« Une idée folle! », le titre de la chanson intrigue d’abord. Comme la photo de la pochette du CD où le prêtre en soutane noire se présente comme marchant résolument vers ses auditeurs. Dans une rue de Marseille. C’est là que vit le Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine. Et ce Cd de deux titres, paru récemment, où se laissent entendre accordéon, guitare et autres instruments aux accents musette rappelle que le curé de la paroisse Saint Vincent-de-Paul (Les Réformés, en référence aux religieux Augustins installés jadis dans cette église) est aussi un artiste. Auteur-compositeur, prêtre, il ne ménage pas sa peine, fidèle à une « intelligence cordiale », à la suite de Saint François de Sales. Son engagement ne laisse pas indifférent, spécialement depuis que sa voix se laisse entendre dans les médias généralistes.
Dans son livre d’entretien avec Jean-Robert Cain (Ad Solem,457 p., 34 €) le prêtre rappelle ses débuts. Arrivé à Paris en 1980, il est alors engagé comme chanteur le 1er octobre de la même année. « Je pensais convertir la France entière en chantant dans les cabarets. » rappelle-t-il. Il puise alors son répertoire dans la chanson française, qu’il estime « indémodable, indémontable, insurpassable ». Une vieille chanson française considérée comme « le dernier bastion audible de notre culture, transportant dans ses textes et ses mélodies le parfum d’une France perdue ». Hommage à Piaf, Trenet, autres Juliette Greco et à ce primat de l’amour que les « poètes, maudits, mais toujours bénis, partagent avec le Christ ». Et il se souvient de ce moment où il décide de mettre un terme à une carrière qui s’annonçait bien. Et répondre à l’appel entendu enfant au sein de sa famille.
Le chemin concret de sa vocation a pris du temps. Depuis le premier appel à l’âge de 8 ans, jusqu’à son ordination à l’âge de 40 ans. Le prêtre poursuit sous une autre forme aujourd’hui son souci de rejoindre le plus grand nombre. Y compris en chansons. Il a fait paraître le 4 octobre un nouvel essai, « Au diable la tiédeur », suivi du petit traité de l’essentiel (Aux éditions Robert Laffont, 192 p., 14,90 €).
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LA CROIX en a parlé en ce début de 2012.
Michel-Marie Zanotti-Sorkine, une passion marseillaise
Ce curé en soutane, qui fut pianiste dans les cabarets parisiens, attire fidèles et curieux dans sa paroisse de la Canebière, suscitant engouement et critiques dans son diocèse.
De son kiosque à journaux, observatoire idéal sur les hauts de la Canebière, Raymond reconnaît au premier coup d’œil la longue silhouette noire. En plein cœur de Marseille, dans ce quartier populaire où se côtoient juifs, arméniens, musulmans turcs et maghrébins, le prêtre en soutane qui tient tout autant du fiévreux curé de Bernanos que du bon abbé provençal de Pagnol, ne passe pas inaperçu. «Il parle à tout le monde, je le vois tous les jours avec des jeunes, des vieux, des paumés aussi» , commente Raymond.
Le P. Michel-Marie Zanotti-Sorkine, 51 ans, grand brun au regard intense, est une figure dans le quartier. On vient de tout Marseille à sa messe. Même en semaine, il y a toujours du monde devant les grilles de son église, Saint-Vincent-de-Paul, qu’il ouvre et ferme lui-même matin et soir. Mais si cet étonnant curé à l’ancienne, qui ne lâche jamais son chapelet et n’a de cesse de vouloir «ramener le plus d’âmes possibles à Dieu», passe des heures dans son confessionnal, jusque tard chaque soir, il tient invariablement ses autres rendez-vous dans son bureau de prédilection : le bistrot. «Tout se fait dans le contact personnel, d’homme à homme» , confie ce prêtre chaleureux.
Dans cette ville où l’on dénombre 1% de catholiques pratiquants, Zanotti-Sorkine ne se veut pas prêtre «pour le ghetto catholique» . Sa soutane, il dit la porter comme un bleu de travail, bien visible dans un monde sécularisé. «Ce qui m’intéresse, c’est le boulanger ! La masse éloignée de Dieu et de l’Église. Il faut que nous soyons anachroniques pour que le monde puisse se tourner vers une autre source…»
Il bondit dès qu’on lui parle d’«équipes d’animation pastorale» , défend avec opiniâtreté une vision «familiale» de la paroisse, où le prêtre, au centre, «tient l’esprit de la maison» . Il affirme d’ailleurs recevoir des lettres et des visites de prêtres de toute la France, «qui n’en peuvent plus de devoir organiser une réunion pour changer de place un bouquet de fleurs!» Le cheval de bataille de cette forte tête, au parcours ecclésial compliqué : les normes, les systèmes clos. Nulle méthode, si ce n’est la pastorale du cas par cas. «Il ne faut jamais sacraliser les moyens mais partir des personnes elles-mêmes. Je ne vois pas pourquoi il faut attendre absolument deux ans pour recevoir le baptême…Pour certains, il le faudra, mais pour d’autres non. Il faut être au rendez-vous de l’Esprit Saint!»
Paroissiens depuis trois ans, Véronique Fontaine et Joffrey Martial, Réunionnais de 29 et 26 ans, apprécient l’ambiance familiale. «Nous allons bientôt nous marier : c’est lui qui nous a encouragés à nous lancer après tant d’années de vie commune.» Dans la foule qui l’attend à la sortie de la messe, beaucoup n’avaient plus mis les pieds à l’église depuis des décennies. «La première fois, je suis venue par curiosité , reconnaît Sylvie, 51 ans. Et puis j’ai eu l’impression qu’il disait la messe pour moi seule. Moi qui ne croyais plus aux hommes, qui avais perdu tout espoir, je me suis confessée pour la première fois depuis mon enfance, il y a deux semaines.»
Nulle morale chez lui. «Je ne commence pas par les refroidir. J’accueille chacun. Nous sommes là pour annoncer notre Seigneur Jésus-Christ qui nous attend après la mort.» «La charité doit s’exercer dans la démesure», poursuit cet homme qui dit connaître le cœur humain. Car avant d’être prêtre, Michel-Marie Zanotti-Sorkine a mené une carrière d’auteur-compositeur-chanteur à Paris. Monté de Nice, il a chanté Piaf, Trenet, Montand et Brel de pianos-bars en cabarets pendant près de dix ans. «J’ai appris à aimer au contact de ce monde de la nuit, de ces hommes en apparence si loin de l’Église mais qui avaient une qualité d’amour exceptionnelle» , raconte-t-il.
De ce passé dont il regrette pudiquement certaines errances, le P. Zanotti-Sorkine a gardé une sensibilité à fleur de peau, une miséricorde pour les «histoires maladroites, désaxées, dont nous ne saurons jamais, du moins avant le ciel, si Dieu en était totalement absent». Et un art de la mise en scène indéniable. «C’est un homme de la scène qui sait se mettre en valeur médiatiquement, remarque son éditeur et ami Grégory Solari, des Éditions Ad Solem, mais il n’y a rien de factice, il est brûlé de l’intérieur.»
Sa paroisse, qui vivotait avant son arrivée il y a sept ans, est passée à 500 fidèles. Une trentaine d’adultes se préparent au baptême, une soixantaine à la confirmation. Et son livre s’est déjà vendu à 10000 exemplaires. Le prêtre cultive les paradoxes. Sa soutane pourrait laisser croire à quelque velléité de restauration catholique. Il n’en est rien. En matière d’apostolat, il prise tout ce qu’il y a de plus moderne, sans hésiter à se mettre lui-même en avant. Il vient d’enregistrer un CD avec l’ancien pianiste de Trenet et le guitariste d’Aznavour. Derrière l’église, il a aussi ouvert une boutique «tendance» où l’on vend aussi une gamme de parfums d’ambiance intitulée «Parce que mon curé aime!»…
S’il s’est entouré d’une soixantaine de laïcs à qui il délègue le catéchuménat ou le catéchisme, le P. Zanotti-Sorkine veille en revanche jalousement sur la liturgie. Sa messe est préparée avec le plus grand soin. «C’est notre carte de visite. Si elle n’est pas attirante, ça ne marche pas. Il faut que ce soit évident qu’on est dans un autre univers. Ce n’est pas une question de rite mais d’habitation du mystère.» De fait, pour lui, les questions liturgiques sont «une perte de temps». «La messe de Paul VI est extraordinaire si elle est vraiment mise en valeur!»
Atypique, franc-tireur, ce prêtre dérange, agace. Dans l’Église de Marseille, on rechigne à en parler. Tout juste dit-on tout bas «qu’il n’en fait qu’à sa tête, qu’il vide les églises alentour» . Certains critiquent son manque d’œcuménisme et de participation au dialogue interreligieux. Il n’en a cure. «Je fais une anti-carrière», concède-t-il. «Il est plus obéissant que quiconque dans le diocèse, car il sait qu’il dérange , glisse un responsable de communauté. Si l’évêque lui demande de partir, il part demain.»
CÉLINE HOYEAU (La Croix du 4/01/2012)
Un parcours étonnant
1959, Naissance de Michel-Marie Zanotti-Sorkine, aux origines russe, italienne et corse.
1972, à 13 ans, il perd sa mère d’une longue maladie.
1977, Invité à chanter au Café de Paris à Monte-Carlo, il rencontre Tino Rossi et monte à Paris où il mène une carrière d’auteur-compositeur-chanteur dans les cabarets.
1988, Michel-Marie Zanotti-Sorkine entre dans l’ordre dominicain où il reste quatre ans, poursuivant ses études à l’Institut catholique de Toulouse. Puis il le quitte pour l’ordre franciscain où il demeure également quatre ans.
1999, Il est ordonné prêtre pour le diocèse de Marseille par le cardinal Bernard Panafieu et nommé à la basilique du Sacré-Cœur.
2004, Il est nommé curé de Saint-Vincent-de-Paul, la paroisse des Réformés sur la Canebière. Ses paroissiens lui ont consacré un site Internet sur lequel ils publient ses homélies.
Écrivain, poète et musicien, il est l’auteur de six ouvrages dont Homme et prêtre , Tourments, lumières et confidences , livre d’entretien autobiographique (Ad Solem, 455 p., 34 €).
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– Quelles sont les chansons, anciennes ou récentes, évoquant Dieu que vous avez entendues et appréciées?
Michel-Marie ZANOTTI-SORKINE (MMZS): Ne nous y trompons pas. De même que dans une oeuvre comme celle de Proust, Dieu semble terriblement absent alors qu’il s’y cache sous les sublimes descriptions de la nature humaine, sur des milliers de chansons, Dieu semble absent, et pourtant il y est, surtout si l’amour est en jeu… Ceci dit, je n’oublie pas la chanson de Serge Reggiani : » Ma dernière volonté » qui en dit long sur l’homme aux prises avec la mort et avec la secrète espérance que derrière un coeur arrêté celui de Dieu bat…
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– Selon vous, Dieu aime-t-il les chansons
– Bien évidemment, surtout celles qu’il inspire lui-même aux poètes !
– Au paradis quelles musiques y entend-on ?
J’attends pour vous répondre qu’en arrivant au Ciel, un ange s’approche de moi en me disant : « Demandez le programme ! » et c’est peut-être demain la veille. Repassez donc plus tard, je vous dirai ce qu’il en est.
– Que chantent les anges musiciens ?
A en croire les peintres et les maîtres verriers, les anges de Van Eyck jouent de l’orgue et du luth, ceux de Fra Angelico chantent à tue-tête, ceux de William Bouguereau font du violon, et on ne compte plus sur les vitraux des cathédrales, les anges trompettistes. Quelle symphonie nous attend, j’ai hâte…
– Si la prière était une chanson laquelle choisiriez-vous ?
En songeant à ceux qui souffrent en raison d’un amour trahi et qui espèrent encore, je choisis pour eux la chanson d’Edith Piaf : « Mon Dieu, mon Dieu, laissez-le moi encore un peu mon amoureux ! »
– Qu’aimeriez vous chanter à Dieu en le rencontrant ?
Rien, parce que l’amour se passe de mots.
– Quelles sont dans votre discothèque personnelle les chansons qui sont vos préférées. Les dix chansons à emporter sur une île déserte?
Préférer, c’est exclure, mettait en garde Marguerite Yourcenar. Et puis, il faut bien que je garde quelques secrets… Priez surtout pour que je ne finisse pas sur une île déserte !
– Quel est le refrain qui vous a le plus marqué ?
Un refrain de Trenet que j’ai chanté tous les soirs pendant des années à Paris assis à mon piano : « Longtemps, longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore dans les rues… » Et je croise les doigts, et je prie, pour que cela soit, longtemps, longtemps, longtemps…
– Quels sont les grands auteurs, compositeurs ou interprètes qui comptent pour vous ?
De Villon à Aragon, et jusqu’à Jean Roger Caussimon pour les auteurs, sous des mots qui voltigent en poésie, et en français, s’il vous plaît !
– La dernière fois où vous avez été ému en écoutant une chanson, laquelle était-ce ?
La dernière que je viens d’écrire et d’enregistrer à Paris pour tous ceux qui se sont apparemment éloignés de Dieu : « Une idée folle ! »
– Si Dieu était une chanson laquelle serait-ce ?
Sachant que Dieu magnifie l’amour, la liberté, et l’esprit de combat, j’hésite entre « L’Hymne à l’amour » d’Edith Piaf et « Le chant des partisans » de Joseph Kessel.
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Son site: http://www.delamoureneclats.fr/index.html#m=1&t=p&a=2011_2012
Site du diocèse de Marseille: http://marseille.catholique.fr/
Le site d’un de ses éditeurs, Ad Solem: http://www.editions-adsolem.fr/livre.php?id=177#
Sur RCF (Radios chrétiennes) http://www.rcf.fr/radio/RCF05/emission/143216/419223
Mon commentaire Merci Yann pour votre ouverture du coeur
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