Le Te Deum selon John Featherstone. « Nos racines dans la foi par la musique »

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John Featherstone. Compositeur d’un Te Deum en douze mouvements créé en ce mois d’octobre à PARIS.
En concert le 14 octobre 2017 à 20h30 à l’Église Protestante Unie du Saint Esprit, 5 rue Roquépine, 75008 PARIS. L’album à paraître pour le label ADF-BAYARD musique/Harmonia Mundi

« Nos racines dans la foi par la musique »

Entretien paru dans la revue « Chantons en Église », numéro 161. Septembre-octobre 2017. (Bayard-Presse).
Franco-britannique vivant en France, le protestant John Featherstone est l’auteur de nombreux cantiques pour assemblées et œuvres chorales. Il vient d’enregistrer un Te Deum en douze mouvements aux accents jazz, gospel et classiques. Auteur compositeur interprète à la guitare et au piano il conjugue grandes œuvres et œuvres individuelles.
Le Te Deum que vous venez de composer et de donner en concert et dont l’enregistrement sortira en octobre prochain appartient à votre registre de la musique savante. Comment en est venue l’idée ?
John Featherstone: la mise en œuvre a été récente et stimulée, déclenchée, par les conseils d’un accompagnateur spirituel lors d’une retraite qui me demandait quels rêves non réalisés restaient les miens. J’ai répondu avec hardiesse: écrire un Te Deum. L’envie est plus ancienne. J’ai été très marqué par le compositeur estonien Arvo Pärt. Quitte à ne pas le réécouter, pour ne pas être influencé par la suite en écrivant moi-même. Je voulais du grandiose et de l’indéfinissable pour traduire cette action de grâce extraordinaire, celle d’être en vie. Et une nuit, j’ai entendu le premier accord, brutal, qui m’a réveillé et m’a conduit à écrire la suite.
Comment aborder cette forme ancienne de musique sacrée ?
Le Te deum est un hymne de louange datant du IVème siècle, rempli de force et de beauté et qui se termine de façon étonnante. Il aboutit à un constat de notre fragilité. « Toi, Dieu, tu es notre espérance, ne nous laisse pas tomber » ! J’ai aimé me relier à cette histoire. Mais également m’inscrire dans notre époque. Je suis attristé par la montée globale des nationalismes et à l’impossibilité d’intégrer les innombrables langues du monde dans une seule œuvre. J’ai donc choisi d’assembler la langue anglaise, le Français et le Latin. Comme pour évoquer un avant-goût du ciel !  Ce Te Deum est écrit pour trois ensembles vocaux : un chœur classique chantant en latin, une chorale gospel anglaise et un quatuor vocal français. Autrement dit je veux célébrer nos racines dans la Foi et par la musique. Tout en créant sur cet héritage. L’œuvre dure environ une heure, en 12 mouvements.
Vous avez fait très jeune le choix de la musique et des langues ?
J’ai chanté dans un opéra profane dès mes 10 ans. Ma formation musicale a été marquée par une double source : le répertoire classique (Palestrina, Bach, etc.,) et l’air du temps, celui de la pop musique –Les Beatles mais pas seulement-  et autres musiques actuelles. J’ai comme beaucoup joué dans un groupe de rock. Les deux répertoires n’utilisent-ils pas les mêmes notes ? Tout est une question de rythme et de qualité qui réconcilient les classiques et les modernes. Dès l’âge de mes 16 ans j’ai commencé à écrire et composer des chants pour traduire ce qui m’anime au plus profond de moi-même.
Vous êtes également l’héritier de la  grande tradition musicale protestante.
Ce sont mes racines. Au cours de ces dernières années j’ai été de nouveau sensibilisé aux chants de le Réforme. Je suis convaincu qu’avec quelques aménagements ils gardent leur place pleine et entière.  Il s’agit de retrouver l’énergie de la Renaissance.
Comment avez-vous concrétisé ces multiples influences ?
En tant que musicien j’ai choisi d’oeuvrer sur plusieurs plans. De la musique sacrée, savante, avec des compositions  pour chœurs et ensembles instrumentaux (Credo par exemple) jusqu’aux concerts dans des lieux divers sous la forme de soirées chansons et des compositions instrumentales. J’y propose des réflexions sur l’existence, sur la foi chrétienne. Entre ces deux registres il y a les œuvres que je nomme mes cantates, centrées sur la naissance, la vie, la Passion du Christ et basées sur les textes bibliques. Ou encore des chants pour assemblées. J’aime comparer cela au travail de l’architecte et du maçon. Ceux qui sont capables de bâtir une cathédrale ou plus modestement un cagibi. Dans ce sens le monde anglo-saxon semble plus ouvert que d’autres traditions culturelles.
 
Vous aimez parler vous concernant de style musical « déroutant ».
J’aime bien effectivement cette définition qui évoque ma musique comme celle d’un artiste qui dérouterait les idées reçues et déplacerait les étiquettes. Ma musique concrétise comme je le disais un mélange d’influences assumées, du classique à la pop. Je suis à l’aise dans les deux registres. Je ne veux donc pas être enfermé dans une seule époque. Je vise au contraire la réconciliation en ces domaines ainsi que dans celui des traditions ecclésiales chrétiennes. La pari est difficile mais essentiel. C’est ce que j’ai tenté, par exemple, lors du rassemblement « Protestants en fête » en 2013 (1000 choristes et 47 instrumentistes réunis) en orchestrant et arrangeant des chants du XVIème siècle ainsi que des cantiques d’aujourd’hui.  Je veux associer le meilleur du contemporain et le meilleur du classique. Dans mes albums en soliste je suis plus libre. Quand j’écris pour une assemblée, en revanche,  je fais attention de ne pas bruler les étapes. Sans chercher d’abord à plaire à un public mais à bien habiller la Parole de Dieu. J’écris d’abord à la gloire de Dieu en visant la vérité théologique, la vérité personnelle et l’adéquation à la culture contemporaine. Pour toucher chacune et chacun.
Vous êtes né, avez été formé et avez enseigné durant sept ans comme professeur de langues et de musiques, en Grande-Bretagne. Vous vivez en France depuis 1990. Comment c’est fait ce choix ?
– Je me situe aujourd’hui au milieu de la Manche pour ainsi dire ! Entre le Royaume-Uni et la France où je suis aujourd’hui totalement investi. C’est en 1987 lors des JMJ que j’ai eu mon premier contact avec l’Hexagone avant de m’y installer définitivement en 1990. J’avais à l’époque été invité par le diocèse d’Orléans. J’ai estimé alors que notamment dans les communautés protestantes mes talents de musicien professionnel seraient les bienvenus. Une tournée de concerts  et un disque ont accompagné et confirmé ce choix. Le public et les milieux ecclésiaux m’ont très bien accueilli ! Depuis, à l’aide d’une association et en famille, je travaille comme compositeur, instrumentiste (guitare et piano), chef d’orchestre, arrangeur, et formateur. Je viens, par exemple, d’organiser une session pour des pasteurs luthériens pour les inviter à  l’écriture de nouveaux chants religieux. Sans négliger mes racines britanniques. C’est en Grande-Bretagne que je viens de créer en concert mon Te Deum.
Quels autres projets gardez-vous en tête ?
Je me suis assagi, avec le temps (rire). Je rêve encore d’un album personnel,  musicalement dépouillé et sans références explicites au départ à ma foi chrétienne. Avec des chansons qui poseraient quelques questions communes et essentielles. Comme celle-ci : « Et maintenant ? ». Sans que l’on y exprime trop vite des certitudes. Je rêve encore d’écrire des chants d’assemblée. Et, pourquoi pas, d’un album aux accents plus rock. Déroutant, vous avez dit déroutant ? Dieu nous appelle à faire un chant nouveau et être contemporain.
Recueilli par Robert Migliorini
Les références de John Featherstone
Votre verset d’Évangile préféré ?
Jean 10, 10
« Je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ».
Votre lieu de ressourcement ?
Le silence, la nature et l’eau. Comme autour du lac de Vincennes, en région parisienne.
Une rencontre qui vous a marquée ?
Cet accompagnateur spirituel au cœur d’une retraite.
Votre maître en musique ?
J.S. Bach, Benjamin Britten, Arvo Pärt, les chanteurs Sting et  Peter Gabriel, le guitariste John Mayer.
Un chant liturgique ?
« Comme lui » du canadien le P.Robert Lebel.
Trois albums à mettre dans votre valise ?
Le Magnificat de J.S. Bach,
Birds Requiem de Dhafer Youssef
Le prochain album de ma fille, Hannah Clair.
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Rappel de la contribution au Cabaret du bon Dieu.
Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes,  évoquant Dieu que vous avez entendues  et appréciées?
John Featherstone: Arvo Pärt : Credo for piano, mixed choir and orchestra ; Peter Gabriel : Signal to noise ; Haendel : The trumpet shall sound ; Sheryl Crow : Letter to God ; Rachmaninov : Christ est ressuscité opus 26/6.
Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Oui, et il s’est sans doute beaucoup amusé à la créer dans sa perfection intrigante.
-Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Toutes sans doutes, sauf les mauvaises…
Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent  à la prière ?
Celles qui nous laissent respirer, celle qui créent un univers sonore qui laisse entrevoir celui de Dieu. Ou bien celles qui nous exposent l’horreur et la violence d’un monde déchiré
Que chantent les anges  musiciens ?
Ce que Dieu leur demande, sans doute. Forcément pas de la musique  country (américaine)!
Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Ou bien le grégorien ou bien le rock à haut-volume.
Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Ce que les autres chanteront autour de moi. Sinon le contempler en silence. La musique terrestre cèdera sa place à une autre certainement beaucoup moins formatée.
Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons  à emporter sur une île déserte?
Ma discothèque passe allègrement du 12e au 21e siècle : Classique et contemporain à part égale. Difficile donc de sélectionner un exemple marquant particulier.
J’emmènerais éventuellement, 10 CD – dans le désordre :
Bach: Magnificat
Arvo Pärt : Passio
Dhafer Youssef : Abu Nawas Rhapsody
Avishai Cohen : Seven Seas
Elgar: Pomp and circumstance (pour me rappeler mes racines)
Jeff Buckley: Live at Sin-é (puisque cela sort des tripes)
Cheryl Crow: Wildflower
Peter Gabriel: Up
Le CD de ma fille Hannah Clair (puisque cela promet d’être excellent). Un CD de mon répertoire (Credo par exemple) pour me rappeler ce que j’ai fait dans la vie
Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Keith Getty : (There is a higher throne) : ‘Hear heaven’s voices sing…’
Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Gesualdo, Palestrina, Purcell, Bach, Elgar, Bartok, Britten, Pärt, Eric Clapton, Peter Gabriel, Phil Collins, Sting, Bobby McFerrin, Dhafer Youssef.
La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Si une musique ne m’émeut pas elle ne m’intéresse pas. Je n’écris jamais rien qui ne m’émeuve pas (même si je ne peux garantir que l’auditeur ressente la même chose !). Il faut croire qu’en tant que compositeur, arrangeur, chanteur, guitariste, je suis souvent ému ! En plus, écouter les productions de mes enfants, Cara, Hannah Clair et Matthew me bluffe à chaque fois.
Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Indéfinissable, mais grandiose et sans frontière – Un univers sonore dans lequel on se perdrait, envahi, voire chamboulé par une émotion intense et indescriptible. En parfaite sécurité puisque reconnaissant les repères familiers du créateur.
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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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