Ensemble/Liberté. Trois hommes de foi (Catholique, Juif, Musulman) et un dessein.

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Trois quinquas venus d’horizons musicaux différents, professant chacun une foi différente,  catholique, juif et musulman, se réunissent le temps de quelques chansons pour transmettre un message de paix.  Une réussite.

Un CD  11 titres. ADF/BAYARDMUSIQUE

Le clip: Et Dieu dans tout çà? (Frédéric Zeitoun/Francis Lai).

 

Ensemble pour la liberté, contre les formes de violence? Sur la pochette du CD, en costumes stricts, chemises blanches, ils affichent leurs sourires, décontractés. Une vignette résume leur invitation à écouter cette forme de rapprochement des communautés religieuses: « Trois hommes de foi : un catholique, un juif, un musulman ».

Au milieu de la photo, Matthieu de Laubier, ancien journaliste, puis chanteur lyrique ; il a été ordonné prêtre en 2017. A ses côtés, Philippe Darmon, premier ministre officiant et délégué rabbinique à la synagogue de la rue Buffault (Paris) puis Farid Abdelkrim, passé un court moment chez les frères musulmans, qui intervient notamment en prison et dans les banlieues dans le cadre des programmes de dé-radicalisation. Trois voix, trois passions pour les musiques populaires réunies dans un disque. Un espoir, un signal, au-delà des drames.

François Troller, promoteur du trio « Ensemble/liberté » explique comment le projet de réunir sur un même programme musical un prêtre, un rabbin et un Musulman a pris patiemment  corps. « Avec Fati Ammar nous avions été bouleversés par l’assassinat en 2016 du Père Hammel. Nous avions également perdu des amis au Bataclan. Nous cherchions à répondre en musique aux attentats. ». L’idée reçoit l’appui de Monseigneur Dubost, alors évêque d’Evry, de Khalil Merroun, recteur de la grande mosquée d’Evry et de Michel Serfaty, rabbin dans le même département de la région parisienne, co-auteurs en 2016 d’un livre paru aux éditions Autrement. Il faudra quelques mois encore pour trouver le financement et le répertoire adapté à un album destiné à déjouer les fanatismes.

Fin 2019 les trois chanteurs retenus se retrouvent dans un café parisien : « Le projet m’a tout de suite intéressé et pourtant j’ai longtemps hésité à accepter, par crainte du syncrétisme. Mais lorsque j’ai rencontré Philippe et Farid, ils m’ont tout de suite mis à l’aise : s’il s’agissait de nier nos différences ils n’auraient pas participé au projet non plus. Le but de l’opération consiste justement à montrer que l’on peut vivre fraternellement sans professer la même foi. Entre nous ça a collé tout de suite. » confie Matthieu de Laubier, le catholique parisien. Un satisfecit appuyé par Philippe Darmon : « Ça m’a permis de rencontrer des personnes bienveillantes et tolérantes qui ont su montrer les aspects positifs de leur religion ». Aucune hésitation pour Farid Abdelkrim : « En général, je ne rate jamais une occasion de m’inscrire dans une initiative qui va dans le sens du rapprochement et à laquelle je suis invité à apporter ma contribution. »

L’album « Ensemble/liberté est à la hauteur des ambitions affichées. Les onze titres, aux couleurs musicales soignées (Confiées à Christophe Cazanave) , dessinent un monde apaisé et fervent. Le programme puise dans la variété française : avec des reprises (Julien Clerc, Michel Berger, Michel Fugain notamment) et trois inédits dont le titre engagé « Et Dieu dans tout çà » (Texte de Frédéric Zeitoun) sur une musique de Francis Lai qui signait là son ultime chanson. Le trio offre un titre co-écrit par eux, « A l’unisson », chacun s’inspirant de sa propre tradition.

Une tournée de concerts devrait suivre la sortie de l’album. De la parole aux gestes. « C’est la façon dont nous nous comportons ensemble Philippe, Farid et moi-même qui est un témoignage : trois hommes de foi, trois artistes, trois Français, trois amis et j’oserais dire trois frères puisque nous reconnaissons une source commune à la fraternité humaine. » conclut Matthieu de Laubier. A suivre donc et pourquoi pas, avec un trio de femmes pour un prochain album.

Robert MIGLIORINI

*****

Matthieu de Laubier, Philippe Darmon et Farid Abdelkrim répondent aux questions du blog.

-Qu’est- ce qui vous a amené à accepter de participer au projet Ensemble-Liberté ?

Matthieu de Laubier :  le projet m’a tout de suite intéressé et pourtant j’ai longtemps hésité à accepter, par crainte du syncrétisme. Vous connaissez la chanson : « Au fond, toutes les religions disent la même chose… ». Mais lorsque j’ai rencontré Philippe et Farid, ils m’ont tout de suite mis à l’aise : s’il s’agissait de nier nos différences ils n’auraient pas participé au projet non plus. Le but de l’opération consiste justement à montrer que l’on peut vivre fraternellement sans professer la même foi. Entre nous ça a collé tout de suite.

J’ai accepté aussi parce qu’il s’agissait d’un disque de « variété » – un genre que je n’ai quasiment jamais abordé mais qui m’attirait – et non un remix de musiques classiques.   Et puis j’ai été touché par la simplicité du projet : trois quinquas, presque voisins (Philippe Darmon  habit à côté de chez moi), venus d’horizons musicaux différents, professant chacun une foi différente, se réunissent le temps de quelques chansons pour transmettre un message de paix.

Philippe Darmon : étant donné qu’on vit dans un pays où il y a trois religions essentielles et qu’il y a eu des actes criminels qui ont été commis par certains, si ce projet peut aider à la tolérance à savoir qu’on se conduise un peu mieux avec son prochain et sauver des vies ça sera ma modeste contribution

Farid Abdelkrim : En général, je ne rate jamais une occasion de m’inscrire dans une initiative qui va dans le sens du rapprochement et à laquelle je suis invité à apporter ma contribution. Et « Ensemble-Liberté » fait partie de ces occasions à ne pas louper.

-Quels enseignements tirez-vous de cette rencontre et de cet enregistrement ? Dans votre parcours qu’est-ce que cela représente ? Etes-vous renouvelés ou renforcés dans votre foi ?

Matthieu de Laubier : chanter est une forme de témoignage. Jusqu’à présent j’ai surtout interprété des musiques dites « savantes » mais je suis heureux d’aborder un genre plus populaire, terme qui n’a rien de péjoratif à mes yeux, au contraire. Ces chansons ont plus de chance de toucher le public directement concerné par les problématiques que nous abordons dans le disque qu’une cantate de Bach. Et si Philippe, Farid et moi-même ne sommes pas là pour débattre de nos convictions religieuses, notre disque participe à sa façon au dialogue inter-religieux dont Jean-Paul II, Benoît XVI et le Pape François n’ont cessé d’affirmer l’urgence. C’est une façon de m’y investir et je m’y sens d’autant plus à l’aise que ma foi dans le Christ présent pour chaque homme est vivante.

Philippe Darmon : ça m’a permis de rencontrer des personnes bienveillantes et tolérantes qui ont su montrer les aspects positifs de leur religion. Cela représente pour moi une opportunité de rencontrer des personnes d’autres religions mais ça n’a pas d’influence sur ma foi…

Farid Abdelkrim : La rencontre est toujours possible quoi qu’en disent les plus sceptiques. La rencontre est possible et peut donner naissance à de belles oeuvres, ici c’est la musique, où l’humain retrouve son frère humain et ce, dans le respect des différences. Nous faisons, Ensemble, la démonstration que nos fois peuvent nous inviter à nous retrouver pour oeuvrer de concert à faire société. Et je ne parle pas seulement de nous trois, chanteurs. Je parle de toutes celles et tous ceux qui se sont rencontré et qui ont travaillé à l’aboutissement de ce travail.

Quelles chansons vous marquent plus que d’autres ?

Matthieu de Laubier : il est difficile de ne pas être ému quand on crée la dernière chanson d’un grand artiste comme Francis Lai.  « Et Dieu dans tout ça » a été composé très peu de temps avant sa mort. Les paroles de Frédéric Zeïtoun sont belles et engagées. Nous nous sommes un peu battus tous les deux à leur sujet mais chacun a fait du chemin. Le résultat n’est donc pas exactement ce que l’un ni l’autre aurait voulu, mais justement la chanson n’en a que plus de valeur. Je dois dire aussi que j’ai beaucoup aimé enregistrer « Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux ».  J’ai toujours été fan de Michel Berger.

Philippe Darmon : La chanson qui me parle le plus est : « Et dieu dans tout ça » car cette chanson met l’accent sur le fait qu’il n’y a pas de place pour la violence au nom de la religion

Farid Abdelkrim : Toutes les chansons de l’album me plaisent. Certaines me plongent dans une certaine nostalgie puisqu’elles convoquent des souvenirs d’enfance, tel que « Bravo Monsieur le Monde » de Michel Fugain ou encore « Chanter pour ceux » de Michel Berger… Mais sinon, tous les morceaux me plaisent

-Qu’est-ce que des simples chansons peuvent changer dans le climat actuel par rapport à la place des religions en France ?

Matthieu de Laubier : c’est justement parce qu’elles sont simples qu’elles peuvent changer beaucoup de choses : en touchant un vaste public et en démontrant que nous avons beaucoup de choses à partager sans peur et sans avoir à brader nos convictions personnelles. Plus que le message, qui est assez simple, c’est la façon dont nous nous comportons ensemble Philippe, Farid et moi-même qui est un témoignage : trois hommes de foi, trois artistes, trois Français, trois amis et j’oserais dire trois frères puisque nous reconnaissons une source commune à la fraternité humaine.

Philippe Darmon : le fait de voir ensemble des représentants des 3 religions peut donner un exemple et être porteur d’espoir

Farid Abdelkrim : Il me semble que ce qui nous occupe ici ne concerne pas seulement la place des religions, mais la place de l’homme avec tout ce qui peut le caractériser. Et c’est parce chanter, au sens premier du terme, c’est simple, que le message est d’autant plus utile à faire passer. « Utile » comme l’un des titres de l’album signé Julien Clerc.

-Comment vos communautés respectives réagissent à ce projet de CD et de spectacle ?

Matthieu de Laubier : pour le moment, les réactions autour sont très majoritairement positives. Mais il ne faut pas se faire d’illusions : certains trouverons l’exercice dangereux, plein d’ambiguïtés.  Ce que je comprends puisque j’ai moi-même longuement réfléchi et prié avant de m’y engager. Mais la crainte ne l’a pas emporté. J’y vais, franchement mais « prudent comme le serpent et candide comme la colombe » selon la recommandation de Jésus (Évangile de Matthieu 10).

Philippe Darmon : le fait de voir ensemble des représentants des 3 religions peut donner un exemple et être porteur d’espoir

Farid Abdelkrim : si par communauté, vous entendez ici en ce qui me concerne, la « communauté musulmane », je vous dirai que celle-ci est plurielle et que dans son ensemble, elle ne saurait accueillir ce projet que positivement.

-Qu’avez-vous découvert du monde de la musique et des artistes ?

Mattieu de Laubier : La musique a été mon univers professionnel durant des années. J’y suis très heureux parce qu’il est peuplé de gens assez baroques dont la vie se confond avec leur art, un peu comme des religieux. Mais il me manquait l’expérience de la « variète ». C’est fait et je ne le regrette pas. J’y ai rencontré des hommes passionnés, beaucoup de croyants d’ailleurs. C’est un monde où on peut parler très librement de ce qui nous anime.

Philippe Darmon : J’ai bien sûr l’envie de continuer si le public nous donne cette chance

Farid Abdelkrim : C’est un monde que je connais un peu. Mais les personnes que j’ai rencontré depuis le début, en plus d’être de vrais professionnels, sont de très belles personnes. Quant à nous trois, je ne crois pas me tromper en disant ici qu’aucun de nous n’a encore chopé la grosse tête.

Envie de continuer ?

Matthieu de Laubier : de chanter ? Même mort, je chanterai encore.

Philippe Darmon : J’ai bien sûr l’envie de continuer si le public nous donne cette chance.

Farid Abdelkrim : Pour sûr. Si l’occasion nous est donnée de poursuivre l’aventure, cela signifiera que ça fonctionne, que ça a du sens et que, par conséquent, il faut continuer.

-Pourquoi pas un trio de femmes bientôt ?

-Matthieu de Laubier : Et pourquoi pas un sextuor : trois hommes, trois femmes ? Demain, si vous voulez.

Philippe Darmon : oui, mais cela ne dépend pas de moi

Farid Abdelkrim : pourquoi pas, ce serait super.

-Qui a écrit le texte, « A l’unisson » ?

Matthieu de Laubier : l’essentiel est écrit par chacun de nous trois. Ce sont nos professions de foi. Christophe Casanave, qui a écrit la musique et les autre paroles de la  chanson n’en a pas modifié un mot. Et le fait que nous affirmions des convictions qui n’étaient pas unanimement partagées n’a posé aucun problème entre nous trois.

Farid Abdelkrim : quant au passage parlé, chacun de nous trois a eu la charge d’écrire sa partie en s’inspirant de sa propre tradition dans ce qu’elle lui inspire pour l’esprit de ce titre.

-Comment vous préparez-vous pour chanter sur scène ? Qu’avez-vous à dire au public qui va venir ?

Matthieu de Laubier : un jour de concert n’est pas fondamentalement différent des autres. Je me prépare dès le matin par le chant des Psaumes. Le chant fait partie de ma vie quotidienne et il engage mon corps entier. Je ne chantonne pas, je chante. C’est mon baromètre spirituel. Trop de silence, trop longtemps… c’est que quelque chose ne va pas, ou va bientôt se détériorer. D’ailleurs, le premier message que j’aie envie de passer c’est : « Chantons».  Si on chantait à pleins poumons un quart d’heure par jour, on déprimerait moins, on s’engueulerait moins. Macron avait promis de relancer les chorales scolaires. Je ne sais pas où en est le projet, mais c’est urgent. Dans les églises aussi.

Philippe Darmon : à travers mon métier j’ai l’habitude de chanter devant de nombreuses personnes. Avant chaque prestation, je me réchauffe les cordes vocales, et effectue des exercices physiques pour détendre mon corps.

Farid Abdelkrim :  Je pense que nous allons répéter après quoi, la perspective de la rencontre avec le public fera le reste. Cette rencontre lors desquelles nous montrerons plus que nous dirons au public que c’est possible et que ça peut être beau.

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2 réponses à “Ensemble/Liberté. Trois hommes de foi (Catholique, Juif, Musulman) et un dessein.”

  1. Avatar de Kdroussel
    Kdroussel

    MERCI !
    J’ai toujours aimé chanter : en groupe c’est plus porteur que seule, n’ayant pas une voix sûre…
    Ce groupe inter-religieux est fantastique pour confirmer l’encyclique du Pape au sujet de la Fraternité : LE MONDE A SOIF DE VIE SOLIDAIRE ET FRATERNELLE… POUR LA PAIX, bien sûr !
    Merci : « Et Dieu dans tout ça… » IL est là, bien vivant ! EKD

  2. Avatar de JCC
    JCC

    Cela fait chaud au coeur.

    Merci!

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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