Charlotte Jousseaume. Ecrivain.
Dans son récent ouvrage « Quatuor mystique », paru aux éditions du Cerf, Charlotte Jousseaume fait entendre la prière de quatre maîtres spirituels ayant en commun d’avoir traversé l’épreuve de la nuit. Avant de renaître, porteurs d’une lumière vive (Jean de la Croix, Teilhard de Chardin, saint Silouane de l’Athos, Maurice Zundel.)
Née en 1967 Charlotte Jousseaume a conseillé des entreprises du CAC 40 avant de créer sa propre agence de communication spécialisée dans la symbolique des marques. Proche des Fraternités de Jérusalem, elle a publié plusieurs ouvrages depuis 2010 (« Le silence est ma joie » aux éditions Albin Michel). Elle anime également des ateliers autour de l’intériorité.
Elle explique que « Quatuor mystique » est un livre d’écoute et de résonance de quatre musiques de l’âme. » J’ai envoyé le « Quatuor mystique » au compositeur Arvo Pârt, avec qui j’avais eu un très bref échange quand il était venu, en 2013, au Collège des Bernardins pour dédicacer son livre publié chez Actes Sud. C’est Arvo Pârt qui a fait connaître Saint Silouane en Occident et qui, d’ailleurs, a mis en musique plusieurs de ces textes. J’ai écrit le « Quatuor mystique » dans le silence de la montagne et de ma cellule de la résidence d’écriture du monastère de Saorge. J’avais écrit « Le silence est ma joie » en écoutant en boucle, dehors les nuits d’été, les « Chants de psaumes et de cithare » de Maguy Gérentet. A chaque livre, son enveloppe sonore ! »
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– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées ?
–Charlotte Jousseaume: Les musiques qui me parlent le plus de Dieu sont : les compositions d’Hildegarde de Bingen, où le féminin entre en résonance avec toute la création et vibre de la chair de Dieu; les chants de la Sybille, prophétesse de la mythologie grecque qui était convoquée le jour de Noël dans les traditions provençales et espagnoles pour annoncer la fin du Monde, et à laquelle Montserrat Figueras prête si bien sa voix ; le « Stabat Mater » de Pergolèse, tant pour la beauté du poème et la force des mots, que pour sa mise en musique et en voix ; les « Leçons de ténèbres » de M.A Charpentier pour accompagner la descente dans la nuit et le jaillissement de la lumière le long de la Semaine Sainte; et puis, aujourd’hui Arvo Pärt, bien sûr, pour le silence de la mer Baltique.
– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Dieu aime la musique car il est amour et musique. Je conçois Dieu comme un instrument de musique : une caisse de résonance à l’intérieur duquel résonne tout le Vivant. Dans le coeur de Dieu, résonnent tous nos souffles, tous nos chants, tous nos cris, tous nos rires, et, au-delà de nous, la lumière dont les ondes parcourent en silence l’univers.
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Le paradis, c’est le jardin d’Éden où nous serons à jamais toute chair au milieu des arbres, des fleuves, des licornes, des papillons. J’espère y entendre le souffle de Dieu dans les feuilles et les pétales d’iris, le battement des ailes des colibris, le chant des baleines au fond des océans, le brame des cerfs, la respiration de l’herbe, le murmure des eaux vives. Toutes les musiques du Vivant.
–Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Les musiques qui invitent le plus à la prière sont celles chantées à capella : la voix humaine, dans sa plus grande nudité, qui révèle l’intériorité, la profondeur et la vérité d’une personne. Je suis très sensible à la voix dans laquelle tout s’entend et par laquelle tout se sait.
–Que chantent les anges musiciens ?
Ils chantent ce que la chair humaine ne sait pas voir, entendre, respirer, goûter, caresser. Ils chantent ce qui échappe à nos sens, à notre coeur et à notre esprit. Ils chantent l’invisible, l’inouï, la bonne odeur de Dieu, les délices éternels, le sein de Marie. Ils le chantent en silence et en lumière, d’un simple frémissement d’ailes.
–Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Je choisirais le chant du brin d’herbe qui croit humblement, en silence, à la lumière du soleil et à la clarté de la lune. Ce brin d’herbe dont le labeur est aussi essentiel que celui des étoiles.
– Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Un chant d’amour, bien sûr, et, peut-être, un de ces chants celtes, qui racontent un long périple en mer, sans gouvernail, avec pour seul arrimage le souffle des vents et la force des courants, avec pour seule carte les constellations dans le ciel, à la recherche d’îles bienheureuses et d’animaux fantastiques. Un chant qui célèbre ce voyage qu’est notre vie sur Terre.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
Des morceaux de musique qui m’ont accompagnée à différents âge de ma vie :
Allegri « Miserere »
Purcell « O solitude »
Pergolèse « Stabat mater »
Bach « Que ma joie demeure »
Mozart « La petite musique de nuit »
Schubert « Le voyage en hiver »
Schönberg « Le Pierrot lunaire »
Hazell « Jeux interdits »
Nyman « La leçon de piano »
Mari Boine « Mu vaibmu vadjul doppe »
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Ces quatre phrases qui sont chantées successivement sur un même refrain musical dans la très belle chanson de Leny Escudero sur la figure du père « Vivre pour des idées » : « Un peu de sang coulait sur la joue de mon père », « Une larme coulait sur la joue de mon père », « J’ai couru me blottir dans les bras de mon père », « Je sais lire et écrire, et mon père est vivant » ! Un bel hommage à tous les pères !
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Mon adolescence a été bercée par les premiers albums de Bruce Springsteen, qui est un grand parolier et qui m’a transmis sa force et sa rage de vivre !
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Le chant à voix nue de la chanteuse saame, Mari Boine, « Mu vaibmu vadjul doppe », tiré de son album « Eight seasons ». Toute la beauté du souffle sauvage de la Laponie, avec ses nuits d’hiver et ses jours d’été, porté par la gorge profonde et la tessiture de voix d’une femme, tout aussi sauvage que la Terre qui l’a vue naître.
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Dieu est, pour moi, le fin silence de « l’heure bleue », lorsque les premières lueurs du jour viennent fendre la nuit à l’horizon et que la nature, après un court mais réel instant de sidération, se met à écouter les premiers chants d’oiseaux. À les écouter, à les laisser résonner dans le silence et à leur obéir car il est temps de s’éveiller ! Dieu est un silence et un chant d’éveil.
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Le site: charlotte-jousseaume.fr/index.php/ateliers
éditions du cerf: https://www.editionsducerf.fr/
Mon commentaire Merci Yann pour votre ouverture du coeur
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