Claire Leuridan. « Nous goûterons un festival d’harmonies dépassant tout ce que nous avions entendu de meilleur sur la terre ! »

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L’invitée du blog: Claire Leuridan. Théologienne, enseignante. Auteure.

Théologienne. Maître de conférence à l’Institut Catholique de Toulouse Claire Leuridan a publié en 2024 Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et les escaliers, Douze leçons de vie spirituelle,
préface de Denis Chardonnens, ocd, Paris, aux éditions C.L.D., (348 p.,)

L’avis du libraire de La Procure Paris: « Le chemin de la sainteté prend souvent l’allure d’une rude montée ! En repérant chez la sainte de Lisieux douze escaliers qui mènent au Ciel, l’autrice, professeure à la Catho de Toulouse, décrit en fait autant de raccourcis. Cette lecture originale et stimulante des œuvres de Thérèse sera une manne spirituelle même pour ceux qui ne la connaissent pas encore.

Guillaume, libraire à La Procure de Paris

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Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées ?

-Claire Leuridan:Toutes sortes de choses !

  • Le répertoire sacré, et plus spécialement (mais pas exclusivement) la période baroque. Sauf quand les compositeurs font trop d’« effets spéciaux », car je préfère la puissance de la sobriété.
  • Des chants en hébreu ou en Français sur des textes bibliques : rien n’est plus fort que la Parole de Dieu, et lorsqu’une composition la sert adéquatement, c’est précieux, tant pour laisser résonner cette parole que pour la mémoriser.
  • Des répertoires plus particuliers comme
    • les evensongs du Kings College à Oxford 
    • certains flamencos
    • les polyphonies corses
  • etc.

Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?

Assurément ! Comment en serait-il autrement ? Rappelons-nous : le psalmiste interroge : « Lui qui a créé l’oreille, il n’entendrait pas ? » (Ps 94,9) Il a créé la voix et les cordes vocales, l’intelligence qui sait réaliser des instruments de musique, les organiser entre eux et les concilier avec la voix humaine, et il n’aimerait pas que l’on s’en serve ? Il a tout créé et disposé avec ordre et harmonie, et il n’aurait rien à voir avec la musique et le chant ? À diverses reprises, il donne même dans la Bible des prescriptions pour que l’on fasse retentir tel ou tel instrument et que l’on chante !

De plus, Dieu nous a donné de pouvoir réjouir nos sens de bien des façons, et Il nous invite à goûter et voir comme il est bon (cf. Ps 33,1), alors s’il n’aimait pas la musique pour lui-même, il l’aimerait pour l’homme en sachant quel cadeau il a voulu lui faire à travers elle…

(Remarquons cependant une chose : cela ne signifie pas que toute musique soit également propre à nous porter à Dieu et à transmettre quelque chose de sa beauté, de sa grandeur, de sa puissance, de sa délicatesse…)

Au paradis quelles musiques y entend-on ?

D’après la Révélation, des sons grandioses et flatteurs pour l’oreille, conjuguant voix et instruments. Cf. Apocalypse 14,2-3 : « J’entendis du ciel une voix qui ressemblait au bruit de grosses eaux, au grondement d’un fort coup de tonnerre. Le son que j’entendis était aussi comme celui de joueurs de harpe jouant de leur instrument. Ils chantaient un cantique nouveau devant le trône, devant les quatre êtres vivants et les anciens. Personne ne pouvait apprendre ce cantique, excepté les cent quarante-quatre mille qui avaient été rachetés de la terre. »

À mon avis, nous entendrons des sons qui nous rappelleront ce que nous avons pu apprécier déjà, et aussi de l’inédit. Car de même que certains de ceux qui ont vécu des expériences de mort imminente ont découvert où ils ont été brièvement introduits des couleurs qu’ils n’avaient jamais rencontrées sur cette terre, on peut gager que nous goûterons un festival d’harmonies dépassant tout ce que nous avions entendu de meilleur sur la terre !

Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?

Elles sont multiples, et rien d’étonnant à cela étant donné qu’il y a bien des formes de prières. Certaines seront plus intériorisées ou intimistes, servant le recueillement qui nous dispose à l’écoute de cette « voix d’un silence ténu » dont parle 1 R 19,12, d’autres plus éclatantes, que ce soit dans le sens de la louage (comme le Dixit Dominus de Haendel, les « grands motets » de Mondonville) ou de la supplication. Elles peuvent ouvrir à l’espérance au sein de ce qui est le plus dramatique (comme l’expérience de la mort et de la finitude) : pensons peut-être aux Requiems de Mozart ou de Fauré…

Que chantent les anges musiciens ?

La gloire de Dieu, qui se traduit notamment par l’incroyable déploiement de son dessein d’amour en faveur de notre humanité ! Cette gloire se décline de tellement de manières, que là encore, une réponse univoque n’est pas possible. De plus, chaque ange ayant sa mission propre, on peut s’attendre à la plus suprême harmonie mettant en valeur et en interaction ce qui est spécifique à chacun !

Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?

Vous aurez compris que je ne saurais me limiter à une seule… De même que les psaumes reprennent toute la palette de ce que vit l’être humain, de même la prière fait monter vers Dieu toutes sortes d’appels, d’émerveillements, de cris, de soupirs, d’enthousiasmes, de reconnaissance… La prière exprime tout ce qui fait vibrer le cœur humain, ce qui fructifiera en une palette de chants et de musiques incluant une symphonie multicolore où alternent les orchestres les plus larges, aussi bien que les musiques de chambre ou les petits chœurs, les solos, les chants a capella et les unissons comme les harmonies les plus élaborées.

Qu’aimeriez- vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?

J’aimerais que mon chant proclame à quel point sa sagesse nous dépasse (cf. Is 55,9) et combien son Amour nous donne infiniment plus que ce que tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer (cf. Ephésiens 3,20), y compris par des voies que nous n’aurions jamais pensé emprunter… Je voudrais que mon chant soit un chant d’amour et de reconnaissance pour son amour fou qui dépasse tout, qui ressaisit tout et transfigure tout, pour peu que nous prenions le risque de le lui permettre !

Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte ?

Si je dois me retrouver sur une île déserte, je vérifierai avec Dieu à quoi il est souhaitable de donner priorité. Il saura m’aider prévoir ce qui se révèlera le plus opportun, et ainsi m’aider à choisir. Je voudrais certainement prendre des chants liturgiques pour soutenir l’appel à prier avec d’autres même en dans ce contexte où je devrais me retrouver seule, et je puiserais dans le répertoire sacré et les textes bibliques, j’ajouterais des chants qui reprennent les paroles des saints du Carmel dont je suis proche, et je regarderais du côté des pièces que je mentionne au point suivant.

Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?

Impossible d’en isoler un seul et unique, là encore… Dieu a plutôt tendance à inclure qu’à isoler, et il intègre tant de choses qu’on n’en voit pas la fin ! Il faudrait juxtaposer le « De torrente » du Dixit Dominus de Haendel, le Miserere d’Allegri, le Stabat Mater de Pergolèse, La catedral d’Agustin Barrios, la passion selon st Matthieu et la Passion selon st Jean de JS Bach, ou sa toccata et fugue en rém, la messe en ut majeur ou celle en Si mineur de Mozart, la Pasión Segun San Juan d’Angel Parra, « Death of a son » de Michael Card, les compositions du Jerusalem Boys Choir ou de Shlomo Carlebach, « La morte di Francesco » d’Angelo Branduardi, etc.

Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?

Dans le désordre : 

  • Giovanni Pierluigi da Palestrina;
  • William Byrd,
  • Henry Purcell,
  • Georg Friedrich Haendel,
  • Jean-Sébastien Bach,
  • Wolfgang Amadeus Mozart,
  • Jean-Baptiste Pergolèse,
  • Jean-Joseph Cassanéa deMondonville,
  • Roland de Lassus,
  • Etc.

– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?

La semaine dernière, avec Harpa Dei, « El pequeno coro »

Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?

Dans la mesure où Dieu, ainsi que le souligne sainte Élisabeth de la Trinité, est toujours penché vers nous pour nous faire du bien et nous établir en Lui dans cette intimité qui comble nos désirs, je suis portée à penser que si Dieu était un chant ou une musique, ce serait encore celui qui correspondrait le mieux à ce que chacun vit à un moment donné… Un choix personnalisé correspondant à la fois à la personne concernée et aux circonstances dans lesquelles elle se trouve. Ainsi est Dieu : Il ne cesse jamais de nous aimer et de nous vouloir du bien !

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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