L’invité du blog: Dominique Fournier : Responsable du rayon Musiques à la librairie La Procure à Paris : « Un métier où l’on essaie de semer des poussières musicales dans le cœur des clients…» et peintre.
« Quelle joie de travailler dans un milieu musical, au coeur d’une actualité qui se renouvelle en permanence et me donne l’occasion d’entendre sans cesse des nouveautés. L’oreille se forme et choisit. Tout n’est pas de qualité, loin de là, mais il y a des pépites et ce sont elles que j’essaie de partager avec mes clients. Ma chronique mensuelle, depuis trois ans, dans la revue « Magnificat » retient certains CD et c’est avec plaisir que les propose afin qu’ils puissent servir de fonds à une discothèque soit à la maison, soit à la paroisse.
La peinture et la musique on toujours été en parfaite symbiose dans ma recherche artistique. La musique sert d’inspiration à la peinture. Je pense en particulier à mon travail sur la représentation graphique autour des Variations Goldberg, réalisée il y a quelques années.
Il y a eu aussi un temps où j’ai essayé des transcriptions en fil de fer des sonates en trio ou des suites pour violoncelle de Bach… Certainement le Cantor de Leipzig est le compositeur avec lequel j’ai le plus d’affinité et ce, depuis ma plus tendre enfance. Mon premier disque, je m’en souviens parfaitement était un 33 tours : les chorals Schubler, accompagnés de quelques préludes et fugues pour orgue. Et le second, à l’âge de huit ans : « l’Offrande musicale » dans une fameuse collection blanche des flori musicali… Je la revois encore avec sa couronne de fleurs… Vingt ans plus tard, j’écouterai encore cette Offrande musicale de Bach dans l’atelier du sculpteur Willy Anthoons avec qui j’ai travaillé passionnément. Lui m’a surtout appris à voir, mais d’une certaine façon aussi à écouter… ».
Dominique Fournier répond à notre questionnaire avec la ferveur et le soin pour les détails qui le caractérisent. Il est un des membres du jury qui attribue le prix de musique spirituelle Pèlerin-La Procure. L’édition 2012 vient de distinguer l’album « Marie, fleur du Carmel » par le choeur du Carmel de tous les saints à Pecs, en Hongrie (label Jade).
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– Quelles musiques anciennes ou récentes, évoquant Dieu, avez-vous entendues et appréciées ?
– Dominique FOURNIER: Ces lignes écrites en ce temps de l’Avent me semblent naturellement teintées des musiques qui accompagnent ce temps privilégié d’attente.
« Je regarde au loin », une hymne composée par les moines de Keur Moussa nous conduira d’ici quelques semaines vers Noël. Je pense aussitôt à « L’histoire de Noël » de Schutz, version Howard Arman, ( chez Capricio.)
– Selon vous Dieu aime t-il la musique ?
Oui, et nous serions étonnés de ses choix, et puis quel compositeur, il doit être !
– Au paradis, quelle musique y entend-on ?
Il a quelques semaines, j’ai entrouvert la porte du paradis, c’était à Vienne en Autriche dans l’église St-Augustin. En effet, chaque dimanche matin dans cette paroisse, on peut assister à la messe dans le rite ordinaire avec les lectures et l’homélie, la prière eucharistique et la communion des fidèles, et… pour programme musical, lors de ce 31ème dimanche Ordinaire : Joseph Haydn et sa Missa brevis de Saint-Jean de Dieu. Orchestre et chœur se retrouvent ainsi chaque dimanche… Avouons que l’ordinaire de la messe est un plus long que celui que l’on a l’habitude d’entendre, un Sanctus de six minutes, par exemple… ! Enfin, quelques airs du divin Mozart à la communion… Autre culture, me direz-vous, vous avez raison…Mais ce matin-là j’ai « frôlé » le paradis !
Jésus nous a assurés que dans la Maison du Père, il y aurait plusieurs demeures ! Je rêve d’une demeures pour chacun des compositeurs qui nous auront réjouis sur cette terre … Une écoute non stop !
Salle Messiaen : Les trois petites liturgies de la Présence divine.
Salle Mozart : Piano Quartet en sol mineur avec piano de Mozart KV478
Salle Malher : les Kindertotenlieder avec la sublime Katleen Ferrier
Salle Schubert : l’andante du trio en Si bémol majeur, op.99 D.898
– Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
A mon avis, il ne faut pas en rester au niveau du sentiment, du ressenti ou de la sensibilité. Certes, cela est important et dépend beaucoup des lieux et du moment de l’écoute et de notre aptitude intérieure : joie ou tristesse qui nous habite. Les musiques qui m’invitent à la prière sont donc plutôt des musiques qui s’insèrent dans un contexte liturgique ou dite sacrée, parce les compositeurs qui les ont écrites l’on fait dans un but : élever l’âme de leurs auditeurs présents et futurs.
Un adagio d’un concerto de piano de Mozart, pourtant sublime, ne peut me conduire à la même « contemplation » que les leçons de ténèbres de Couperin, à l’exemple de la troisième du Mercredi-Saint à deux voix, surtout celles dans une version un peu ancienne de Nadine Sautereau. Comment ne pas dire deux mots du vaste répertoire grégorien que je connais fort bien, un tel trésor spirituel contre lequel Mozart, lui-même, aurait avoué vouloir échanger toute son œuvre pour la simple ligne mélodique de la prière eucharistique?
Qu’y a- t-’il de plus extraordinaire que l’offertoire « Precatus est », cette prière de Moïse, dans l’interprétation des moines de Solesmes dirigé par Dom Gajard? On pourrait multiplier les exemples musicaux, comme les cinq antiennes de la Fête du Saint-Sacrement… Je ne retiendrai aujourd’hui que ces deux exemples.
J’ai fait aussi cette expérience de vivre une année liturgique avec chaque dimanche l’écoute de la cantate du jour de Jean Sébastien Bach, partitions dans une main et explications musicologiques et théologiques de l’œuvre dans l’autre. Bach nous conduit à Dieu ! Vivez cette expérience au moins une fois dans votre vie.
– Que chantent les anges musiciens ?
Le grand théologien Karl Barth avait une merveilleuse formule : « Je ne suis pas sûr que les anges, lorsqu’ils sont en train de glorifier Dieu, jouent de la musique de Bach ; je suis certain, en revanche, que lorsqu’ils sont entre eux, ils jouent du Mozart, et que Dieu aime alors tout particulièrement les entendre. » Voyez, nous ne sommes pas les seuls à nous poser cette question. Je suis sûr enfin, ou tout du moins je l’espère vivement, qu’il y a suffisamment de réserves de papier à musique au ciel pour permettre à tous ces compositeurs de poursuivre leurs oeuvres dont les anges seraient les interprètes… Une musique qui nous reste encore inouïe, une musique où chacun sera surpris d’avoir un rôle dans l’orchestre ou dans les chœurs ! Je me contenterai à ce jour de réentendre inlassablement : « Duo seraphim » des Vêpres de 1610 de C. Monteverdi. C’est un air indissociablement lié aux coupoles d’or de Saint-Marc de Venise.
– Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Une simple guitare et la voix d’une petite sœur de Bethléem, « Jésus, je voudrais te chanter sur ma route ». Une route vers le ciel !
– Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
« Non je ne regrette rien » d’Edith Piaf… « car ma vie, car mes joies, ça commence aujourd’hui avec Toi ! »
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques ou chansons à emporter sur une île déserte ?
Un choix difficile, oui très difficile. Heureusement, à l’heure du numérique on peut mettre tellement de disques magnifiques sur une simple clé USB. Mais s’il fallait choisir…
– La Passion selon Saint Jean de Carlo Sturla (napolitain du XVIIIème).
– Les vêpres solennelles pour la naissance de Louis XIV de Giovani Rovetta.
– Les chorals ornés pour orgue de Dietrich Buxtehude (M. Chapuis)
– Le 3ème (Beim Schlafengehen) des quatre derniers lieder de R. Strauss. (J. Norman)
– Les quatuors 14 et 16 de L. Beethoven (Alban Berg)
– Les Variations Goldberg de J.-S. Bach (Version G. Leonhardt)
– La Tierce en Taille de la messe des Couvents de François Couperin. (M. Chapuis)
– For the Beauty of the earth de J. Rutter par le Children’s Choir
– Le 2ème mouvement du 3ème Concerto pour piano de Beethoven (A. Brendel)
– Les nocturnes de Chopin (A. Rubinstein)
et (chut ! Je n’ai droit qu’à dix) Le Saint François d’Olivier Messiaen….
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Rorate caeli desuper et nubes pluant justum,
Que les cieux répandent la rosée et que des nuées pleuvent le juste…
Ce refrain chanté pendant le temps de l’Avent m’aura accompagné toute ma vie, combien de fois l’ai-je chanté avec une boule dans le ventre lorsque j’entonnais le verset : « Consolamini Consolamini ». On demande au Seigneur de consoler son peuple. Quelle imploration portée par ces deux mots latin ! Non, le Seigneur ne peut rester sourd à nos appels !
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Quatre musiciens, Bach, Couperin, Beethoven, Messiaen.
Trois interprètes : K. Ferrier, G. Leonhardt, M. Chapuis.
et deux Chœurs : Stille Antico, spécialiste de la musique anglaise élisabéthaine, et les moines de Keur Moussa.
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle est-ce ?
Au risque de vous étonner : c’était tout simplement hier soir, en concert à Saint Germain l’Auxerrois, le Salve Regina de Notre Dame de La Garde, de Vincent Laissy.
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Ce serait avant tout l’introït de la messe de minuit à Noël : Dominus dixit ad me : Filius meus es tu, ego hodie génuit te : Le Seigneur m’a dit : Tu es mon Fils aujourd’hui je t’ai engendré. Dieu s’incarne dans son Fils Jésus pour que nous soyons à notre tour appelés à devenir fils de Dieu. Mais ce serait aussi dans la brise légère, celle de l’Horeb, où Dieu passe et emporte dans son manteau toute la souffrance du monde, ce que traduirait, à mes oreilles, le mouvement lent de la troisième symphonie de Gorecki.
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Le site de La Procure, Paris avec la sélection de disques de Noël: http://www.laprocure.com/selection/disques-noel-meilleure-selection-disquaire-1337.html
Prix Pèlerin-La Procure 2012: http://www.pelerin.info/L-actu-autrement/Religion/Le-prix-de-musique-spirituelle-Pelerin-La-Procure-recompense-les-chants-d-un-carmel-hongrois
sur le label Jade: http://www.jade-music.net/jade/2011/10/marie-fleur-du-carmel-ch%C5%93ur-des-moniales-de-p%C3%A9cs.html
Mon commentaire Merci Yann pour votre ouverture du coeur
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