L’invité du blog: Ibrahim Maalouf.
Le trompettiste, et compositeur franco-libanais ouvre ce vendredi20 mai 2022 avec l’Haïdouti Orkestar, la 41ème édition du festival Jazz sous les Pommiers, à Coutances (dans la Manche). Il répond aux questions du blog musical alors qu’il a repris une grande tournée et mène plusieurs projets de front. Dont une création, « Free Spirit » dans la basilique, le jeudi 9 juin à 20h30 dans le cadre du festival de Saint-Denis
Les sites: https://www.jazzsouslespommiers.com/
Ibrahim Maalouf: https://www.ibrahimmaalouf.com/
Festival de Saint-Denis: https://festival-saint-denis.com/concert/220609_free-spirit-ibrahim-maalouf/
Relire la première contribution d’Ibrahim Maalouf au cabaret du bon Dieu (3 juin 2013) https://au-cabaret-du-bon-dieu.blogs.la-croix.com/ibrahim-maalouf-si-vous-me-demandez/2013/06/03/
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-Vous reprenez les grandes tournées. Estimez-vous que c’est un retour à la normale dans le domaine culturel et plus spécialement musical ? Ou faut-il tenir compte de nouvelles donnes (nombre de spectateurs, etc.) de façon pérenne désormais?
–Ibrahim Maalouf: :En effet, je pense qu’on a retrouvé une forme de normalité. Il subsistera de toutes façons toujours une inquiétude même très légère de la part de toutes les personnes qui sont liées de près ou de loin à nos métiers, car nous avons vraiment vécu une période très très compliquée… Les annulations, les problèmes d’assurances, et les problématiques de disponibilités et de remboursements de billets ont été tellement complexes à gérer, qu’il sera impossible de ne pas y penser à chaque fois que nous programmons des tournées.
– Comme artiste franco-Libanais, comment voyez-vous la situation actuelle de votre pays d’origine ? Quelle place les artistes peuvent-ils prendre dans les défis qu’affronte ce pays ?
Le Liban traverse la pire crise de son histoire, économiquement, socialement, démographiquement… À tous points de vues. Il suffit de voir l’effet que la crise a sur tous les événements culturels pour comprendre le degré d’impact que cette crise a sur la société libanaise qui n’a pourtant jamais, mais vraiment jamais, été autant impactée culturellement.
Les artistes libanais malheureusement sont nombreux à quitter le pays. Je ne sais pas dans quelle mesure, à distance, nous pouvons agir, mais mon admiration vient avant tout à tous ceux qui continuent sur place à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour continuer de créer, de se réinventer, et d’entretenir la passion musicale, artistique, et culturelle du peuple libanais.
-Votre plaidoyer pour l’improvisation y compris dans le répertoire classique est connu. Comment le message et la pratique progressent-ils ?
Je suis en effet un très grand militant de l’improvisation, et de la réintégration de l’improvisation dans tout le système pédagogique scolaire et musical. L’effet de cette démarche ne pourra se voir effectivement que dans quelques années. Pour l’instant je pense qu’il faut surtout agir au niveau des mentalités, faire accepter à tout le monde que véritablement nous sommes tous capables d’inventer, de créer, et de se servir de la musique pour réinventer notre monde.
–Vous revenez à Coutances avec le Haïdouti Orkestra. Que représente le festival jazz sous les pommiers dans votre parcours ? Qu’y trouvez-vous ? Ou pas ?
Le festival jazz sous les pommiers à Coutances a été l’un des moteurs du développement musical que j’essaie d’opérer depuis quelques années. Le festival m’a beaucoup encouragé dans ma recherche de métissage entre le jazz et toutes les autres musiques qui m’intéressent. Coutances m’a toujours accueilli avec générosité, et le festival m’a fait confiance depuis le début.
-Vous vous dédiez à différents styles de musiques. Quelle place trouve le jazz dans cet éventail ? Le jazz réussit-il notamment à traduire le métissage que vous soulignez souvent ? Où sont les résistances ?Qu’en est-il dans le monde arabe ?
Dans toutes les formes artistiques, il y a des résistances contre le changement il y a toujours des réticences dès qu’on essaie de transformer, de moduler, et de faire évoluer une culture. Je ne regarde pas beaucoup derrière moi et je n’aime pas vraiment m’attarder sur les freins ou sur les bâtons qu’on met dans les roues. J’avance depuis très longtemps et nous sommes très nombreux dans le jazz à le faire en étant engagés, passionnés, et dédiés entièrement à la musique de notre époque.
– Globalement la réalité du métissage rencontre des obstacles sinon des fortes oppositions et rejet. Comment convaincre ?
À mon sens la meilleure manière de convaincre est simplement de créer et de laisser le temps faire son travail. On ne force pas les gens à nous aimer… La dimension du temps est très souvent sous-estimée. Pour cela il faut beaucoup de patience, et j’en ai beaucoup…
-Vous enseignez aussi la trompette. Comment se porte cet instrument ? Comment les nouvelles générations l’aborde-t-il ?
J’ai longtemps enseigné la trompette, mais cela fait bientôt 10 ans que j’ai décidé de dédier mon temps d’enseignement à l’improvisation. La trompette est un instrument souvent mal-aimé, dans la culture populaire. Contrairement à beaucoup de pays dans le monde, en France la trompette est essentiellement réduite à son rôle dans les fanfares, ou dans les orchestres militaires. Heureusement il y a les amoureux du jazz qui savent… Mais dans l’immense majorité de la conscience collective, c’est un instrument qui semble très limité. Et pourtant… Une énorme partie de mon travail dans l’enseignement de la trompette a été de convaincre que cet instrument était bien plus riche qu’il n’en a l’air. En particulier parce qu’il peut à la fois être très puissant, mais également chuchoter comme une fois humaine. C’est d’ailleurs ce qui m’a fait aimer cet instrument, et c’est même ainsi que je m’en sers le plus en concert et dans ma Musique. Douceur et puissance.
-Quels sont vos nouveaux projets ou envies ?
Je viens de sortir un duo avec la chanteuse brésilienne flavia Coelho: « El Mundo ». Je prépare deux albums : un album en duo avec la chanteuse Angélique kidjo qui sort en Juin, et un autre d’influence beaucoup plus urbaine qui sortira en novembre 2022. Par ailleurs je travaille sur plusieurs musiques de films.
– Quels sont les maîtres –hormis vos parents- qui ont marqué votre parcours ? Comme compositeur ?
Étant un grand passionné de musique de film, je me rends compte que ce sont ces musiques qui me touchent le plus. Je pense à Morricone, à Hans Zimmer, à Maurice Jarre, à Michel Legrand, à Alexandre Desplat, à Armand Amar, et tellement d’autres…
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