L’invité du blog: Le P. Michel Scouarnec.
Ses musiques préférées ? Jean-Sébastien Bach, Haendel et les auteurs de cantiques bretons. Le P. Michel Scouarnec, 80 ans cette année, est un citoyen d’un pays frontière, la Bretagne. D’un côté la terre et de l’autre, l‘Ouest !(1) explique-t-il dans un des rares entretiens qu’il a accordé. Son goût pour le beau, la poésie, la liturgie et la musique ont guidé ce fils de paysans tout au long de son parcours qui a été marqué par l’association réussie du renouveau et de la tradition revisitée.
Prêtre du diocèse de Quimper et Léon, depuis 1959, il a retracé les commencements de son parcours musical dans la préface de son livre « Dis-moi ce que tu chantes » (éditions du Cerf, 1981). « Les prêtres de ma génération étaient dans une attente énorme, on l’a donc vécu comme un miracle » partage-t-il. Les années soixante ont été déterminantes. Maître de chapelle, organiste, au petit séminaire de Brest à l’heure du Concile Vatican II, il écrit et compose alors quelques premiers hymnes, répons, acclamations en français pour les célébrations ordinaires du dimanche. Un de ses classiques, « Ouvre mes yeux », est né à cette époque, en 1965. Le chant est toujours au répertoire. Première pierre d’une série inspirée et qui compte des dizaines de titres. Nombre de ses chants figurent dans la liste des cantiques les plus utilisés dans les paroisses.
Suit à partir de cette période une intense activité faite de rencontres et d’écriture aux-côtés des grands noms du renouveau liturgique en français (Joseph Gélineau, Didier Rimaud, Patrice de la Tour du Pin et tant d’autres). « Il fallait écrire des textes et composer des mélodies d’hymnes nouvelles destinées à la célébration des divers sacrements, des funérailles, des temps liturgiques, de la liturgie des heures…Ils devaient être fidèlement porteurs de la foi de l’Eglise. Il fallait aussi écrire et composer des chants constituant des rites ou les accompagner, dans le respect de leurs formes, de leur fonction et le l’esprit de la Liturgie ». C’est ç cette époque qu’il rencontre le compositeur Jo Akepsimas (2) avec qui il poursuivra une collaboration « fructueuse et fraternelle ». Le duo a écrit près de 150 chants liturgiques à ce jour, dont un tiers sont toujours chantés. Ainsi que des poèmes et des chansons, un genre qu’affectionne Michel Scouarnec marqué dès ses débuts par le style de chanteurs à textes comme Félix Leclerc, Georges Brassens ou Léo Ferré. En résumé, sa feuille de route n’aura pas varié : écrire des textes poétiques, d’une facture populaire, aisément mémorables, profondément inspirés des Evangiles et porteurs d’une théologie authentique.
Nommé au début des années soixante-dix comme « délégué à la pastorale sacramentelle et liturgique » dans son diocèse le P.Michel Scouarnec, formateur infatigable et apprécié, n’a cessé depuis d’animer des sessions et divers rassemblements, en France et dans les pays francophones. Il a également dirigé durant 25 ans une collection d’essasi, « Vivre, croire, célébrer » (aux éditions de l’Atelier). Il a également écrit de nombreux articles pour des revues spécialisés.
Dans les années quatre-vingt il a participé au lancement de la radio chrétienne de son diocèse, RCF Rivages. Il y programma notamment une émission hebdomadaire consacrée à la chanson française, sous le titre « Flânerivages ». Dans le document qui sert de base à cette présentation le P.Michel Scouarnec partage sa passion pour la chanson. De chansonnette et ritournelle populaire qu’elle était, la chanson, accompagnant les travaux, les danses, les deuils et les réjouissances, la chanson a épousé la poésie, grâce à des auteurs de grand talent littéraire et musical qui l’ont transformée en chants d’humanité. Et grâce à des poètes, comme Prévert ou Louis Aragon dont ils ont mis en musique et programmé les oeuvres dans leur répertoire.
L’émission « Flânerivages », d’une durée de 30 minutes, a été programmée durant quinze ans sur la radio diocésaine du Finistère et sur l’ensemble du réseau RCF, radios chrétiennes francophones. 217 thèmes y ont été abordés. Ces thématiques explique aujourd’hui le P.Michel Scouarnec « rassemblaient des chansons exprimant la pensée et les sentiments profonds sur la vie, la mort, les valeurs humaines, les cris de joie ou de détresse, des humains du monde moderne. Des chansons qui n’étaient pas sans parenté avec les psaumes et l’Evangile et qui chantaient Dieu ou Jésus à leur manière, tantôt sous forme de prières, tantôt sous forme d’interrogations et de révoltes ».
Fidèle à ses racines bretonnes, bilingue de naissance, le P.Michel Scouarnec a également écrit et composé une hymnographie d’une centaine de chants en langue bretonne, inspirée par la Parole de Dieu et adaptée à la célébration liturgique. Un répertoire pour les pardons si populaires.
« J’ai eu un choc le jour où j’ai découvert que Dieu est « chantable » ! On peut s’adresser à Dieu avec des mots, avec des gestes, avec des fleurs, et par le chant. C’est ce que j’ai essayé de faire : chanter Dieu. »
(1). Relire son entretien avec Véronique Alzieu pour Signes Musiques, numéro 103 (Bayard)
(2). Selon le classement officiel des 100 chants chantés en paroisse établi par le SECLI (Secrétariat des Editeurs de Chants pour la Liturgie) le duo Scouarnec-Akepsimas compte douze chants au répertoire le plus utilisé.
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– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes,
évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
–Michel SCOUARNEC: Je citerai 3 musiciens et 3 oeuvres qui m’ont particulièrement marqué.
Tout d’abord Le Messie de Haëndel, qu’il m’a été donné de chanter à 12 ans, comme alto dans la chorale du Petit Séminaire, en présence de l’organiste Marcel Dupré. C’est bien plus tard et aujourd’hui encore que cette œuvre, dont je connais bien les paroles et la portée, me touche profondément.
Vient ensuite la Passion selon saint Matthieu de J.S. Bach qui me plonge profondément dans la Passion de Jésus, passionné de Dieu son Père et passionné pour les hommes.
Et enfin la symphonie du Nouveau Monde, de Dvorak, qui évoque pour moi l’immensité de l’univers et du monde nouveau annoncé par les Ecritures
– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
Dieu ne peut qu’aimer la musique, puisque depuis sa création du monde toujours à l’œuvre monte vers lui la musique du plus grand orchestre qui soit. Et puisque les humains sont humains en tant qu’ayant vocation à la louange dont l’expression est la plus accomplie quand ils la chantent, unissant leur musique à celle de l’univers, comme le dit Félix Leclerc :
Qu’ont vu tes yeux toute la journée ?
Qu’ont dit tes lèvres, qu’ont fait tes mains ?
Et tes oreilles bien ciselées, qu’ont-elles entendu aujourd’hui ?
Et tes longues jambes musclées t’ont promenée où aujourd’hui ?
Dans les couloirs de ta p’tite tête aucun vent frais n’a circulé ?
Elle dure ton immobilité depuis l’enfance, est-ce possible ?
Et les réserves dans ton cœur, qui les boira ?
Et cette trappe dessus ton âme, qui l’ouvrira ?
Tu as bien raison d’avoir honte
J’irai questionner le brin d’herbe, qui lui au moins,
A louangé la création toute la journée.
On a souvent oublié que Dieu est chantable et « musicable ». Voilà qui est réconfortant quand on pense avec raison qu’il est innommable. Mais quand les humains vivent et ressentent des émotions, convictions, sentiments, qu’ils ne peuvent pas dire avec des mots, ne les expriment-ils pas avec de la musique et des fleurs et des poèmes ?
C’est par le chant et la musique que la foi en Dieu se transmet aussi bien et peut-être bien mieux que par des catéchismes dogmatiques. Ce qui n’exclut pas l’invitation de saint Augustin à son peuple à « avoir l’intelligence de ce qu’ils chantaient ».
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Celle du plus grand et profond des silences, celui qui n’est parasité par aucun bruit. Celui qui n’est instrumentalisé par rien d’autre que la grâce d’être, qui est débarrassé de toutes les soupes musicales en quête de remplissage et d’effets décadents vides de sens.
– Quelles sont les musiques qui, selon vous, invitent à la prière ?
La prière n’existe qu’en épousant mille formes de prière, et donc aussi de musiques. Pour ma part toutes sont des invitations à écouter, à entendre surtout, les résonances en moi qui naissent des musiques de la nature, de l’océan, d’une ou plusieurs voix qui parlent, rient, pleurent ou chantent. Pas étonnant puisque mon nom « Scouarnec » signifie en breton « qui se distingue par ses oreilles, ou « qui a de l’oreille », au choix !
– Que chantent les anges musiciens ?
Chantent-ils seulement ! Ont-ils des cordes, vocales ou autres ? Quelle langue est la leur ? Le latin ? Saint Luc nous a dit qu’à Noël ils chantaient le « Gloria ». J’aime beaucoup la traduction littérale du texte grec : « Gloire dans les très-hauts à Dieu et sur la terre paix parmi les humains de bienveilllance ». Les anges se réjouissent de voir naître un humain qui enfin va totalement ressembler à Dieu qui n’est qu’amour et bienveillance. Le chant des anges s’unit au nôtre aussi, à la messe quand nous chantons le Dieu trois fois saint…
Quant aux instruments de musique dont ils jouent dans les tableaux et retables, ils ne sont que prêtés par les hommes qui leur ont donné peut-être des leçons de musique !!!
-Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Le chant écrit par Jean Servel, un grand ami lyonnais en-allé depuis quelques années, avec qui j’ai partagé des moments inoubliables sur la terre bretonne.
« Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi, fils de la terre ? »
– Qu’aimeriez-vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Le psaume 8 pour le louer et lui exprimer mon étonnement. « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme que tu en prennes souci ? » Je n’aurai aucune peine à inventer une mélodie.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
Difficile de faire un choix. Choisir appauvrit !
Le trio Bach, Haëndel, Mozart vient en tête. S’il n’en fallait qu’un ce serait Bach, un des très grands génies humains sur les plans intelligent, esthétique et spirituel.
Pour la chanson, viendraient en tête Félix Leclerc et Gilles Vigneault, celui-ci étant à mon avis un des plus grands poètes en langue française du 20ème siècle.
Ensuite quelques chanteurs Français : Brassens et Brel, Ferré et Ferrat et pourquoi pas Cabrel et Souchon. A surtout ne pas oublier les poèmes d’Aragon et de Delanoë chantés par les uns et les autres.
Une chanson ne sera pas dans les bagages car elle est inscrite dans mon cœur depuis long de temps : « A la claire fontaine etc. ».
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
« Qu’il est difficile d’aimer, qu’il est difficile ! » et « Que c’est beau la vie ! »
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
cf la question « île déserte »
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
Le chant du psaumes 21 par les moines de Tamié
Le 2ème mouvement du concerto pour clarinette et orchestre K 622 de Mozart
La jeune fille et la mort de Schubert
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Je l’entendrais dans le livre des psaumes, ces poèmes-prières-cantillés-accompagnés sur les cordes musicales. Leurs mots déjà me consolent et nourrissent mon goût de croire en mon grand âge et je les chante à ma guise. Portés au long des siècles par d’innombrables voix, ils expriment l’essentiel d’une chaîne d’humanité dont je ne suis qu’un maillon.
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A lire, les commentaires des Evangiles des dimanches sur le site du diocèse de Quimper et Leon et RCF Rivages, « aux couleurs du dimanche »: http://www.rcf.fr/radio/rcf29/emission/derniere/147945
Le lien texte: http://catholique-quimper.cef.fr/homelies-de-michel-scouarnec.html
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