L’invité du blog: Philippe Le Guillou. Auteur de Notre-Dame de l’univers, éditions Gallimard, 267 p.,
Les tours de Notre-Dame (sur réservation) accueillent le public depuis ce 20 septembre. D’ici fin 2025 les équipes de la cathédrale attendent environ 15 millions de visiteurs, Notre-Dame devenant le monument français le plus visité actuellement.
–Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
-Philippe Le Guillou: Des chants grégoriens écoutés, comme chaque année, à l’approche de Noël.
–Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
On peut le penser. Les maîtres de la peinture flamande l’ont souvent représenté entouré d’anges musiciens.
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Des hymnes, des psaumes, des louanges infinies.
–Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Pour moi, la prière doit être intérieure, silencieuse, sans accompagnement musical.
–Que chantent les anges musiciens ?
Cf réponse plus haut.
–Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Le Ruth Wohl de la Passion selon saint Jean de J.S Bach.
– Qu’aimeriez- vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Je serais incapable de chanter, tout juste de murmurer, et encore…
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
Je suis bien incapable d’établir une liste précise de mes préférences musicales. Je dirais les Passions de Bach, les Années de pèlerinage de Liszt, le Requiem allemand de Brahms, celui de Fauré, mais aussi Brassens et les gwerzioù de mon compatriote breton Denez Prigent. Et « L’aigle noir » de Barbara, son « Enfant laboureur », quelques chansons de William Sheller aimées dans ma jeunesse…
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Le « Il n’y a pas d’amour heureux » d’Aragon chanté par Brassens.
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Bach, Mozart, Liszt, Jean Guillou et Eric Tanguy.
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Tout récemment, en réentendant le « Rorate » chanté par les moines de Cîteaux au début des années 50.
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Dieu ne saurait être contenu dans une musique, si belle, si puissante soit-elle. Les œuvres humaines sont par nature limitées, contingentes. Ou alors, une brise légère, ce murmure de Dieu qu’entend le prophète Elie…
A lire dans LA CROIX
« Notre-Dame de l’univers » de Philippe Le Guillou : méditation sur une cathédrale
(Publié le 19 février 2025)
Le romancier Philippe Le Guillou se livre à une très belle méditation sur ce qui nous lie au destin de Notre-Dame de Paris.
Notre-Dame de l’univers
de Philippe Le Guillou
Gallimard, 267 p.,
Depuis l’incendie du 15 avril 2019 jusqu’à la réouverture, le 7 décembre dernier, la cathédrale Notre-Dame de Paris a donné lieu à une multitude de publications. Que Philippe Le Guillou y ajoute encore un livre avait-il un sens ? On pouvait en douter en ouvrant ce volume. Au moment de le refermer, on éprouve au contraire de la reconnaissance. Par son écriture calme et précise, le romancier et essayiste nous permet de mieux comprendre pourquoi ce monument nous habite autant.
Pour bien parler de Notre-Dame, il faut s’intéresser à la spiritualité, à l’histoire politique, à l’architecture, au développement urbain, à la littérature… La force du livre de Philippe Le Guillou est de nous entretenir de toutes ces dimensions, sans jamais recourir au langage intimidant des « sachants ». Ainsi s’agissant de l’urbanisme, l’auteur a une manière toute naturelle de nous faire prendre conscience de l’emplacement inouï de la cathédrale : au centre même de la ville et en même temps protégée par son île.
Pas un « Que sais-je ? » sur Notre-Dame, mais l’œuvre d’un écrivain
L’érudition littéraire de Philippe Le Guillou le conduit à de passionnants développements. Par exemple en soulignant le parallèle entre la construction d’un édifice gothique et la « cathédrale de mots » de la Recherche du temps perdu, bâtie par Marcel Proust qui fut aussi le traducteur d’un livre de John Ruskin sur la cathédrale d’Amiens.
Dans cet ordre de réflexions, Victor Hugo occupe naturellement le premier rang avec son gigantesque roman – écrit à 29 ans : « Hugo s’est approprié Notre-Dame (…), bien avant Viollet-le-Duc qu’il inspirera, il l’a restaurée, il l’a remise au cœur des curiosités et des admirations, il l’a doublée pour toujours de sa transposition littéraire. »
Philippe Le Guillou est aussi un homme de foi. Il connaît bien l’Église catholique et ceux qui en ont la charge. Cela nous vaut de savoureuses remarques sur les archevêques successifs de la capitale. Et, en particulier, un portrait, à la fois incisif et affectueux, de Jean-Marie Lustiger, qui ne laissera pas indifférents ceux qui ont connu le cardinal.
Le livre est concis. Mais nous ne sommes pas dans un « Que sais-je ? » sur Notre-Dame. Il s’agit de l’œuvre d’un écrivain dont la plume nous emporte. Comme lorsqu’il évoque le retour des visiteurs : « Même s’ils ne croient à rien, il y aura dans leurs pas, dans cette lente remontée, un acquiescement timide, un balbutiement de foi, un abandon à l’espérance. »
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