire un chemin de croix contemporain.
L’exercice n’était pas évident. A 45 ans Etienne Séguier a bénéficié de son expérience de journaliste et de sa pratique du développement personnel, plus spécialement de la communication bienveillante. Marié, père de trois enfants, Etienne Séguier assure aujourd’hui des formations sur ces pratiques, dans les centres spirituels comme ceux du Hautmont, Saint Hugues de Biviers ou le centre Sèvres. Il a publié en 2009 un premier livre intitulé « Cultive tes talents, nourrir sa foi avec le développement personnel » (Desclée de Brouwer). En mars de cette année, il vient de faire paraître son second ouvrage : « Traverser les épreuves, une méditation du chemin de croix ».
Quand l’épreuve survient. Epreuve relue à la lumère de la Passion. Vendredi précédant le samedi et le dimanche de Pâques. Chaque méditation est conclue par une courte prière. Etienne Séguier présente ainsi son projet: « comment le fait de suivre le Christ dans sa marche vers la mort contribue-t-il à nous engager dans un chemin de croissance personnelle?… Nous cherchons souvent à nous rassurer en voulant croire à d’hypothétiques rebonds, misant sur d’improbables concours de circonstances…. Il y a pourtant un moment où il faut les regarder en face. Cette méditation du chemin de croix nous aidera à rester présents dans la tourmente pour l’affronter plutôt qu’à la fuir. » Etienne Séguier répond à notre questionnaire.
(1) aux éditions Empreinte temps présent, 8 euros
– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
Etienne SEGUIER: Quand j’étais adolescent, je chantais « Allez-vous-en sur les places et sur les parvis » et je sentais l’assemblée vibrer d’une grande joie. Aujourd’hui, j’entonne plutôt le plus léger « souffle imprévisible ». Je perçois toujours ce désir de parler de Dieu, même si je sais maintenant qu’Il touche les personnes de façons qui échappent à notre maîtrise.
– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Je crois que Dieu nous a donné la musique pour nous permettre de nous ouvrir à plus de légèreté. Parmi les techniques de développement personnel qui me semble aidante, il y en a une qui conseille de mettre ses « idées sombres » en chanson. Par exemple, si vous vous dites : « je vais pas y arriver ». Vous pouvez reprendre l’une de ces phrases sur l’air de « joyeux anniversaire » ou « vive le vent d’hiver ». Cette méthode vise à accueillir ses pensées, sans permettre pour autant aux mots de s’incruster en soi. Comme pour toutes ces techniques, cela ne marche pas toujours, mais cela peut aider à sortir de ses ruminations. Je me dis que Dieu ne doit pas être totalement étranger à cette pratique. S’il nous a donné la capacité de chanter, c’est aussi pour ne pas trop prendre au sérieux les mots qui n’expriment qu’une partie de la réalité de ce que nous vivons. La vie ne s’enferme pas dans quelques jugements hâtifs sur nous-mêmes comme sur les autres.
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
J’aimerais pouvoir chanter à nouveau avec mon grand-père paternel « Il est né le divin enfant » qu’il déclamait avec tellement de coeur le soir de Noël dans la petite église de Lacrouzette, dans le Tarn. Je n’ai jamais parlé de théologie avec lui, ce n’était guère le genre de ce fabricant de tombeau en granit. Mais son chant m’a certainement transmis le goût de cette vie éternelle dont nous pouvons déjà goûter sur cette terre
– Que chantent les anges musiciens ?
Sur mon téléphone mobile, j’ai téléchargé une application dont la seule fonction est de clamer trois fois « Alleluia ». Il suffit d’appuyer sur le bouton et c’est parti pour dix secondes d’allégresse. Peut-être que le chant des anges musiciens ressemble à quelque chose dans le genre en plus subtil ?
–Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
J’ai découvert récemment un conteur québécois qui s’appelle Fred Pellerin. Il a composé une chanson dont le titre est « J’m en va t’amener où c’est silence ». Il l’a écrite après le décès de sa grand-mère pour la remercier de la bienveillance dont elle a fait preuve à son égard. Son refrain explique « Y’a plein d’affaires qu’on dira pas, y’en a toujours qu’on dit jamais, puis qu’on dit « J’aimais ». Je reprendrais volontiers cette chanson pour décrire la prière. L’essentiel n’est pas forcément ce que l’on raconte, mais se qui se vit lorsque nous nous aventurons où « c’est silence ».
– Qu’aimeriez-vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Je pense que cela me ferait peut-être du bien de me taire pour une fois, ou alors qu’il me prenne d’abord dans ses bras pour esquisser un pas de danse ensemble.
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Ce refrain entendu à Taizé lors d’un séjour parmi les frères : « La ténèbre n’est point ténèbre, devant toi, la nuit comme le jour est lumière » que l’on peut chanter aussi bien dans les bons comme dans les mauvais moments, seul ou en groupe, avec des adultes ou des enfants.
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
J’aime écouter Mstislav Rostropovitch jouer du violoncelle tout seul ce qu’il veut. A la maison, nous n’écoutions pas de musique classique, mais le son de son instrument me saisit aux tripes. Mon cerveau s’arrête de penser, mes neurones se mettent sur le mode pause. Il exprime une gravité que peut prendre parfois l’existence et que j’ai du mal à partager avec les autres. Je citerai aussi un groupe découvert lors du festival Jazz in Marciac que je fréquente lorsque je vais en vacances dans le Sud Ouest dans la maison familiale. Ce groupe s’appelle « Biel Ballester Trio ». Ce sont trois guitaristes barcelonais qui jouent avec une belle énergie des airs manouches. J’apprécie par exemple le morceau « When I was a boy », quel rythme ! Je trouve que nos célébrations dominicales manquent parfois de ce tempo, nous avons trop tendance à ralentir nos chants le dimanche en oubliant que nous fêtons une résurrection.
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Je viens de participer à un stage de danse méditative à Choisy-le-Roi. Cette journée se plaçait dans le cadre de la préparation à la semaine sainte. Nous avons dansé sur un air du Moyen-Orient qui exprimait la tristesse des femmes au pied de la croix. J’ai été touché par ces paroles que je ne comprenais pas. Il y avait une gravité que je n’avais pas ressentie depuis longtemps.
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Je choisirai par exemple « Ouvrez les frontières » du chanteur de reggae Tiken Jah Fakoly. Si on la prend au premier degré, son programme est irréaliste. Mais j’aime bien la douce utopie qu’elle véhicule. Dieu a sans doute à voir avec ce rêve d’une humanité réconciliée que dégage cette chanson. À travers ses paroles, l’auteur ne se satisfait pas de la segmentation du monde dans lequel nous vivons. Je me dis que cette fraternité humaine doit plaire à Dieu.
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Le blog d’Etienne SEGUIER: http://cultivetestalents.over-blog.com/
Le site de Fred PELLERIN: http://www.fredpellerin.com/index.html
Mon commentaire Merci Yann pour votre ouverture du coeur
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