« Je suis le fils de mon père, de ma mère et de…Brassens »! Bertrand Dicale, journaliste, écrivain, chroniqueur, conférencier, et j’en passe, connait la chanson comme quasi personne aujourd’hui. Homme de paroles, il publie à un rythme soutenu des ouvrages à l’écriture fluide. On lui doit, entre autres sommes, une bio experte de Juliette Gréco.
En 2011, voici encore « Maudits métis », un essai au ton plus personnel (éditions Jean-Claude Lattès) , et un Brassens où domine un point d’interrogation final, bien en place sur la couverture (éditions Flammarion, 348 p., 20 €). En vaillant descendant des Encyclopédiste, remarqué pour « La chanson française pour les nuls » (éditions First), il rééxamine l’oeuvre du bon maître Georges. Quitte à contredire, on s’en doute, quelques discours habituels aux plus fervents brassensologues.
– Quelles sont les chansons, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
– Bertrand Dicale: je suis protestant et je chante, tous les dimanches quand je suis au culte, cet imposant répertoire de l’Eglise réformée, dans lequel les psaumes sont harmonisés par Claude Goudimel (mort lors de la Saint-Barthélémy à Lyon) et les chansons les plus récentes sont des œuvres de Gianadda (« Trouver en moi Ta présence », qui est pour nous le cantique n° 602). Donc, évidemment, j’ai régulièrement en tête « A Toi la gloire, ô ressuscité » et cent autres tubes des temples réformés.
Dans mon adolescence antillaise, je parlerais volontiers de tout le reggae dévotionnel : « This Train » par Culture, « One Love » par Bob Marley, des titres de Burning Spear, Yabby You, ou même des titres prophétiques de Peter Tosh. Et les gospels des disques de mon père, grands classiques comme « Bosom of Abraham », « Swing Low Sweet Chariot » ou un grand délire vétérotestamentaire, « Shadrack ».
– Selon vous, Dieu aime-t-il les chansons ?
– BD: Plus encore que les chansons, je suis persuadé que notre Seigneur exige que nous chantions, c’est-à-dire que nous mettions la joie au cœur de notre pratique et au cœur de notre vie. Je pense que beaucoup de ce que nous chantons, tous et chacun, a beaucoup à voir avec la gloire de Dieu, qu’elle soit exprimée explicitement, ou non.
(D’ailleurs, j’ai écrit tout un chapitre là-dessus dans mon prochain bouquin, « Brassens ? », qui sort bientôt. Brassens a beaucoup écrit de paraphrases de paroles du Christ, sans que l’on puisse dire qu’il ait écrit des chansons religieuses. Il refuse de se revendiquer chrétien mais certaines de ses chansons sont emplies de l’Evangile.)
– Au paradis, quelles musiques y entend-on ? Que chantent les anges musiciens ?
– BD: Je ne crois pas en un séjour céleste peuplé d’anges en toges blanches et en boucles blondes. Je ne peux pas le concevoir. (Je ne veux avoir l’air trop insistant mais je suis calviniste. Pas d’autre monde ! Vie éternelle ! Et la vie éternelle a déjà commencé !)
Je pourrais le cas échéant fantasmer le cadeau de quelques mois dans une Fnac idéale peuplée de disquaires très jolies et très compétentes, avec l’intégralité de la musique humaine disponible et bien rangée. Hélas, je me connais : j’aurais vite envie de sortir pour faire écouter des inédits aux copains. Alors tant pis, je me contenterais de la vie éternelle !
– Si la prière était une chanson laquelle choisiriez-vous ?
BD: Toute joie est prière. Les chants de joie font vraiment un gros songbook.
– Qu’aimeriez-vous chanter à Dieu en le rencontrant ?
– BD: Je vis sous Son regard à chaque heure. Pas une parole et pas un geste ne Lui échappent. Toute joie Lui appartient. C’est peut-être pour cela que je regrette de chanter aussi faux.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les chansons qui sont vos préférées ?
– BD: J’écoute de la musique toute la journée depuis presque quarante ans. Alors les préférées sont quelques centaines, au minimum.
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
– BD: Marqué ? Le refrain du « Horst Wessel Lied ». Magnifiquement entrainant. Imparable. Le Mal chante bien, lui aussi (1)
Mais cette chanson nazie ne compte pas dans ma vie. Il y a au moins cinq cents refrains qui ont, d’une manière ou d’une autre, changé ma vie. Des chansons graves, des chansons écervelées, des hymnes, des trucs qui se dansent, des poèmes sublimes, des textes idiots.
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes, qui comptent pour vous ?– BD: Trop nombreux pour une énumération.
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une chanson, laquelle était-ce ?–
BD: C’est tous les jours, vous dis-je. Tout à l’heure à France Info, « Things We Said Today » sur l’album « The Beatles At The Hollywood Bowl » puis, un peu plus tard, « Everyday in the Week Blues » de Pink Anderson, que je vais passer dans une émission dans quelques jours. Et « Narigon », tango de 2007 de Melingo dans le train, et « L’Amour à la machine » sur l’autoradio du taxi en allant à la gare… Tous les jours, tous les jours, tous les jours.
– Si Dieu était une chanson laquelle serait-ce ?
– BD: Il est trop vaste pour tenir tout entier dans une création humaine. Ni chanson, ni bâtiment, ni livre, ni statue – rien. Il est tout.
(1) Chant de Horst Wessel, l’hymne officiel nazi. Depuis 1945, la loi allemande interdit de chanter le Horst-Wessel-Lied ou d’en jouer un enregistrement en public. Cette interdiction concerne aussi la mélodie. Une interprétation avec d’autres paroles est donc tout aussi illégale.
Eté 2011 chronique quotidienne sur France Info, « Les chansons qui ont tout changé ». Rivers of Babylon (17 juillet). http://www.france-info.com/chroniques-ces-chansons-qui-ont-tout-change-2011-07-17-rivers-of-babylon-les-tribulations-disco-des-hebreux-549122-81-535.html
A consulter, le blog: http://pasplushautquelebord.blogspot.com/
A écouter: la chronique hebdomadaire, le dimanche, sur France-Info: http://www.france-info.com/chroniques-ces-chansons-qui-font-l-histoire-2011-03-13-chanteurs-a-la-retraite-520413-81-472.html
A ne pas rater, un cycle de dix conférences données à la Cité de la Musique, à Paris, dans le cadre du collège à la salle des colloques. Spécial Brassens, du mercredi 30 mars au 15 juin, à 19h30 à 21h30. En écho bienvenu à l’exposition « Brassens ou la liberté » qui est ouverte jusqu’au 21 août (du mardi au samedi de 12heures à 18 heures, nocturnes le vendredi sauf en juillet-août). Toutes les dates exactes du cycle de conférences sur le site de la Cité de la musique: http://www.cite-musique.fr/pdf/college/100702_brassens_1011.pdf
Mon commentaire Merci Yann pour votre ouverture du coeur
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