Incontournable Vincent Segal. En ce mois d’octobre 2012, il est de retour aux côtés du malien Ballaké Sissoko (kora) pour un nouvel album « At Peace » (No Format). Comme instrumentiste (violoncelle) et producteur. L’originalité du propos s’impose fruit d’une méthode commune: « On a gardé ces moments où subsiste une forme d’interrogation où les musiciens, » explique-t-il dans sa présentation », qui sont un peu moins sûrs d’eux laissent de l’air, un espace à celui qui se sent plus sûr de lui..Dans les premières prises, les musiciens engagent toute l’expérience qu’ils ont emmagasinée, mais sans avoir la sécurité de savoir ce qu’ils vont jouer. Il y a de l’aventure, du déchiffrage et c’est vraiment beau à entendre ».
La seconde actualité du musicien, avant la sortie du prochain duo Bumcello en novembre, concrétise sa rencontre avec le groupe implanté en Anjou, Lo’Jo. Rencontré lors d’une prestation musicale dans un centre commercial! Le violoncelliste et bassiste a été invité sur leur nouvel album (« Cinema el Mundo »). « La musique est mon champ de travail, à l’image de celui de l’agriculteur » précise-t-il. »Je cultive un langage musical fruit d’une entente spirituelle avec d’autres artistes ». Ce qui fait de lui un quasi recordman des participations.
Cet été, dans le cadre du festival Les Suds, le violoncelliste et bassiste musicien offrait un concert sur mesure, au cœur des collections du Musée départemental Arles antique, en ouverture de cette belle semaine de musiques du monde . Compositeur, interprète, cet artiste poursuit une carrière marquée par une forme d’éclectisme voué aux expériences nouvelles.
Musicien touche-à-tout ? Vincent Segal ne rejette pas la remarque. Son enthousiasme soutenu par une voix toujours jeune et un regard souriant sur la vie ne connaît pas de répit. À Reims déjà, l’enfant doué avait choisi le violoncelle. Convaincu par la pédagogie de son professeur, Pierre Penassou, tout autant que par l’instrument. De sa formation classique, au Conservatoire de Lyon, il a ensuite gardé plusieurs cordes à son arc. Aussi à l’aise dans l’acoustique que dans l’électrique, il s’est retrouvé, par exemple, aux côtés du Britannique Sting, de Cesaria Evora ou Elvis Costello et du Français Matthieu Chedid (M) et dans une œuvre de Fausto Romitelli pour l’Ensemble intercontemporain. Son goût pour Gabriel Fauré et Charles Koechlin se conjugue sans complexe avec l’univers de Georges Moustaki dont il a réalisé le dernier album et le jazz actuel.
À 45 ans, Vincent Segal affiche un bonheur de jouer intact. Il vient de terminer un nouvel album, à paraître cet automne, pour son duo « Bumcello » avec le batteur Cyril Atef. « C’est ma face carnavalesque ! » Tout récemment encore, il a rejoint le compositeur de musiques de films Alexandre Desplat à l’œuvre dans le dernier Jacques Audiard « De rouille et d’os. »
Tout juste de retour d’Istanbul pour un concert de musique soufie, il avait investi le Musée antique d’Arles, le jour du lancement de la 17e édition du festival « Les Suds ». Ce n’est pas la première fois que le musicien s’installait dans ce lieu témoin de la richesse archéologique de la région. Au cœur des collections d’antiquités romaines et chrétiennes des premiers siècles, il avait présenté l’album enregistré à Bamako en 2009, Chamber Music (toujours le label No Format), fruit de sa collaboration avec le joueur de kora Ballaké Sissoko. Cordes et âmes entremêlées lisait- on alors. Ce travail, nomade par vocation, sera présenté prochainement aux États-Unis. « Cette musique douce calme les esprits et… les bébés », confie avec son humour Vincent Segal.
« Je joue comme si j’étais seul chez moi. J’aime les concerts sans artifice. Je vais évoquer l’enfance, la femme, le théâtre. Je considère les musées comme des lieux de vie et non des nécropoles », précisait celui qui a joué devant les foules des grandes salles et, à l’occasion, dans des églises.
Prochaine étape, quelques autres festivals et l’écriture d’un quatuor vocal qui sera donné dans les abbayes de Fontevraud, de Noirlac et au Théâtre de la Cité internationale à Paris…la rentrée devrait être tout aussi foisonnante.
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– Quelles sont les musiques, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
– Vincent SEGAL : Louange à l ‘éternité de Jésus d’Olivier Messiaen , peace in the valley par Sam cook, Amané par Roza Eskenazi , Nusrat fatah ali Khan.
– Selon vous, Dieu aime-t-il la musique ?
– la musique est loin de l’homme.
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
Le silence…-
– Que chantent les anges musiciens ?
Quelque chose comme Day by day par Jimmy Scott
– Si la prière était une chanson, une musique, laquelle choisiriez-vous ?
Kadish
–Qu’aimeriez vous « chanter » à Dieu en le rencontrant ?
Les suites pour violoncelle de de Bach.
–Quelles sont dans votre discothèque personnelle les musiques, les chansons qui sont vos préférées. Les dix musiques et chansons à emporter sur une île déserte?
TS TR Mahalingam, Le 16 quatuor de Beethoven, Roza Eskenazi avec Dimitri Semsis, Duke Ellington mood indigo, Les partitas pour violon de Bach par Milstein, le requiem de Fauré, Ballaké Sissoko en duo avec Badian Diabaté, Minas de Milton Nascimento, Dufaut par Hopkinson Smith.
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Asa Branca de Luiz Gonzague.
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
Bach,Beethoven,Ravel ,Messiaen,Bartok, Stravinski, Ellington, Christian Ferras ,Pierre Penassou, César Frank,Fauré, Ligeti, Muddy Waters,Dimitri Semsis,begum aktar, bade gulam ali Khan, Jacob do bandolim ,Johnny guitar Watson , Egberto Gismonti ,Antonio carlos Jobim,Pixinguinha, Nana Vasconcelos, ok jazz,zani diabaté,Kasse mady Diabaté, Darius Milhaud, Booker Little, Arthur lee ,Townes van zandt , Dufaut,Josquin des prés, Lee scratch Perry, Jimi hendrix,Pablo Casals, Joseph Hassid, Novos baianos,Cesaria Evora, Dietrich Fisher Diskau, Sun RA, Tiagaraja, Nusrat fatah ali Khan
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une musique, une chanson, laquelle était-ce ?
La flute joué dans le film Kagemusha de Kurosawa
– Si Dieu était une chanson, une musique, laquelle serait-ce ?
Surtout pas !
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A lire
Le griot blanc et le virtuose noir
C’est l’histoire d’une rencontre. Celle de deux instruments à cordes, la kora africaine et le violoncelle européen, qu’aucune route n’avait mis côte à côte jusqu’alors. C’est chose faite, grâce à leurs porte-parole : les plus dignes qui soient.
D’un côté, magnifique dans sa tenue noire brillante, en coton huilé et à parements dorés, Ballaké Sissoko, 43 ans, Malien descendant d’une lignée de seigneurs de la musique, fils de Djelimadi, lui-même maître de son instrument ancestral. La kora, sorte de harpe à chevalet, est née du fleuve selon les légendes. Elle a été plutôt « découverte par un chasseur de la lignée des Diabaté, qui l’a remise à son griot dont les Sissoko sont les descendants », explique Ballaké. À 13 ans, il succède à son père au sein du prestigieux Ensemble Instrumental du Mali, croisant ses cordes avec celles des guitares, des n’goni (le luth africain) ou avec les touches du balafon. À 20 ans, il accompagne une diva, Kandia Kouyaté, sur sa tournée internationale. Il découvre les États-Unis et Paris. Homme doux, timide, recueilli, lumineux, riche de sa culture, il ouvre son style au monde extérieur, accorde sa kora aux autres instruments. Il en connaît les moindres subtilités.
Sur sa gauche, costume noir et cravate sur chemise blanche, Vincent Ségal, même âge, comme un frère jumeau qui aurait grandi de ce côté-ci de la planète sonore. Lui a touché du violoncelle « dès l’âge de 4 ans ». Il l’étudie en classe musicale à l’école primaire puis au conservatoire, à Reims. Il intègre le Conservatoire national supérieur de Lyon, en sort avec un premier prix et, à 19 ans, s’envole à la Fine Art School de Banff, au Canada, développer son style. Il en revient rempli d’envies d’expériences à multiplier, au violoncelle acoustique ou électrique. Il s’évade en rencontres éclectiques : le Brésilien Carlinhos Brown, la Cap-Verdienne Cesaria Evora, les rappeurs californiens de Blackalicious, les Anglais Elvis Costello ou Sting. Il collabore aussi avec des artistes d’ici : Mathieu Chedid, Jeanne Cherhal, Georges Moustaki, Tryo. Et crée, il y a une décennie, le duo Bumcello, avec Cyril Atef à la batterie, qui obtient une Victoire de la musique en 2006.
Voilà les instigateurs de la rencontre instrumentale : « Un soir, raconte le violoncelliste, après m’avoir écouté en concert, Ballaké est venu dans ma loge pour me proposer un projet commun. Je le connaissais, il avait déjà enregistré chez Label Bleu. C’était un honneur pour moi. Il n’y a pas eu à hésiter ». Le maître de kora confirme : « Au Mali, je monte des projets de ce type avec d’autres instruments africains. Un jour j’ai écouté le violoncelle et me suis senti très attiré, j’ai voulu développer cette idée. Mais au-delà, j’espérais que se bâtisse une rencontre humaine. C’est ce qui s’est produit : nous possédons la même ouverture d’esprit, le même respect. Ça nous a permis de commencer ensemble sans morceaux composés. » Tous deux se rendent au Mali, jouent devant des enfants médusés. Et lors d’un concert à Bamako, le public applaudit entre chaque phrase.
Sorti fin 2009, l’album scellant la rencontre s’appelle Chamber Music. Pas parce qu’il s’agit de musique de chambre, au sens occidental du terme. Mais parce qu’au départ le violoncelliste et le joueur de kora l’ont « conçu pour la chambre, les espaces intimes, les cours, les petites salles », décrit Vincent Ségal. Surtout pas pour les podiums qui accueillent des concerts amplifiés à l’extérieur.
« Un concert acoustique, dans notre monde de son amplifié ou conçu sur consoles, c’est un acte politique, reprend-il. En jouant, j’aime montrer ce que je fais avec mes mains. L’ordinateur, c’est du fast-food musical ! À l’inverse, Ballaké et moi proposons une forme de développement durable musical. Un art de vivre mieux. Ce qui importe, ce n’est pas tant de faire un concert que de montrer qu’on pratique la musique autrement. »
« Les Africains souffrent de la culture omnipotente de l’électronique, renchérit Ballaké Sissoko. Quand un musicien traditionnel excellent est méprisé, quand on dit qu’il vient de la forêt, ça me fait mal au cœur. Quand j’écoute la musique faite sur ordinateur, je ne sens aucune énergie humaine derrière. Ce sont juste des boucles. Moi, j’entre dans le son que je produis. »
Lors du dernier Printemps de Bourges, grand festival du son amplifié s’il en est, tous les deux s’étaient retrouvés le 15 avril pour un concert mémorable dans la fraîcheur apaisante de l’église Saint-Pierre. Une acoustique exceptionnelle liée à l’architecture du lieu, au rapport d’équilibre remarquable entre l’abside et la nef. Cet après-midi-là, si la musique qui se jouait n’était pas « sacrée », le silence qui l’entourait l’était bien. « Jouer dans une église, même sans être profondément croyant, me renvoie à mon rapport à la mort, confie Vincent Ségal. Ce lieu nous rappelle que nous sommes tous identiques. La musique y exprime une sincérité qui n’a pas besoin de mots ».
Comment en effet décrire un si riche dialogue, constitué de notes, de vibrations, de pincements, d’émotions ? En l’écoutant, on se dit qu’on assiste aux retrouvailles heureuses de deux frères qui ne s’étaient jamais vus. Le violoncelle lancinant de l’un, archet tendu, tête haute, regard vers le haut, se tend vers la kora de l’autre, tête baissée, regard fermé mais visage ouvert.
« Nous ne sommes que deux instrumentistes jouant côte à côte, qui avons une bonne qualité technique et essayons, chacun, de servir au mieux son instrument de musique, explique Ballaké Sissoko. Si ce souci de bien faire touche le public, je m’en félicite. » Sagesse malienne à laquelle répond le bon sens du Français : « Nos postures sont différentes mais on ne triche pas, simplement parce que nous jouons tous deux depuis l’enfance, et que cette façon d’être est notre seconde nature. Et lui, je sais qu’il me regarde de l’intérieur. »
Qui mène le fructueux échange de la rencontre ? Qui donne le premier des nouvelles ? Qui prend la parole et la renvoie à l’autre ? « Quand nous jouons ensemble, Ballaké et moi, nous n’interprétons ni du répertoire traditionnel mandingue, longtemps réservé aux cours royales et à une caste de privilégiés, ni une sonate de Beethoven. Le répertoire vient comme nous le voulons. Il est très ouvert. Cela simplifie les choses », dit le virtuose à l’archet. Ce n’est donc pas une rencontre culturelle. Juste une autre façon de jouer, pour préserver « un plaisir d’écoute lié à l’intimité, la rareté ».
Dans les faits, les deux se renvoient la balle. L’un hoche la tête, l’autre agite le chef. Mais c’est tout le contraire d’un dialogue de sourds. Virtuoses, voltigeurs, ils s’entraînent dans des torrents de rires qui, à chaque instant, peuvent se transformer en larmes musicales. Chacun sourit des prouesses techniques et petites trouvailles du voisin. Pas pour s’en moquer. Pour le féliciter. Comme des gamins basketteurs. Ballaké Sissoko serre les dents, tête agitée, tandis que ses doigts cascadent sur les cordes. Vincent Ségal apprécie, il se tait, il s’accorde. La fois suivante, ce sera son tour. Passées les politesses d’usage, il se lance dans une folle cavalcade, archet en main, allant chercher des sonorités ignorées du grand répertoire, tremblantes, vacillantes, mais toujours justes. Cette fois, c’est le griot qui s’incline, par respect. Enfin ils s’amusent : un crin d’archet vibrionne, un doigt cogne la calebasse. Tel le battement du cœur de l’art, l’enfance de la musique.
DANA Jean-Yves (LA CROIX 14/05/2010).
– Le site: http://www.bumcello.com/page.php?idR=connaitre&idSR=sissoko_segal&lang=FR
A écouter: sur France Inter, le 6 octobre: http://www.franceinter.fr/emission-le-pont-des-artistes-carte-blanche-a-oxmo-puccino-en-compagine-de-vincent-segal-et-ballake-
A voir sur Arte: http://liveweb.arte.tv/fr/video/One_Shot_Not___Ballake_Sissoko___Vincent_Segal/
Mon commentaire Merci Yann pour votre ouverture du coeur
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