Alexandra Puppinck Bortoli. « Entrevoir l’invisible et entendre l’indicible »

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L’invitée du blog: Alexandra Puppinck Bortoli

 

Philosophe de formation l’auteure propose d’explorer et d’enrichir le besoin de spiritualité, cette part intime et mystérieuse de chacun. A partir d’expériences sensibles qu’offrent la poésie, la beauté, l’art, le sacré, la religion, le souffle, la vie, des chemins s’ouvrent à la réflexion et la pratique. L’objectif d’aider chacun à faire un pas de plus dans cette voie, d’ouvrir des espaces, est parfaitement atteint.

Un pas de plus

Alexandra Puppinck Bortoli

Cerf, 159 p.

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-Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous

avez entendues et appréciées ?

Alexandra Puppinck Bortoli: Ma foi doit beaucoup à la musique, sans elle, elle se découragerait souvent.

Certaines musiques ont sur moi un pouvoir élévateur irrésistible. Elles me font

entrevoir l’invisible et entendre l’indicible, elles me parlent de ce je-ne-sais-

quoi (expression empruntée au philosophe Jankélévitch) que j’appelle Dieu.

Mes goûts musicaux sont hétéroclites, je me laisse emporter par le 1 er

mouvement de la symphonie n°2 de Résurrection de Gustave Mahler, par le

Requiem de Gabriel Fauré, la Grande Messe en Ut de Mozart… Chacun à sa

manière se fait l’écho du divin et provoque en moi une expérience mystique,

une augmentation des sens. (Mots du compositeurs Liszt).

Dans un tout autre genre, j’aime écouter du gospel, ces chants sont autant de

prières qui me touchent ; ils dégagent des vibrations originelles et universelles

mêlées de gravité et d’espérance, je pense à Mahalia Jackson ou Aretha

Franklin. Certains morceaux de jazz, au jeu tissé d’accords inattendus,

m’ouvrent sur une conversation avec Dieu.

Récemment j’ai réécouté l’album Thèrése, vivre d’amour, interprété par

Natasha Saint-Pier, Michael Lonsdale, entres autres, d’après les textes de sainte

Thérèse de Lisieux. Ces chansons sont vibrantes, chaque parole est une perle.

Je pense aussi à La prière de George Brassens ou encore à God is God

interprété par Joan Baez.

-Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?

Je me plais à imager imaginer  que Dieu aime lorsque nous chantons, jouons de la belle

musique ou en écoutons, car ainsi il entend notre cœur s’ouvrir et peut nous y

rejoindre. Peut-être est-ce pour cela que la musique me fait parfois me sentir

habitée, transportée par quelque chose qui me dépasse….

 

– Au paradis quelles musiques y entend-on ?

Un silence habité par la Présence qui se passe de musique ; un silence

merveilleux que jusqu’alors je n’aurais jamais entendu.

 

-Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?

Les œuvres de Jean-Sébastien Bach comptent parmi celles qui me guident vers

le ciel, je pense à Ich ruf zu dir (Je crie vers Toi, Seigneur). D’autres encore

comme, Le cantique de Jean Racine, composé à l’âge de 19 ans par Gabriel

Fauré – musique époustouflante, inqualifiable qui m’embarquent sur une autre

rive et me rappellent que j’ai une âme. Ou la somptueuse Missa in Augustiis de

Haydn, dite de Nelson, cette œuvre me transporte en une élévation glorieuse

et lumineuse.

Bien d’autres formes musicales irriguent mon cœur et mon âme assoiffée de

spiritualité et de transcendance, je pense en particulier à la beauté inouïe des

chants venus d’Orient qui accompagnent la sainte et divine liturgie à l’église

grecque melkite catholique, Saint-Julien-Le-Pauvre. Ce chœur de voix a capella

porté par des siècles de prières et de méditations me rejoint en creusant mon

intériorité et en ouvrant en moi des espaces mystiques de communion au divin.

Ces musiques me libèrent du monde et de moi-même et me font passer du

chant du monde au chant divin, instants suspendus de plénitude, d’absolu et

d’éternité.

Dans un tout autre style, j’aime chanter avec d’autres quelques chants de

louange de l’Emmanuel comme Regardez l’humilité de Dieu ou Esprit de

lumière, Esprit créateur ou Mon père je m’abandonne à toi et Pourquoi ne pas

te louer qui a connu un succès hors les murs des églises récemment ! Ces

louanges partagées dilatent et regonflent mon cœur d’espérance, d’amour et

de joie.

Une oraison, une supplication, une prière de gratitude ou d’abandon, une

récitation de chapelet, une méditation solitaire, une prière collective ou un

élan spontané d’émerveillement… toutes ces formes de prière ont une

résonance différente dans mon cœur, elles entrent en harmonie avec

différentes musiques ou nécessitent le silence parfois.

 

-Que chantent les anges musiciens ?

Une musique que je ne connais pas encore mais que j’ai pu parfois deviner

dans certaines de mes émotions musicales. Je pense à quelques passages du

Requiem : In Paradisum de Gabriel Fauré et aux envolées magnifiques du

Miserere mei, Deus de Gregorio Allegri… Les chefs d’œuvres picturaux des

grands maîtres nous donnent quelques indices : en contemplant, par exemple,

le lumineux tableaux du Couronnement de la Vierge de Fra Angelico, il se peut

que nous entendions des voix s’élever, accompagnées d’une multitude

d’instruments joués par de ravissants angelots musiciens aux auréoles dorés,

qui entourent la Vierge. Alors tendons l’oreille !

 

Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?

Il me vient à l’esprit une chanson poignante de Dalida dans laquelle elle

s’adresse de tout son cœur et de toute son âme à Dieu, dans O’ Seigneur Dieu

(pourquoi m’as-tu abandonnée ?). Elle se livre à Lui, « sans filtre », en toute

vérité et liberté. Ses paroles tantôt poétiques me font penser à celles que l’on

retrouve dans les psaumes. « Ô Seigneur Dieu, pourquoi m’as-tu abandonnée ?

Mon cœur saigne, je suis l’agneau parmi les fauves / Mon âme s’est traînée

plusieurs fois dans la fange. Sans un signe du ciel, sans le secours d’un ange. Ô

Seigneur Dieu, pour ça il faut me pardonner… ».

En cela cette chanson – à redécouvrir – est une prière inattendue, d’une réelle

ferveur.

 

– Qu’aimeriez- vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?

Le chant de mon âme transcendé par la lumière et la miséricorde divine… un

chant d’amour pour Dieu aux notes sautillantes et légères de l’eau d’une

rivière, et qui aurait la douceur de la brise, la fraicheur de la rosée, la beauté de

l’aurore, et l’écho d’un rire d’enfant. Un chant d’une grande pureté qui, je

l’espère, enchantera Dieu.

 

– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons

qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île

déserte ?

« Sur l’île déserte il faut tout emporter » fredonne Brassens. Je choisirai celles

qui font voyager mon âme sur toute la gamme de mes émotions : une chanson

d’Aretha Franklin pour les jours où la tristesse pointe son nez, en un refrain, la

joie revient. Le trio Reggiani-Brel-Barbara, pour accompagner avec délice mes

instants de nostalgie et de mélancolie. Plusieurs morceaux de Jean-Sébastien

Bach pour les moments heureux, un autre de Wagner s’il me prenait à rêver à

de grandioses épopées ou de Tchaïkovski pour me plonger dans les méandres

de l’amour. Mais aussi la Serenade for Strings de Antonin Dvorak qui

accompagne mon réveil, quelques concertos et sonates de Mozart avec qui

j’écris depuis des années. Sans oublier une symphonie de Beethoven et

plusieurs opéras (Lesquels ? j’hésite encore). Un Prélude de Chopin pour voir le

sourire de ma mère et Don’t Blame Me du jazzman Thelonious Monk pour

entendre la voix de mon père. Et au fond de ma valise …. Une chanson de la

comédie musical Mamma Mia pour danser et rire avec mes enfants que

j’emmènerai bien avec moi sur l’île déserte – Ils auront certainement dans leurs

poches quelques morceaux de leurs rappeurs préférés à me faire découvrir…

 

Il me semble que je suis bien au-delà des 10 et ma liste ne fait que

commencer… Cette question est terrible ! Brassens avait raison « Sur l’île

déserte il faut tout emporter ! »

 

– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?

Une multitude de refrains, me font chantonner – le plus souvent à mon insu –

dans le métro ou dans la rue. Mais celui dont jamais je ne me lasse est Le lieder,

Schwanengesang D.957: IV de Schubert.

 

– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent

pour vous ?

Vous l’aurez compris Jean-Sébastien Bach, dont les Variations Goldberg

interprétées par Glen Gould ou Alessandro Marcello, transcrit par J.S. Bach,

interprété au piano par Anne Queffelec (Auszug BWV 974). Gustave, Fauré,

Schubert, les opéras de Mozart … mais aussi des chanteuses comme Dalida,

Edith Piaf, Barbara ( Drouot à écouter ! ), Amalia Rodrigues, Adèle, Joan Baez,

qui par leur sensibilité me bouleversent.

 

– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une

chanson, laquelle était-ce ?

Je viens de découvrir un morceau de jazz qui m’enthousiasme : Purple Soul de

Rémi Panossian.

 

Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?

Mon Dieu, la supplique adressée au ciel, d’Edith Piaf « crucifiée » par un destin

tragique. C’est une interprétation toute personnelle, mais j’entends dans sa

voix le Eli Eli lama sabachthani, de Jésus sur la Croix.

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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