Le sport est à la une, cet été. Tout particulièrement depuis cette semaine en direct de Londres et environs pour des Jeux Olympiques évènement planétaire. Un thème d’étude qui n’est pas étranger à Denis Moreau. Philosophe professionnel, professeur, essayiste, et amateur de rock’n roll, Denis Moreau a publié en 2088 un article sur la course à pied selon Saint Paul (dans un livre collectif « Activité physique et exercices spirituels », aux éditions Vrin). C’est à ce passionné que nous avons demandé de boucler notre session du cabaret du bon Dieu. Rendez-vous en septembre.
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Denis Moreau est né en 1967 à Bordeaux. Il est marié et a quatre enfants.
Après une enfance passée en grande partie à Grenoble, il a suivi un cursus universitaire classique à Paris : classes préparatoires littéraires, Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm (1987), agrégation (1990) puis doctorat (1996) de philosophie.
Il est actuellement Professeur d’histoire de la philosophie moderne et de philosophie de la religion à l’université de Nantes, où il vit et enseigne depuis 1996. Ses philosophes favoris sont Descartes et Spinoza. Tout en estimant qu’il n’existe pas, à proprement parler, de philosophie chrétienne (« une philosophie est vraie ou fausse, et du point de vue chrétien, c’est parce qu’elle est vraie qu’elle est chrétienne, et non l’inverse »), ce catholique n’a pas d’objection à ce qu’on le définisse comme un « philosophe chrétien » (« à condition qu’on se souvienne qu’il y a aussi des plombiers chrétiens, des footballeurs chrétiens, etc. »).
Ses travaux et publications se répartissent en trois principales catégories :
– Les éditions commentées et traductions (du latin) de textes écrits par de grands auteurs : Thomas d’Aquin, avec la Somme contre les gentils (GF, 1999) ; Descartes à plusieurs reprises : Discours de la méthode (Le Livre de Poche, 2000), Lettre-préface des Principes de la philosophie (GF, 1996) et Principes de la philosophie (Vrin, 2009) ; Antoine Arnauld : Textes philosophiques (PUF, 2001) et Vraies et fausses idées (Vrin, 2011).
– En second lieu des études d’histoire de la philosophie consacrées à Descartes et aux cartésiens, notamment Deux cartésiens. La polémique entre Antoine Arnauld et Nicolas Malebranche (Vrin, 1999) ; Malebranche, (Vrin, 2004) ; Je pense donc je suis (Pleins feux, 2004).
– Enfin les essais. Passionné de ski de fond et de course à pied, il a dirigé un volume intitulé Activité physique et exercices spirituels. Essais de philosophie du sport (Vrin, 2008) où il a proposé une réflexion sur la course à pied selon saint Paul. Il s’oriente aussi depuis quelques années vers la philosophie de la religion, notamment avec Foi en Dieu et raison. Théodicées Deux essais de philosophie de la religion (Cécile Defaut, 2009) et un ouvrage consacré au thème du salut, Les Voies du salut (Bayard, 2010).
En septembre, il vient de faire paraître aux éditions Bayard « Dans le milieu d’une forêt ». Essai sur Descartes et le sens de la vie. Il s’agit d’un ouvrage plus personnel et engagé que les précédents, à tonalité parfois autobiographique. Il y mêle une présentation des principaux thèmes de la pensée de Descartes (le doute, le cogito, etc.) et une défense de la philosophie conçue comme exercice spirituel, activité susceptible d’améliorer l’existence de ceux qui la pratiquent.
Ses projets intellectuels ? « Écrire un livre sur le divorce, pour essayer de comprendre cette hécatombe de séparations qui aura marqué ma génération. Et publier un roman qui présenterait de façon narrative les thèses de mon livre sur le salut, en faisant se rencontrer deux univers qui le passionnent : celui du christianisme et celui du rock’n roll. L’ouvrage vient de paraître aux éditions de l’Oeuvre, « Dans l’ombre d’Adam » (*)
* http://www.caphi.univ-nantes.fr/Dans-l-ombre-d-Adam
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– Quelles sont les chansons, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées ?
– Denis MOREAU: les Psaumes. Certains cantiques de l’Ancien et du Nouveau Testament : le Cantique de Moïse qu’on chante lors de la veillée pascale (Exode, 15) ; le Cantique d’Ezechias (Isaïe, 38 : « Je disais, au milieu de mes jours je m’en vais »), qui m’accompagne depuis que j’ai atteint la quarantaine ; le Cantique de Zacharie et celui de Syméon, le Magnificat.
Le Salve Regina (ou Allo maman bobo d’Alain Souchon, mais c’est un peu la même chose). De nombreux chants de Taizé. L’hymne Dieu au-delà de tout créé de Didier Rimaud. Les Cantiques spirituels de Jean Racine.
One, de Metallica ; Redemption Song, de Bob Marley. Du groupe de « yéyé punk » Les Wampas : Le Seigneur est une fleur, L’Éternel, Ecl. 5.1, Ce soir c’est Noël, Vie mort et résurrection d’un papillon, Les Wampas sont la preuve que Dieu existe.
Et puis, quelque chose d’un peu bizarre. La première fois que j’ai entendu Quelqu’un m’a dit de Carla Bruni —c’était avant qu’elle devienne madame Sarkozy — j’ai pensé que le « tu » dont parle la chanson pouvait être Dieu : « Quelqu’un m’a dit que tu m’aimes / Mais qui est ce qui m’a dit que toujours tu m’aimais? » c’est exactement l’annonce de la Bonne nouvelle, non ?
– Selon vous, Dieu aime-t-il les chansons ?
Dieu aime toutes choses à proportion qu’elles sont aimables. Il aime donc toutes les chansons, du moins en tant qu’elles sont aimables. C’est dire qu’il les aime plus ou moins. Ainsi, de mon point de vue, Dieu aime beaucoup Palestrina, Bach, les Wampas, Iggy Pop ou les Ramones, et nettement moins Wagner, Michel Sardou, Joe Dassin, Lady Gaga ou le groupe Abba. Mais j’admets qu’il s’agit là d’une hypothèse sujette à discussion.
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
On entend les bienheureux chanter la gloire de Dieu et la béatitude que procure sa contemplation.
Que chantent les anges musiciens ?
Les anges musiciens chantent la gloire de Dieu et la béatitude que procure sa contemplation.
Si la prière était une chanson laquelle choisiriez-vous ?
L’Éternel des Wampas ). Et le Psaume 50, en essayant d’en donner une version rock. À ma connaissance, cela reste à faire.
– Qu’aimeriez vous chanter à Dieu en le rencontrant ?
Juste avant mon trépas, le Cantique de Syméon. Et juste après, Hallelujah de Léonard Cohen : and even though it all went wrong / I’ll stand before the Lord of songs / with nothing on my tongue but Hallelujah : soit, dans une traduction assez libre : et même si tout a foiré /je me tiendrai devant le Dieu des chansons/ avec pour seul viatique sur mes lèvres un Alleluia.
Mais d’un autre côté, je pense, ou j’espère, que ce que je verrai en rencontrant Dieu sera tellement beau que j’en resterai sans voix.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les chansons qui sont vos préférées. Les dix chansons à emporter sur une île déserte ?
Je triche, j’en donne plus de dix (depuis l’invention du lecteur MP3, on peut emmener plein de chansons sur l’île déserte !), dans l’ordre alphabétique :
AC/DC : Let there be rock ; Les Berurier noir : Salut à toi ; David Bowie : Ashes to Ashes ; The Clash : Guns of Brixton ; The Doors : The end ; Bob Dylan : Like a rolling stone (dans la version longue de l’album No direction home, qui atteint un degré d’incandescence remarquable) ; Guns and Roses : Coma ; Led Zeppelin : Stairway to Heaven ; Iggy Pop and Stooges : Raw power ; Joy Division : Ice Age ; The Mamas and the Papas : California dreamin’ ; Nirvana : Smells like teen spirit ; Noir Desir : Tostaky ; Oasis : Whatever ; Palestrina : Le Miserere (Psaume 50) ; Patti Smith : People have the power ; Pink Floyd : Comfortably numb (dans la version de l’album Delicate sound of thunder) ; The Pixies : Where is my mind ? The Ramones : Havanah affair ; The Sex Pistols : Anarchy in the UK ; Vivaldi : Nisi dominus (Psaume 126) ; Les Wampas : Trop précieux (dans la version de l’album Toutafon live) ; Neil Young : Hey hey, my, my (dans la version de l’album Live Rust) ; le Chant des Canuts.
Et tous les Psaumes.
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Celui du Psaume 42 (du moins tel qu’on le prie parfois aux Laudes) : « Envoie ta lumière et la vérité, qu’elles guident mes pas », c’est une prière de philosophe. Et celui de « Killing in the name of » du groupe Rage against the machine, que j’interprète comme un vigoureux cri de refus face à ce que le monde voudrait nous imposer : « fuck you I won’t do what you tell me ». Et celui de Pinhead, des Ramones : « Gabba gabba hey ».
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Le roi David (si on admet qu’il est l’auteur de la plupart des Psaumes), Palestrina, Jean-Sébastien Bach, Bob Dylan, Iggy Pop, Didier Wampas, Alain Souchon. Si on prend « auteurs » au sens large, il faut au moins ajouter Descartes, Spinoza, Malherbe et Flaubert.
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une chanson, laquelle était-ce ?
Eddie Vedder : « Long Nights ».
– Si Dieu était une chanson laquelle serait-ce ?
Du point de vue philosophique, cette question est mal formulée : Dieu étant, comme l’ont justement dit Descartes et Spinoza, une « substance infinie », il contient par définition toutes les chansons, du moins tout ce qu’il y a de beau en elles. Ce serait donc faire insulte à sa divinité et se comporter en idolâtre que de le réduire à une unique chanson.
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Sur le site de la revue NUNC: http://www.corlevour.fr/spip.php?article679
Sur site éditeur: http://m-editer.izibookstore.com/auteur/27/Denis%20MOREAU
Sur le site de la revue ETUDES: http://www.revue-etudes.com/auteur/Moreau_Denis/24963
Sur le site de l’Université de Nantes: http://www.caphi.univ-nantes.fr/CV-Denis-Moreau
En librairie, septembre 2014: http://www.caphi.univ-nantes.fr/Pour-la-vie-Court-Traite-du
Mon commentaire Merci Yann pour votre ouverture du coeur
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