David Sire. De chemin en chemin, la petite musique de la nature.

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L’invité du blog: David SIRE, poète, chanteur, auteur, compositeur, « bidulosophe ».
David SIRE a été distingué ce printemps d’avril 2016 par  l’ Académie Charles-Cros (dans le cadre du  Printival Boby- Lapointe de Pézenas)  par un de ses “Coups de cœur”.
8 ème album « Je est un nous «  (label Selenote/ l’Autre Distribution) pour un artiste volontiers itinérant, volontaire pour suivre le chemin des autres. La première fois que je l’ai rencontré il venait de boucler en 2008 un tour de France à vélo, avec une carriole et en chansons.Il  offre depuis des années son univers poétique au plus près des gens et des lieux. Dans une grange, au bord de la route, chez l’habitant, sur disque. Trois de ses albums ont déjà obtenu un coup de coeur de l’Académie Charles Cros, cénacle dédié à la chanson de qualité. Initiateur de « Cercles Bidule » (Cercles de paroles), un  métier inventé par ses soins, où chacun apporte, partage une chose qui lui tient à coeur, il tisse avec des bouts de vies chansons et poèmes. « Créer en soi l’hospitalité pour les autres », selon une citation de Nicolas Bouvier qu’il aime reprendre. Pour ce nouvel album enregistré comme au coin du feu, en prises directes, David Sire s’est associé avec le guitariste et compositeur Fred Bouchain. Leur commune « chasse aux trésors » invite au silence intérieur pour mieux entendre la parole qui compte en chacun. David Sire est en tournée. Le 9 août Amou (Landes). Pour dessiner de façon libre une fois encore ce métier d’artiste, sous l’habit du troubadour. Par nécessité.
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Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues  et appréciées?
 David SIRE: L’agnus dei de Barber dans la merveilleuse adaptation qu’en a fait Laurence Equilbey pour le chœur Accentus (Transcriptions – Accentus – 2001).
L’Ave Maria de Gounod, par Bobby Mc Ferrin.
Et si en plus il n’y a personne, d’Alain Souchon. Pour des raisons très différentes, ce sont des morceaux auxquels je reviens souvent, un peu comme on se met à l’ombre d’un arbre.
Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Je ne suis pas croyant, la spiritualité qui traverse ma vie n’est pas de l’ordre de la foi. Je me sens aujourd’hui beaucoup plus proche de Spinoza : « Deus sive natura »,  Dieu, autrement dit la nature. Alors là, peut-être oui, avancer prudemment une réponse, et encore, une réponse poétique : il y a pour moi une réelle petite musique de la nature, un battement, une pulsation, une immanence. Une ritournelle. C’est sans doute cette ritournelle que la poésie tente de chantonner. Alors la nature aime-t-elle la musique ? Je crois que la nature n’aime pas. Elle est.
Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Le seul paradis auquel je veux bien consentir, c’est celui d’un présent plein et libéré de toute peur. Ces petites cueillettes d’éternité. La musique de cet ici et maintenant est quelque chose de très ample, un murmure d’océan, un silence oscillatoire. Voilà la musique de mon paradis !
Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
Je parlerai pour ma part de méditation. Ma pratique de danseur (cf www.lecorpscollectif.com) m’a fait découvrir ces dernières années mille façons d’entrer dans ce vaste territoire. Méditer, ou prier, c’est une sorte de fonte (comme on dit « se fondre dans »), un envahissement silencieux, une façon de se glisser un peu en dessous de soi, en dessous du tonus de la conscience. Cela peut se faire à des rythmes très différents. Il y a des prières « ruisseau », des prières « cascade », des prières « fleuve ». Certaines musiques électroniques très amples m’ouvrent assez spontanément à ces états méditatifs (je pense ici à certains albums de Labradford ou Loscil). Dans une toute autre énergie, la rugosité granitique des chansons de Vladimir Vissotski véhicule une puissance incantatoire qui me met souvent dans des états de transe, je retourne volontiers à ces chansons dans les moments d’adversité, quand il s’agit de résoudre, d’affronter, lorsque devient nécessaire d’imaginer une nouvelle façon d’arpenter ce drôle de territoire de l’existence.
Que chantent les anges  musiciens ?
 Mais qui sont donc ces anges musiciens ?… En ce qui me concerne, je ne connais point d’anges, mais quelques êtres humains dont la voix, quand ils chantent, est tellement proche de leur cœur, que tout semble se (re)mettre en place à leur écoute. Nelson Poblete, chanteur chilien vivant à Barcelone et avec qui j’ai plusieurs fois collaboré, est l’un d’eux. Bobby Mc Ferrin, déjà évoqué, un autre, je ne rate pas une occasion d’aller l’écouter. On dirait, oui, que pour eux, chanter, prier, devenir, aimer, être, vivre ne font qu’un.
Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
 La chanson du silence.
Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
 Retour à ce cher Spinoza ! J’essaye de rencontrer la nature – Dieu donc – à chaque instant. Ce n’est pas simple, tant de faux matérialismes s’appliquent à nous carapacer, nombriliser, vampiriser, à nous séparer les uns des autres et de nous-mêmes, à piétiner et pétrifier le mouvant de la nature sous le béton de nos certitudes. Devenir transparent est un effort quotidien, la ritournelle qui m’accompagne sur ce chemin est la joie farouche que me murmure le miracle de l’existence. Et le souffle. Inspirer, expirer, c’est la première chanson dont je puis faire offrande à cette existence.
Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
La prière – Georges Brassens
La voile déchirée – Vladimir Vissotski dans l’album Le vol arrêté
La frontière – Elie Guillou
Circlesongs – Bobby Mc Ferrin
Song For Budhanton – the Needcompany
Spiegel im Spiegel I for Violin & Piano           – Sergej Bezrodny & Vladimir Spivako in Pärt: Für Alina
Dance me to the end of Love – Leonard Cohen
A galopar – Paco Ibanez
La tendresse – Bourvil
Homo fugit velut umbra – L’Arpegiatta
Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
 « Ne jetez pas la pierre à la femme adultère, je suis derrière …». Première chanson de Georges Brassens réellement entendue, j’avais quinze ans. Et première déflagration qui m’a mis en chemin vers la poésie et la liberté.
Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Georges Brassens. Paco Ibanez. Vladimir Vissotski. A ces trois là, je ne peux m’empêcher de rajouter aujourd’hui un autre nom, Nicolas Bouvier, l’écrivain voyageur. Il n’a jamais chanté ou écrit de chansons, mais la musique de son écriture est un pays que je fréquente abondamment depuis quelques années, une source qui irrigue mon propre travail. Il a goûté le monde avec tant de délicatesse et de discrétion, que ses mots sont devenus le monde.
 
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce
 Je suis malade (paroles de Serge Lama), chantée a capella par une jeune femme rencontrée dans un accueil de jour des restos du cœur. J’avais organisé un « cercle bidule » (cercle de parole où chaque participant est invité à apporter un trésor de vie et à le partager aux autres). Elle, Rosa, apprenait le français grâce aux chansons qu’elle apprenait par cœur. Son chant, d’une fragilité tellement vivante, m’a bouleversé.
Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
 Le bruit d’un arbre qui pousse son printemps.
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Le site: http://www.davidsire.com/
A lire dans LA CROIX du 25 juin 2015. Par Jean-Yves DANA
David Sire, le chanteur « bidulosophe »
À la fois troubadour et philosophe, cet artiste sillonne la France avec ses chansons tournées vers les autres.
Ce jeune homme aux cheveux en broussaille et à la barbe bien taillée aurait pu être chercheur en philosophie, reconnu
par ses pairs et formant quantité de ses semblables à l’université. Il y a deux décennies, il était en effet étudiant sur les
bancs de l’École normale supérieure (ENS), « un prototype de la méritocratie à la française », plaisante-t-il.
Malgré le prestige, pourtant, l’adepte de Spinoza ne se voyait aucun épanouissement dans cette vie-là. Sans doute avait-il
besoin
de suivre les traces du grand penseur en allant au bout d’une démarche libre, volontaire, en l’éprouvant au contact
des autres.
C’est ainsi que David Sire est devenu chanteur. Pour les grands ou les petits, il a déjà livré un bon millier de
performances, dans toutes sortes de configurations. Mais là aussi, l’homme a opté pour les chemins de traverses. Après
des débuts au sein d’un groupe, il a décidé de quitter son confort en 2007: « Je n’avais pas envie de me faire entendre,
j’avais envie de parler,
et d’aimer ma parole ».
Un facteur en roue libre
Comme répondant à un appel,
il a ainsi regardé une carte de France et tracé sa route de Paris à Sète. Son spectacle
« En roue libre » l’a conduit à traverser deux fois le pays à vélo, de la capitale à la Méditerranée, puis de Strasbourg à
Ouessant.
Lors de ce périple à la force du mollet, lorsque ses concerts s’achevaient, David Sire proposait aux spectateurs d’écrire un
mot pour celles et ceux du lendemain: « J’étais le facteur. » L’idée, poétique au départ, s’impose rapidement: « Les gens
ont commencé à laisser des choses intimes, qui m’ont interpellé », se souvient-il.
Ainsi sont apparus « les premiers ferments » de la « bidulosophie »: une « sagesse très approximative », que notre artiste
pratique assidûment.
Déjà « trente à quarante
cercles bidules au compteur » depuis le premier, en 2012, dans une
communauté Emmaüs.
De quoi s’agit-il? « En concert, j’invite celles et ceux qui le souhaitent à se présenter quelques jours plus tard avec un
bidule à partager: l’objet auquel ils tiennent, qui les tient debout ». La séance qui suit se déroule en cercle, « qui a cette
vertu de rendre chaque point égal ».
David Sire l’inaugure en interprétant deux chansons, dont « Bidule »: « Quand j’ai le présent qui fait mal aux dents, quand
j’ai le passé qui veut pas passer, le futur en déconfiture… » Les paroles disent les difficultés de la vie quand elle pique.
Jusqu’à cette chute en forme de postulat: « Les autres, c’est ça la vie. »
« Puis chacun, à tour de rôle, raconte son bidule. L’intérêt n’est pas tant l’objet que le souvenir qu’il cristallise
et la manière dont il fait tenir debout», commente l’artiste qui se souvient de cet homme, en maison de retraite, qui
apporta « un ticket de métro resté dans son portefeuille depuis quinze ans et jamais poinçonné: un passeport pour le
voyage qu’il ferait un jour ».
Pour d’autres, ce sera une médaille, un vêtement, ou un bien immatériel: « Mon bidule, c’est Dieu », lance un jour une
femme, tout sourire. Depuis trois ans, la « bidulosophie » essaime dans les maisons de retraite, les hôpitaux, les lycées
professionnels, les foyers de femmes, les Restos du coeur…
Le dispositif des cercles « a une fonction réparatrice, comme une épiphanie », dit leur instigateur. « C’est une forme
délicate, qui permet d’aborder des sujets sensibles, mais qui peut engendrer de la fragilité. Il faut éviter de faire fantasmer.
Ce qui compte, c’est la rencontre », insiste-t-il.
Pour témoigner de son approche, David Sire vient de sortir un album, Je est un nous. Son huitième. Un manifeste
(en)chanté, qui prône l’importance de l’altruisme, des énergies partagées. Ses treize chansons ont vu le jour lors ou à la
suite de cercles bidules. Leurs titres tiennent en un mot – Trésors, Feux, Compagnon, Cercle –, un verbe – Pousser,
Devenir, Rugir… David Sire en parle comme de son « travail d’ébéniste »: « Je rencontre des hommes et des femmes, et
avec le bois de leur vie, je façonne des chansons. »
– Sur France Musique: http://www.francemusique.fr/emission/le-temps-d-une-chanson
Voir l’émission du 2 mai 2015.
 
 

Une réponse à “David Sire. De chemin en chemin, la petite musique de la nature.”

  1. Avatar de de Urtasun J.
    de Urtasun J.

    Merci de m’avoir fait découvrir ce bidulosophe qui suit le chemin des autres.
    Quel homme extraordinaire que vous me donnez envie de connaître.

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À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

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À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

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