Jean-Pierre TAIEB, compositeur (Série Arte): « Ainsi chantent-ils ».

Publié le

La troisième et dernière saison d’Ainsi soient-ils, sur Arte, a commencé le jeudi 8 octobre 2015. Pour huit épisodes. Retour sur les musiques de cette série singulière. Jusqu’au 22 octobre, chaque jeudi à partir de 20 h 50.

Retour sur…Arte, les huit épisodes de  « Ainsi soient-ils » (La Croix du 9 octobre 2012)  ont  réalisé des audiences significatives. La série française diffusée  du 11 octobre au 1er novembre dernier en prime time a réalisé en moyenne 5,3% de part de marché, soit 1 379 000 téléspectateurs,  rappelait lundi 5 novembre un communiqué de la chaîne.  Il s’agit de la meilleure audience 2012 pour la case Série du jeudi, avec une progression de 104% par rapport aux scores des précédentes programmations.
Une telle entreprise de fiction destinée au grand public, mettant en scène des séminaristes et leurs formateurs nés de l’imagination des scénaristes,  mobilise nombre d’énergies. C’est ainsi que la bande originale de la série, riche en musiques religieuses,  a été confiée à Jean-Pierre Taïeb. Le compositeur connu notamment pour ses musiques de films explique pour le blog comment il a travaillé. La rencontre entre un artiste et un répertoire.
« J’ai écrit toutes mes chansons, pour certaines en collaboration avec Boris Bergman et Roberto Sironi pour les textes,  en amont.  Les scenarii prévoyaient des chansons de scouts , de rock , de folk , de punk , de club  et bien sûr une bonne proportion de musiques à caractère  liturgique, laquelle a occasionné  des réunions avec un conseiller religieux .
J’ai fait travailler un des comédiens, Julien Bouanich, qui joue le rôle du séminariste Yann, pour qu’il apprenne la guitare en très peu de temps et qu’il puisse chanter. De même avec la comédienne Céline Cuignet (Soeur Antonietta)  afin qu’elle apprenne et enregistre une chanson en italien;  une autre comédienne et chanteuse de profession (dans le rôle de Camille) Lou Sirkis avec laquelle nous avons travaillé et enregistré trois chansons.
Pour la musique liturgique j’ai été mis en contact par Philippe Delest (Directeur de Production)  avec une chorale dirigée par Julien Michaud. Je leur ai apporté toutes les partitions des chants , le tout synchronisé par Emmanuel Rondeau (1er assistant réalisateur) et Eve Bourgeois (2ème assistante réalisateur). Voici quelques-uns des titres concernés:
– Sicut cervus de Palestrina
– Gloire au seigneur
– Beni sois tu O eternel (inspiré du psaume 148)
– Ave Maria
– Ubi Caritas
– Credo in unum Deum et quelques prières connues.
Je suis allé assez régulièrement dans les églises pour m’ immerger plus facilement. J’ai été inspiré par une  musique que j’aime particulièrement, celle de Palestrina et de ses contemporains (Josquin des Prés, Lassus). Par ailleurs, j’ai visionné avec passion un documentaire extraordinaire sur les moines de la Grande Chartreuse « Die große Stille » (Le grand silence) de Philippe Grönig. Après avoir travaillé, répété et enregistré la chorale avec l’ingénieur du son David Rit, il a fallu ensuite faire répéter tous les acteurs pour qu’ils apprennent les chants et surtout pour qu’à l’image on les prennent pour les vraies chanteurs. Tous se sont prêtés au jeu avec beaucoup de bonheur.
J’ai eu une liberté de travail quasi totale avec toujours des échanges très constructifs et poussant toujours vers plus de qualité entre Rodolphe Tissot, le réalisateur et co-créateur de la série et moi-même , sous le regard toujours attentif et valorisant de Bruno Nahon , producteur de la série.
Le reste de la musique est une partition assez lente, avec une instrumentation de cordes et de piano principalement pour pousser à la réflexion, à l introspection.
Le thème de la série est construit volontairement sur douze temps. C’est un clin d’oeil personnel aux douze apôtres…Les thèmes abordés dans la série sont la quête de sens , les doutes , la profession de foi, l’humain et la quête de Dieu et la difficile conciliation avec le monde…J ai essayé de faire en sorte que la musique ouvre une fenêtre sur un monde à visage humain avec ses distorsions mais aussi avec ses fulgurances réflexives sublimes.
Une Bande originale de la série va sortir très prochainement et mise à part deux titres pour lesquels nous avons fait appel à Dan Glendining pour un featuring (grâce à l’aide précieuse de Claude Szwimer) , elle est identique à la musique de la série. Le  DVD est sorti le 24 octobre. »
Jean-Pierre Taïeb formé à la Schola Cantorum a écrit des musiques de films (notamment The Divide, Glenn ou Frontières) et composé pour la publicité. Il a également collaboré à une trentaine d’albums de chansons, dont ceux de Maurane, Anggun, Nourith et pour le pianiste de jazz Yaron Herman.
********
– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
– Jean-Pierre Taïeb: Dieu est la source de la musique …
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Des musiques sans barres de mesures.
– Que chantent les anges  musiciens ?
Des notes que nous n’entendons pas car elles n’ont ni début ni fin.
Si la prière était une chanson, une musique,  laquelle choisiriez-vous ?
le Kyrie de Palestrina (Lord have mercy)
Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Je n’oserai pas…mais si j’en avais le courage , une Ode à la vie.
Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons  à emporter sur une île déserte?
Karl Friedrich Abel (œuvres pour viole de gambe)
Cantates de Bach
Les Œuvres de Nikhil Banerjee
Les enregistrements de Glenn Gould
De Scott Ross, de Gustav Leonhardt (Purcell et Bach et Couperin)
De Kuijken, de Itzhak Perlman….cela fait plus de dix kilos!!!)
Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Palestrina , Couperin , Purcell, Abel (interprêté par Nima Ben David), Bach ( Niklaus Harnoncourt, Aner Bylsma, Gustav Leonhart Glenn Gould) Scarlatti (Scott Ross), Mozart, Beethoven, Malher ,Strauss, Prokofiev, Rachmaninoff, Schumann, Brahms, Schönberg, Debussy , Ravel, …..J’aime énormément de choses et je fais là l’impasse sur le rock , le reggae le dub le hip hop le rap……
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
En écoutant Amy Winehouse et en apprenant sa mort.
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Impossible question , impossible réponse… !
**********
Son site: http://www.jeanpierretaieb.com/
******
À lire Dans La Croix du 2/10/2015

Dernière saison pour les séminaristes d’« Ainsi soient-ils » sur Arte

Désormais ordonnés, les séminaristes d’« Ainsi soient-ils » sur Arte confrontent leurs idéaux aux réalités paroissiales.

Dans leur jargon, les scénaristes appellent cela « transformer le pacte narratif ». En l’occurrence, sortir de jeunes candidats à la prêtrise du huis clos du séminaire où ils étudiaient depuis des années pour les conduire dans les paroisses où, devenus prêtres, ils ont été affectés…
> Relire  : Cinq séminaristes sous l’œil d’une fiction télévisée
Cette modification substantielle de la structure du récit est au cœur de la saison 3 d’Ainsi soient-ils dont les huit derniers épisodes sont diffusés chaque jeudi sur Arte à partir du 8 octobre.
« En saison 1, ils se demandaient s’ils étaient dignes de rentrer dans ce lieu qu’est le séminaire. En saison 2, ils cherchaient à savoir si ce monde était prêt à les accueillir. En saison 3, ils l’ont fait. Ils sont confrontés à leur sacerdoce, d’être les hommes de Dieu », résume Vincent Poymiro, l’un des scénaristes.

Défaut de lenteur et manque de justesse des premiers épisodes

Le téléspectateur quitte donc le séminaire des capucins – dont la vente douloureuse clôturait la deuxième­ saison, diffusée l’an dernier à la même époque – pour rejoindre Yann Le Megueur (Julien Bouanich) en Bretagne, José del Sarte (Samuel Jouy) à Toulouse et Guillaume Morvan (Clément Manuel) à Ussy-Saint-Germain en Île-de-France.
Disons-le brutalement : la réalisation comme l’écriture des dialogues donnent le sentiment que leurs auteurs, dont on avait salué à juste titre le talent dans les deux domaines, ont eu du mal à négocier le virage.
> Relire aussi  : La fiction télévisée revisitée par les cinéastes
C’est particulièrement patent dans les deux premiers épisodes qui souffrent d’un défaut de lenteur et d’un manque de justesse dans les situations. Mais comme les jeunes héros de la série, auxquels les comédiens accordent une interprétation sans faille et toujours aussi convaincante, le téléspectateur sera récompensé de sa persévérance et de sa confiance…
Il faut donc un peu de temps pour que la série trouve son rythme et aborde avec la finesse nécessaire des thèmes qui font écho à des problématiques traversées par les communautés chrétiennes.

Le plus clérical n’est pas toujours celui que l’on croit

Toutes ne sont pas aussi dramatiques que la pédophilie, qui heurte de plein fouet la paroisse bretonne de Plugneau, obligeant Yann à pousser son aîné, le P. Valliers (Jean-François Stévenin) à se dénoncer.
La coopération entre prêtres et laïcs, et les frictions qu’elle suscite parfois, sont ainsi évoquées de manière savoureuse et bien plus légère, le plus clérical n’étant pas toujours celui que l’on croit… Noémie Lvovsky est assez irrésistible dans le rôle de Jeanne Valadon, qui régente tout sans vraiment s’en rendre compte, avant que le P. Del Sarte n’arrive à lui faire comprendre que l’essentiel n’est pas là où elle le pense.
> Relire aussi  :La deuxième saison d’« Ainsi soient-ils » en tournage
Confrontés au réel, les jeunes prêtres tanguent, vacillent parfois, s’accrochent et leur apprentissage n’en est que plus touchant. Humains, parfois trop humains – comme le soulignent de manière parfois complaisante les scénaristes en accentuant les failles affectives de Guillaume et de Yann –, ils tentent d’accorder leur idéal aux rudesses d’un monde qui ne les attend plus et à la pauvreté matérielle de l’institution.
Hélas, les arcanes de celle-ci sont dépeints, une nouvelle fois, sous un trait caricatural et parfois ridicule. Comme si les scénaristes n’avaient pas su totalement dépasser certaines idées reçues sur un univers auquel, ils ont offert, trois années durant, une exposition inattendue.
Bruno Bouvet


Le site de la chaîne: http://www.arte.tv/magazine/asi/fr

Un site de décryptage: http://www.ainsisoientils.com

À propos de ce blog

  • Dans un pays où, dit-on, tout ou presque, finit en chansons, d’innombrables voix montent du chœur des humains jusqu’à Dieu. Au gré de voies parfois étonnantes. La chanson n’a pas seulement vocation au divertissement et aux standards formatés. Elle ouvre à bien plus grand qu’elle, évoquant les musiques du Paradis…

    Lire la suite

À propos de l’auteur

  • Robert Migliorini, religieux assomptionniste, journaliste, a tenu au sein du service culture de La Croix la rubrique musiques actuelles, de 1999 à 2009, et a assuré durant dix ans, en alternance, la rubrique quotidienne Fidèle au poste.

    Musicien, il a contribué au numéro de juillet 2009 (223) de la revue trimestrielle Christus consacré à la question de la musique, « une voie spirituelle ? ».

    Prépare un essai consacré à la chanson religieuse. Membre du jury des premiers Angels Music Awards 2015.

    Le dimanche à 8h03 sur le réseau RCF (Radios chrétiennes francophones) il programme l’émission Un air qui me rappelle.

    Robert Migliorini est également chroniqueur musical pour le mensuel Panorama.

Les derniers commentaires

Articles des plus populaires