L’invité du blog: Régis BURNET. Professeur à l’Université catholique de Louvain. Présentateur de l’émission hebdomadaire de réflexion La foi prise au mot sur la chaine KTO.
A voir sur KTO
Dans l’émission « L’esprit des lettres« : https://www.ktotv.com/video/00374513/lesprit-des-lettres-saison-2021-2022
https://www.ktotv.com/podcasts/linvite-de-regis-burnet
Régis Burnet vient de publier aux éditions PUF, 24 heures de la vie de Jésus . Voir ci-dessous l’article paru dans LA CROIX.
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–Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées ?
Plus les musiques semblent éloignées de la religion, plus elles sont intéressantes. « Romeo et Juliette » d’Abd el Malik dit beaucoup de choses sur une jeunesse paumée et ce chef-d’œuvre sans égal de la décennie 2010 qu’est « Formidable » de Stromae aussi.
–Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Il aime tellement la musique, qu’on pourrait même prétendre qu’il a créé le monde pour mieux l’entendre : « Que ton nom est magnifique par toute la terre ! Mieux que les cieux, elle chante ta splendeur ! » (Psaume 8,1). Imaginer que le monde est une sorte de mange-disque super perfectionné construit pour le plaisir de l’auditeur divin a quelque chose de franchement réjouissant.
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Soyons francs, le DJ du paradis est archinul. Le livre de l’Apocalypse nous dit que la seule musique qu’on entendait devant le trône était « Saint saint saint, le Seigneur, Dieu de l’Univers, celui qui était qui est et qui vient ». Les paroles ne valent rien. Elles sont d’une banalité à mourir, car elles redisent à Dieu qui il est comme s’il ne le savait pas mieux que quiconque. Quant à la musique, même si elle est angélique, répétée pour les siècles des siècles, elle doit tourner à la scie. Des millénaires d’ennui. Heureusement, l’Agneau vint et on se promettait un « cantique nouveau ». Allait-on enfin faire tourner du Kanye West ou du Beyoncé sur les platines célestes ? On eut droit pour l’éternité à « À celui qui siège sur le trône et à l’agneau, louange, honneur, gloire et pouvoir pour les siècles des siècles » (Ap 5,14)… Damned, tout était à recommencer…
–Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Beaucoup de musiques invitent à la prière, et pour moi, ce sont des musiques sans paroles. Récemment, j’écoute Yeghshe Manoukian, le maître absolu du duduk, la flûte arménienne. Je recommande « Where is she » ou « Following the Banks of the Arax River ». Sinon John Surman m’a toujours beaucoup marqué : « Portrait of a Romantic » de l’album Private City ou bien « Tintagel » de Road to Saint Ives. Ibrahim Maalouf, aussi, sans restriction.
–Que chantent les anges musiciens ?
L’Hymne des Chérubins de la Divine Liturgie orthodoxe. Je recommande qu’ils prennent quelques cours à Chevetogne, en Belgique.
–Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Sans aucune hésitation, le psautier, dans son ensemble, dit toutes les milles variations des manières de s’adresser à Dieu et constitue la porte d’entrée dans la prière. Si on en veut une version plus contemporaine, il faut écouter You Want It Darker, l’album testament de Leonard Cohen, qui est comme un psautier moderne, chanté depuis les profondeurs de l’abîme et méditer ces fulgurances que sont « You Want it Darker », « Steer your Way », et « It Seemed the Better Way ».
– Qu’aimeriez- vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Tu nous entends l’Amour ? Tu nous entends ?
Si tu nous entends, il faut que tu reviennes parce qu’on est prêts maintenant, ça y est
On a déconné c’est vrai, mais depuis on a compris
Et là on a les paumes ouvertes avec notre cœur dedans
Il faut que tu le prennes et que tu l’emmènes.
Fauve, « Blizzard », 2015.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte ?
Le problème, c’est que cette liste est tout le temps en train de changer ! En ce moment :
« Lullaby » du Family Songbook d’Andreas Scholl (je recommande tout l’album)
« Viens Seigneur ne tardes plus » d’André Gouzes
« Comme when I call you » des Klezmatics sur l’album Wonder Wheel Lyrics by Woodie Guthrie
« Kinsiona » de Franco et le T.P OK Jazz (Franco Luambo est l’un des plus grands chanteurs de la République Démocratique du Congo)
« Le Bien et le Mal » de Souad Massi sur l’album Deb
« Keren Save » sur l’album Shtirip’ Tour de Tram des Balkans (je recommande tout l’album)
« Frozen Laughter » de The Rising Storm sur l’album Calm Before (du rock des années 1960)
« La Vierge Noire » de Michèle Bernard sur l’album Sur l’Infini des routes (Michèle Bernard est une chanteuse qu’il est urgent de découvrir ou de redécouvrir)
« Toujours ça de pris » du Trottoir d’en Face sur l’album Con comme la lune (toutes leurs mélodies mettent de bonne humeur)
« Le Marin », reprise familiale d’Alain Souchon avec Alain Souchon, Pierre Souchon et Ours, en particulier pour cette phrase « mais la vie nous promène en Seine-et-Oise dans sa Simca rouillée », car qui sait encore ce qu’est la Seine-et-Oise ou une Simca ?
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Piango di lui ciò che mi è tolto
Le braccia magre la fronte il volto
Ogni sua vita che vive ancora
Che vedo spegnersi ora per ora
Figlio nel sangue figlio nel cuore
E chi ti chiama « Nostro Signore »
Nella fatica del tuo sorriso
Cerca un ritaglio di Paradiso
Per me sei figlio vita morente
Ti portò cieco questo mio ventre
Come nel grembo e adesso in croce
Ti chiama amore questa mia voce
Non fossi stato figlio di Dio
T’avrei ancora per figlio mio
Fabrizio de André, « Tre Madri », La Buona Novella, 1970.
On dit souvent que Fabrizio De André est « le Brassens italien », mais toute révérence gardée envers le grand Georges, il est bien plus que cela, c’est l’un des plus grands poètes européens.
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Impossible de répondre à cette question sans faire une liste à la fois énorme et très banale : Purcell, Marin Marais, Rameau, Bach, Mozart, Schubert, Brahms… Brassens, Brel, Barbara, Jean Ferrat, Charles Trenet… Youssou N’dour, Salif Kaita (tout Salif Kaita !), Angelique Kidjo… Stromae, Woodkid (il faut écouter sa nouvelle version de « Iron » qui vient de paraître), Moby… Fairouz, toujours, Oum Kaltoum à petite dose… Boulevard des Airs, Le Trottoir d’en Face, Debout sur le Zinc… Allain Leprest (tout Allain Leprest !), Albin de la Simone, Thomas Fersen, Alexis HK… On continue ?
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Je viens de découvrir « Mille regretz », la chanson attribuée à Clément Jannequin, dont on dit que Charles Quint la trouvait la plus belle du monde. La version de l’ensemble Clément Janequin de 2003 avec l’étonnant Dominique Visse est magnifique.
Mille regretz de vous abandonner
Et d’eslonger vostre fache amoureuse,
Jay si grand dueil et paine douloureuse,
Qu’on me verra brief mes jours definer.
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Je ne pense pas que Dieu se laisserait « enfermer » dans une chanson ou une musique. Dieu, c’est la musique, et la Bible le dit bien : « ma force et mon chant, c’est le Seigneur » (Ex 15,2). Dieu n’est pas un chant, il est le chant.
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A lire sur le site de LA CROIX
Le quotidien de Jésus
Ce livre propose le récit de ce que pouvait être le quotidien du Christ et de son entourage, amis comme adversaires.
24 heures de la vie de Jésus
de Régis Burnet
Presses universitaires de France, 170 p., 16 €
« Furieux, il était furieux. » Ainsi commencent ces 24 heures de la vie de Jésus. Le repas chez Simon ? Un « guet-apens » tendu par les pharisiens, qui sera suivi de plusieurs épisodes relatés dans les Évangiles : le miracle de la tempête apaisée, les guérisons du possédé de Gérasa, de la femme hémorroïsse et de la fille de Jaïre, regroupés par les trois synoptiques dans une même séquence temporelle, au sein de laquelle l’auteur a inséré l’enseignement du Notre Père. Suivront la parabole des talents et les Béatitudes. La journée se clôt par la soirée chez Nicodème et son entretien avec Jésus relaté par saint Jean.
Dans chaque chapitre de ce livre érudit, mais facile à lire, la narration laisse une large place au questionnement théologique et historique. Régis Burnet, professeur à l’Université catholique de Louvain, convoque l’exégèse aussi bien que la recherche archéologique (et même les zombies des Caraïbes !) pour situer Jésus et ceux qu’il rencontre dans leur milieu quotidien. Que mangeait-on alors en Galilée ? Comment s’habillait-on ? De quelles maladies mourait-on ? Mais aussi : Jésus s’est-il vraiment présenté en messie ? Les miracles ont-ils une réalité historique ? Et bien d’autres questions que pose la lecture des Évangiles.
Cette mise en situation fait ressortir l’originalité souvent abrupte des actes et des paroles de Jésus. Son « goût pour les formules à interprétations multiples », sa façon de « clore une discussion par une énigme » ou de faire un « pas de côté » dans le questionnement déroutent ses interlocuteurs. Quant aux foules qui le suivent jusqu’au harcèlement, elles ne viennent chercher, pour la plupart, que du sensationnel, et n’accèdent pas au sens véritable des miracles auxquels elles assistent. Or tout, dans les actes et les paroles de Jésus rapportés et analysés dans ce livre, sert un enseignement, une catéchèse.
Qu’est-ce que le Royaume ? Pourquoi tous ces miracles ? Comment peut-on dire que les pauvres sont heureux ? Face aux questions que soulèvent les actes et les paroles du Christ, parfois bien mystérieux, l’auteur présente les interprétations possibles, se gardant souvent de trancher. Il souligne ainsi la richesse de sens de ces enseignements.
Il s’abstient aussi de « se saisir » de la personne de Jésus, comme ont cherché à le faire, selon lui, bien des auteurs d’une « vie de Jésus », au nombre desquels il veut échapper en n’en présentant que ces « 24 heures ».Il laisse ainsi à son lecteur la liberté de réagir, de réfléchir, de relire les Évangiles… Et d’approfondir les questions abordées, grâce à la longue bibliographie donnée à la fin de l’ouvrage.
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